« Nous avons une obligation éthique et morale de produire, de manière pérenne, des denrées alimentaires sur les surfaces que nous avons », a déclaré Hans-Peter Friedrich lors d'une conférence de presse dans le cadre du salon de l'agriculture de Berlin Grüne Woche, une de ses premières apparitions publiques depuis la constitution du nouveau gouvernement allemand le mois dernier.
Hans-Peter Friedrich, issu comme son prédécesseur, Ilse Aigner, du parti conservateur bavarois CSU, affichait ainsi son peu de sympathie pour la création d'espaces écologiques, le maintien en jachère ou sous forme de prairies permanentes des surfaces cultivables allemandes.
Dans le cadre de la réforme adoptée en septembre de la Politique agricole commune (PAC) européenne, et qui s'appliquera à partir de 2015, 30 % des aides versées aux agriculteurs européens doivent être conditionnées à des mesures de « verdissement » ( « greening ») destinées à rendre l'agriculture plus verte et plus respectueuse de l'environnement.
Cette disposition, à laquelle tenait beaucoup le commissaire européen à l'Agriculture, Dacian Ciolos, a fait l'objet d'intenses négociations et les Etats membres auront une large marge de manœuvre dans son application. Le projet initial de Dacian Ciolos était autrement plus contraignant : il prévoyait notamment une obligation de laisser une partie des terres en jachère pendant de longues périodes. Au final, une rotation des cultures pourra suffire à remplir les engagements de « verdissement ».
« Nous avons décidé de ne pas rentrer dans le détail » et de laisser à chaque Etat-membre le loisir de fixer ses règles pour le greening, a précisé dans l'après-midi lors d'une conférence de presse à Berlin Dacian Ciolos, mais « les Etats-membres auront l'obligation de prouver que les mesures (prises) profitent à la biodiversité et à la qualité du sol », a-t-il précisé. « Si ce n'est pas le cas, nous refuserons leurs propositions », a ajouté le commissaire roumain.
Le président de la puissante fédération des agriculteurs allemands DBV, Joachim Rukwied, a salué les propos du nouveau ministre. « Une utilisation productive (des surfaces), avec le recours à des engrais, est nécessaire, c'est aussi notre avis, parce que toute autre solution se traduirait par des baisses de revenus », a-t-il argumenté.Le DBV est l'organe de l'agriculture productiviste allemande et des grandes exploitations. Il est proche du CSU, le parti de Hans-Peter Friedrich.
Celui-ci a effectué la semaine dernière en France sa première visite d'Etat en tant que ministre de l'Agriculture. Au terme d'une rencontre avec son homologue français, Stéphane Le Foll, les deux ministres ont souligné « une vision partagée visant à combiner impératifs de production et impératifs environnementaux ». Ils ont décidé la constitution d'un groupe de travail franco-allemand sur l'agro-écologie.
En Allemagne, Hans-Peter Friedrich n'a toutefois nullement l'intention de soutenir plus intensément l'agriculture bio, dont la croissance reste nettement en-dessous des objectifs fixés il y a quelques années. « C'est le consommateur qui décide en dernière instance ce qui doit être produit », a-t-il argumenté, « nous ne pouvons pas faire de certains segments des niches subventionnées ».