Prenons le cas d’une exploitation ovine avec 400 brebis et une surface de 57 ha dont 50 ha de prairies, pour une production d’agneaux label rouge « Agneaux des Pyrénées ». Dans ce système d’exploitation, la possibilité d’accéder aux estives est à la fois un atout et une contrainte :
- un atout (voire une nécessité) pour accéder à une ressource alimentaire quasi illimitée permettant d’augmenter la taille des troupeaux et d’assurer une relative stabilité économique (relative car plus de la moitié des produits sont des aides publiques. D’autre part, la montée en estive permet de libérer les parcelles proches du siège d’exploitation (en coteaux ou en plaine) et de constituer ou de reconstituer les stocks hivernaux de fourrages ;
- une contrainte calendaire car la montée en estive s’effectue toujours à la même période (pour des raisons agro-climatiques). Cela nécessite une gestion des lots (lutte de printemps, i. e. mise à la reproduction de printemps) calée sur cet impératif et empêche d’intervenir sur le troupeau pendant les mois d’estive (rattrapage d’insémination, mises bas, etc.).
Les animaux sont montés en estive fin mai début juin, après la mise à la reproduction, et redescendent de manière échelonnée de fin août au 25 septembre (avant la mise bas). Les agneaux qui naissent les premiers sont vendus avant la montée en estive, tandis que ceux qui naissent tard montent en estive et sont vendus au retour, en tant que broutards.
Au retour de l’estive, les brebis pâturent en plaine (prairies du siège) jusqu’à Noël. L’hiver, elles sortent autant de fois que possible et consomment les stocks de fourrages. Au printemps, elles font le tour de tous les prés de fauche en plaine (déprimage), puis, avant la montée en estive, vont (sans bail, sauf exception) sur les « zones intermédiaires ».
Ces zones, comprises entre les fonds de vallée et l’étage alpin, sont en situation de déprise agricole (pressions exercées par le tourisme ou le boisement). La ressource fourragère est donc principalement conditionnée par l’accès aux parcelles et les rendements. L’accès aux parcelles en plaine ou coteaux est rendu difficile par le morcellement, la fermeture de ces milieux en déprise et l’accès au foncier rare et cher en vallée. L’accès aux estives est principalement fonction des conditions météorologiques (neige, température minimale pour la pousse de l’herbe). L’optimisation et la gestion de la pousse de l’herbe en plaine ou en coteaux sont des questions fondamentales sur ces terres à faible potentiel.
Ce type d’exploitation est fortement dépendant de la politique agricole car les aides du premier et du deuxième piliers représentent plus de la moitié (55 %) du produit total. En outre, le prix de l’agneau, très variable en fonction du contexte international, impacte fortement les ventes d’agneaux sous label qui représentent 40 % du produit.
L’association des ressources de vallées et d’estives confortée
Aux dires d’experts, le changement climatique devrait globalement conforter ce système associant ressources de vallées et d’estives, principalement en lien avec la croissance de l’herbe en été dans la vallée, les estives et les zones intermédiaires.
En revanche, le changement climatique entraînerait une perte de production de fourrage, donc une baisse des stocks en hiver. Le pâturage hivernal en vallée, déjà pratiqué, deviendrait plus répandu. Par ailleurs, des opportunités nouvelles s’ouvriraient sur les estives pyrénéennes qui ne sont actuellement pas saturées d’animaux et où l’herbe continuera de pousser sous le climat de 2050. On peut donc imaginer d’allonger la durée de l’estive, dans les limites de la durée de gestation des brebis.
Il faut également noter que l’impact du changement climatique sur l’exploitation pourrait être indirect, via l’augmentation du coût de l’alimentation en céréales.
Enfin, soulignons la difficulté à analyser les effets du changement climatique dans les zones de montagne, dont les caractéristiques géographiques nécessitent des données météorologiques à une échelle plus fine que ce que les modèles climatiques permettent.
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