
Les enjeux pour l’agriculteur : Ludovic Legal, agriculteur à Lalandusse en Lot-et-Garonne, cultive 90 ha de maïs sur 110 ha de Sau, le reste en blé et tournesol.
« Sur les cinq dernières années, j’atteins 125 q/ha de moyenne de rendement en maïs irrigué. Ma réflexion commence dès le choix de la variété, pour qu’elle soit la mieux adaptée possible à ma région afin d’optimiser mes résultats. Les critères auxquels je veille sont la précocité, les performances de rendement, la tenue de tige, la vigueur de départ… Au-delà de cette stratégie de fond, je cherche toujours à améliorer ma productivité. Il y a trois ans, j’ai commencé à fertiliser au moment du semis. J’apporte du 18-26 et des oligo-éléments, du zinc notamment. Grâce à cela, j’ai déjà gagné 15 q/ha.

(©Ludovic Legal)
Aujourd’hui, pour le dernier apport, de l’urée 46, au stade 6-8 feuilles, je pense adopter la technique de la fertilisation localisée en même temps qu’un binage. J’espère encore progresser de 10 à 15 q/ha. Pour l’instant, je n’ai pas l’équipement pour. Mais d’ici un an ou deux, je vais m’équiper d’une bineuse surmontée d’une trémie de répartition de l’engrais.
J’entends parfois parler de 200 q/ha en maïs mais il s’agit de cultures menées avec le plus grand soin pour qu'elles ne subissent aucun stress : irrigation contrôlée, fertilisation tout au long de la croissance de la plante, grâce à la fertirrigation notamment... Selon moi, cet objectif est atteignable seulement si toutes les conditions favorables sont réunies : une grande maîtrise technique, beaucoup d’attention, un bon terroir avec un ensoleillement propice. »
Les conseils des experts : Josiane Lorgeou, responsable du pôle variétés, génétique et semences d’Arvalis-Institut du végétal, et Alain Taillardat, directeur de la recherche agronomique et du développement chez Maïsadour Semences.
« Il faut viser haut pour sécuriser la production à un niveau plus bas. » Alain Taillardat de Maïsadour incite à réfléchir à la faisabilité d’une productivité de 200 q/ha.
« Nous avons toutes les raisons d’y croire parce que dans notre réseau d’expérimentation, nous observons déjà de tels rendements. Sur 65.000 micro-parcelles en Europe, la moyenne tournait en 2012 autour de 110 à 120 q/ha mais dans 48 d’entre elles, dont une dizaine en Poitou-Charentes, elle dépassait 200 q/ha. En 2011, 160 micro-parcelles étaient dans ce cas. Le potentiel génétique du maïs est là, illustrant celui des plantes en C4. »
Josiane Lorgeou témoigne d’occurrences du même ordre dans le réseau sud-ouest d’Arvalis. « Le rendement est la résultante de nombreuses composantes et des interactions entre elles. Celles-ci relèvent de l’environnement pédoclimatique, du progrès génétique, des pratiques culturales et du système de production. La clé de la réussite ? Valoriser les atouts et minimiser les facteurs limitants, le mieux et le plus régulièrement possible.

Lorgeou : « Valoriser les atouts
et minimiser les facteurs limitants,
le mieux et le plus régulièrement
possible. » (©Arvalis)
2.000 degrés jour
En termes mathématiques, pour obtenir 200 q/ha, il faut une densité de 5.700 gr/m² pour un Pmg de 350 g, soit entre 5.200 et 6.000 gr/m² avec un Pmg compris entre 380 et 320 g. Cela équivaut à 8,5-9 plantes par m² et entre 620 et 710 gr/épi, soit des épis de 18 rangs de 36 grains ou de 16 rangs de 40 grains.
Vue de l’extérieur, une plante prometteuse est haute, verte, dotée d’une belle tige, de bonnes racines et d’un indice foliaire supérieur à 5 m² par m² au sol. Le milieu de culture joue également son rôle. A l’idéal, sur son cycle de développement, le maïs doit accumuler plus de 2.000 degrés jour et intercepter au moins 1.100 mégajoules par m². La température optimale se résume à l’absence d’excès. Par exemple, s’il fait trop chaud, la croissance est trop rapide et le cycle est raccourci. Le maïs n’a pas le temps de correctement capter la lumière.
En ce qui concerne l’eau, entre réserve utile, pluie et irrigation, 650 à 700 mm sont nécessaires. Enfin, les besoins en engrais s’élèvent à 1,8 unité par quintal. Il faut donc viser 300 à 350 unités d’azote. Mais le niveau de fertilité du sol aura aussi un impact. Pour limiter le poids des paramètres extérieurs, la sélection génétique s’attache à augmenter l’efficience du végétal vis-à-vis de la lumière, des températures, de l’eau, des intrants. La conduite de la culture peut aussi agir dans ce sens.
Perturbation climatique
L’importance du contexte pédoclimatique rend l’exploit difficile à systématiser. D’ailleurs, seul le sud-ouest bénéficie de conditions météorologiques favorables a priori. Mais c’est sans compter le changement climatique. Celui-ci a globalement fait gagner entre 150 et 200 degrés jour entre le 1er avril et le 15 octobre, soit deux groupes de précocité variétale, et entre 8 et 10 points d’humidité du grain à la récolte. A mêmes date de semis et teneur en eau finale, les maïs peuvent être récoltés plus tôt. En conséquence, à mêmes date de semis et précocité de variétés, les stades sont atteints plus vite. Les semis sont cependant de plus en plus précoces. Ils ont avancé de 10 jours avant en 25 ans dans les essais Arvalis, de 20 jours en 40 ans dans les exploitations.
Au nord, les variations du climat ont une incidence positive. Les températures sont moins limitantes pour le temps de croissance et la chaleur accroît l’efficacité des plantes vis-à-vis des intrants. Alors qu’en Aquitaine, Midi-Pyrénées et Charente, la courbe d’évolution du rendement tend à s’infléchir à la baisse du fait d’un cycle écourté et de températures déjà optimales l’été. Cette mise au pas de la productivité des poids lourds de la production française de maïs grain se trouve encore renforcée par les restrictions d’irrigation.
Au niveau national, contrairement au blé, la tendance reste tout de même positive avec une progression annuelle d’1,1 q/ha et ce, grâce au progrès génétique. Ce dernier sauve la productivité en améliorant, entre autres, la résistance de la plante aux facteurs de stress, notamment liés aux aléas climatiques. Quant aux 200 q/ha, il s’agit d’un objectif qui approche les limites physiologiques de l’espèce. »
