Au Pays Basque, sur les pentes verdoyantes entourant Saint-Jean-Pied-de-Port, l’agriculture paysanne n’est pas qu’un modèle défendu bec et ongles par la Confédération paysanne. Avec de petites exploitations, elle se pratique et sert d’exemple idéal au syndicat s’opposant farouchement à « l’industrialisation de l’agriculture ».
Membre de l’Elb, syndicat affilié à la CP, Peio Bereterbide est installé sur une petite exploitation de 20 ha à Uhart Cize, une petite commune. Avec sa fille Sandrine, il élève 321 brebis Manech à têtes noires et 6 vaches allaitantes. Les 18.000 litres de lait produits sont intégralement transformés à la ferme en fromages Aop Ossau-Iraty. Trois tonnes de fromages affinés dans une cave collective sont commercialisés directement à la ferme ou dans les restaurants de la région.
« Le plus difficile ici, c’est d’exploiter des terres très pentues », explique l’éleveur de 58 ans. Autour des bâtiments, les pentes oscillent entre 30 et 45 %. Dans son hangar, l’agriculteur n’a que des matériels autrichiens spécifiques pour la montagne. « A puissance égale, nos matériels coûtent 30 à 40 % plus cher que des engins classiques. » Une partie du surcoût a bien été financé par les dispositifs d’aides à la montagne. « Mais la part d’aides pour le matériel est passée de 40 % à 25 % », déplore l’éleveur.
« Impossible de s’agrandir sans nuire au paysage »
Certaines parcelles, aux pentes supérieures à 50 %, restent inaccessibles aux engins à chenilles. « Nous laissons ces terrains en fougères, que nous récoltons à la faux pour la litière des animaux. » Les dénivelés basques imposent un travail manuel important et nécessitent donc beaucoup de main-d’œuvre. « Pour entretenir deux hectares de fougeraie, il faut une dizaine de personnes pendant deux jours. »
Avec de telles pentes difficiles d’accès, l’éleveur estime qu’il est impossible d’agrandir et de mécaniser les exploitations sans nuire au maintien de parcelles entretenues et donc, à la qualité du paysage. « Regardez là-bas, la parcelle était une prairie il y a deux ou trois ans, explique l’éleveur en pointant du doigt la colline d’en face. L’agriculteur a repris beaucoup de foncier et n’a plus le temps de s’en occuper. Dans un an, ce ne sera qu’un grand roncier. » Le slogan de la Confédération paysanne – « Mieux vaut trois petites fermes qu’une grande » - semble prendre ici tout son sens.
Comme de nombreux éleveurs, Peio Bereterbide préfère augmenter la valeur ajoutée dégagée par sa structure plutôt que de l’agrandir. La pérennité de petites exploitations comme la sienne n’est toutefois permise que grâce à la transformation du lait en fromage Aop. La plupart des fermes sont mixtes : en plus du troupeau de brebis, quelques vaches allaitantes « constituent une assurance dans les moments difficiles et une entrée d’argent alternative ».
« Les vaches allaitantes, notre assurance »
Ardent défenseur de ce modèle agricole familial, « qui est le seul à permettre l’entretien du paysage basque », l’éleveur n’en demeure pas moins inquiet quant à la réduction des aides de la Pac.
Avec les nouvelles conditions d’octroi des aides, et notamment le seuil plancher de 10 vaches, l’éleveur ne bénéficiera plus de la prime à la vache allaitante. « Plus de 1.000 petites exploitations sont concernées !, s’insurge Nicolas Lecarotz, membre de l’Elb. Pour elles, les vaches constituent un patrimoine, et donc une garantie pour les banques ! »
Peio Bereterbide est tout aussi inquiet des aides à la surface. « Avant, 100 % de mes terres étaient admissibles. Avec la nouvelle Pac , entre 60 et 80 % seulement. » La revalorisation de l’Ichn, qui représente, pour l’éleveur, la moitié des aides dont il bénéficie, ne compensera pas la baisse des aides à la surface ou à la vache allaitante.
« Si le Gouvernement veut vraiment soutenir l’emploi, il fallait davantage conditionner les aides en fonction du nombre de personnes qui travaillent sur les exploitations, et non en fonction des surfaces. » Pour l’éleveur, la viabilité de son exploitation ne tient finalement qu’à la valorisation de l’appellation d’origine protégée Ossau-Iraty. Avec un cahier des charges strict, exigeant entre autres une nourriture à l’herbe de l’exploitation, l’appellation reste le principal moteur pour maintenir, au Pays basque, des petites fermes, mais nombreuses.