Peu informés sur leurs droits, quasiment pas syndiqués, souvent confrontés à des problématiques de logement ou de non rémunération des heures supplémentaires, ces salariés, en majorité des femmes, mais aussi des jeunes de moins de 26 ans, seraient entre 700.000 et deux millions en France, exerçant principalement dans l'agriculture, la restauration, l'hôtellerie et le tourisme.
« L'objectif premier des nouvelles dispositions est qu'on puisse sécuriser leur emploi, ce qui répond à une revendication de longue date des saisonniers », explique le ministère du Travail. Les articles 86 et 87 de la loi travail prévoient ainsi que les branches employant un grand nombre de ces salariés négocient « les modalités de reconduction » de leurs contrats d'une saison sur l'autre et la prise en compte de leur ancienneté. Ces négociations doivent intervenir dans les six mois à compter de la promulgation de la loi, intervenue le 8 août. A défaut, une ordonnance sera prise d'ici mai 2017.
Sera également mise en place une expérimentation sur trois ans du CDI intermittent. Le dispositif existe déjà (pour les formateurs de ski par exemple), et se caractérise par des périodes travaillées et non travaillées. Il ouvre les mêmes droits qu'un CDI classique. Interrogés par l'AFP, des étudiants-saisonniers et entrepreneurs se sont dit peu convaincus par les nouvelles mesures portant sur les contrats.
un « effet d'annonce » pour une pratique qui « existe déjà »
« Ce n'est pas ça qui va me permettre de fidéliser davantage ma main-d'oeuvre saisonnière », estime Eric Séguillon, producteur de tomates au Gouesnou (Finistère). « Si des saisonniers font l'affaire, je peux trouver des arrangements pour les fidéliser, en les prenant par exemple à des périodes où je n'ai pas forcément beaucoup de travail mais où ils ont besoin de compléments de revenus », dit-il, assurant aussi donner des primes. Bruno Jahn, directeur de l'Union des métiers et des industries de l'Hôtellerie (Umih) d'Alsace, estime qu'il n'y a « rien de neuf »: « au bout de la troisième saison, on avait obligation de reprendre le même saisonnier en contrat saisonnier indéterminé ».
Serge Bousquet-Cassagne, pruniculteur et président de la Coordination rurale en Lot-et-Garonne, y voit un « effet d'annonce » car la pratique « existe déjà »: « j'embauche des gens du voyage pour ramasser les prunes et ce sont toujours les mêmes qui reviennent d'une année sur l'autre ».
Hôtesse d'accueil dans un centre de thalassothérapie près de Caen, Solène n'est pour sa part pas intéressée par une reconduction ou un CDI. « Pour moi qui suis étudiante en architecture, c'est un job d'été et l'année prochaine, j'espère trouver quelque chose de plus proche de mes études ». « Des jobs d'été, on en trouve toujours si on cherche bien », relève David, étudiant et serveur dans un salon de thé, à Luc-sur-Mer (Calvados).
Pas assez ambitieux
La loi travail prévoit aussi que les jours fériés chômés soient payés pour les saisonniers totalisant trois mois d'ancienneté dans l'entreprise. Et ils pourront bénéficier de droits majorés sur leur compte personnel de formation et de la « période de professionnalisation », dispositif permettant une formation qualifiante rémunérée. La CGT, en pointe sur le sujet, salue cette série de mesures comme «un premier pas». « Mais ce n'est pas assez complet, ça ne va pas assez vite et ce n'est pas assez ambitieux », regrette Fabrice Angéi, membre de la direction. Son syndicat aurait souhaité un cadrage des futures négociations afin que soient imposées des discussions sur le temps de travail, le logement, la rémunération ou l'ouverture aux saisonniers de l'indemnisation de fin de CDD, dite « prime de précarité », équivalent à 10% de la rémunération brute.
La loi travail donne par ailleurs une définition de l'emploi saisonnier, une mise au point nécessaire pour ce secteur opaque. Fin juillet, France stratégie, organisme rattaché à Matignon, y a consacré une étude, essayant de voir plus clair dans une nébuleuse qui n'a jusqu'à présent fait l'objet d'aucun recensement exhaustif national, tant le champ des contrats est vaste (CDD saisonniers, missions d'intérim, CDI intermittent, contrats de vendange...).