« Ne prenez pas les vestiges archéologiques à la légère »

Un terrassement à des fins agricoles peut, dans les zones de présomption de prescription archéologique, mettre au jour des vestiges. Les détruire expose le propriétaire du terrain à des poursuites pénales. (©Watier visuels)
Un terrassement à des fins agricoles peut, dans les zones de présomption de prescription archéologique, mettre au jour des vestiges. Les détruire expose le propriétaire du terrain à des poursuites pénales. (©Watier visuels)

Un terrassement à des fins agricoles peut, dans les zones de présomption de prescription archéologique, mettre au jour des vestiges. Les détruire expose le propriétaire du terrain à des poursuites pénales.
Un terrassement à des fins agricoles peut, dans les zones de présomption de prescription archéologique, mettre au jour des vestiges. Les détruire expose le propriétaire du terrain à des poursuites pénales. (©Watier visuels)

Que faire lorsque, en mettant en place un réseau d’irrigation, on découvre les fondations d’une villa gallo-romaine ? Ou quand, lors de travaux de terrassement pour un bâtiment d’élevage, un agriculteur met au jour une nécropole mérovingienne ?

Le plus souvent, la destruction ou la détérioration d’un terrain archéologique ou de vestiges est le fait du propriétaire agriculteur, lors d’un chantier de terrassement par exemple. Elle est, sauf exceptions, totalement involontaire. Si un menhir ou un dolmen édifié au Néolithique sont des vestiges parfaitement identifiables, il n’en va pas de même des tumulus et des mottes castrales. La destruction maladroite de tels vestiges vient d’abord d’une insuffisance de formation et de connaissances scientifiques en la matière. Les cursus agricoles ne comportent aucun cours sur la réglementation des vestiges archéologiques. C’est d’autant plus regrettable que les agriculteurs interviennent sur un foncier important.  

Les réformes successives du code du patrimoine obligent aujourd’hui l’agriculteur à être particulièrement vigilant sur la gestion des vestiges archéologiques qui peuvent être présents sur sa ferme, au siège d’exploitation ou sur son parcellaire. Si les écologistes ont su mettre la pression sur la protection de la faune et de la flore en zone rurale, les services régionaux de l’archéologie, et plus largement les directions régionales des affaires culturelles, n’ont jamais eu la même influence faute d’associations de protection aussi efficaces. Les vestiges archéologiques doivent pourtant être considérés au même rang de protection que celle de la faune et de la flore.

Qui est propriétaire de vestiges archéologiques ?

Rappelons d’abord que l’article 544 du code civil reconnaît au propriétaire d’un bien le droit d’en jouir, d’en tirer profit et aussi le droit de le détruire. Ce principe est aussi reconnu par l’article 322-1 du code pénal qui ne sanctionne que la « destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui ».

Or une loi du 17 janvier 2001, venue modifier celle du 27 septembre 1941, a bouleversé le régime juridique du vestige archéologique. Avec ce texte, l’Etat est présumé propriétaire des vestiges archéologiques exhumés, alors que, avant 2001, les mêmes vestiges révélés fortuitement appartenaient au propriétaire du fonds en application des dispositions de l’article 552 du Code civil « la propriété du sol emporte la propriété du dessous et du dessus ».

« Quelle que soit la procédure qui a permis de les révéler, des vestiges archéologiques sont présumés propriété de l’Etat. »

Quelle responsabilité pénale en cas de destruction ?

L’article 322-3-1 du code pénal , récemment modifié par l’article 97 de la loi n°2016-925 du 7 juillet 2016, reconnaît la responsabilité pénale du propriétaire auteur d’une destruction ou d’une dégradation d’un bien classé ou inscrit, d’une découverte archéologique faite au cours de fouilles ou fortuitement, d’un terrain contenant des vestiges archéologiques.

Plus précisément, « la destruction, la dégradation ou la détérioration est punie de sept ans d’emprisonnement et de 100.000 euros d’amende lorsqu’elle porte sur un immeuble ou objet mobilier classé ou inscrit en application des dispositions du Code du patrimoine ou un document d’archives privées en application des dispositions du même code, ou sur le patrimoine archéologique, au sens de l’article L 510-1 du Code du patrimoine.

Que faire en cas de découverte ?

Avec de telles sanctions prévues par la loi, mieux vaut éviter l’arasement, assimilé comme une destruction immédiate du potentiel site archéologique. Il faut prévoir l’intervention limitée de l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) ou du Service régional d’archéologie pour la réalisation d’un diagnostic archéologique préventif. C’est d’autant plus nécessaire que des travaux de terrassement, en vue de construire un bâtiment par exemple, peuvent être assimilés à des fouilles. Or la fouille d’un terrain pratiquée sans précaution par des personnes ignorantes des techniques de l’archéologie tombe aussi sous le coup des dispositions de l’article 322-3-1 du code pénal.

Pas question, donc, de « taper » dans une butte avec une pelleteuse pour pratiquer un sondage sauvage, sans respect des protocoles. Bien entendu, quelques « historiens du dimanche » qui s’autoproclament spécialistes du Haut Moyen Âge n’ont pas à intervenir non plus. Et il ne faut pas se laisser influencer par de tels pseudo-scientifiques.

En cas de découverte, la procédure est bien établie : l’agriculteur doit se rapprocher du SRA de la Drac pour solliciter un diagnostic archéologique préventif. Ce service lui adresse un formulaire pour le calcul de la redevance d’archéologie préventive (RAP). Il faut compter 32 centimes d’euro le mètre carré. L’agriculteur n’étant pas un aménageur, les affouillements rendus nécessaires pour la réalisation de travaux agricoles, forestiers ou pour la prévention des risques naturels sont exonérés de la redevance. 

A réception du formulaire, le responsable de la zone du SRA de la Drac définit les prescriptions techniques qui sont reprises dans un arrêté préfectoral. Le SRA ou l’Inrap sont alors en mesure d’intervenir. Aujourd’hui tout est fait pour permettre à l’agriculteur de gérer au mieux le vestige archéologique.

Connaître la classification des terres quand on s’installe

Il est regrettable aujourd’hui que le diagnostic archéologique préventif continue de faire naître une crainte injustifiée de par son coût.  Il peut dépasser la somme de 100.000 euros dans des situations très particulières et exceptionnelles. Toutefois, l’agriculteur ne peut ignorer qu’il se trouve en zone rouge archéologique. Il doit avoir les mêmes réflexes que pour une zone rouge d’un Plan de prévention des risques inondation.

En clair, des vestiges archéologiques ont une importance fondamentale dans la reprise d’une exploitation agricole. Si l’acquéreur envisage de mettre en place un réseau d’irrigation pour des cultures de pommes de terre, il doit connaître avec précision la classification opérée par le préfet sur les zones archéologiques. Un audit archéologique doit être établi et annexé à l’acte de vente. L’existence de vestiges archéologiques sur la surface agricole utile constitue un facteur de dévalorisation important de l’actif foncier repris tant en qualité de locataire que de propriétaire.

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