La bataille des appellations, enjeu de la négociation TTIP

L'Appellation d'origine pour un producteur, c'est un peu les bijoux de famille : pas touche ! Aussi l'idée de voir passer ces trésors du terroir en noms génériques leur retourne l'estomac. Mais la notion européenne d'indication géographique protégée n'a pas de reconnaissance internationale harmonisée.

« Aux Etats-Unis, le brie ou la feta sont des noms génériques », souligne Paul Zindy, chargé de mission au Cnaol, le Conseil français des appellations d'origine laitière. Et les producteurs américains entendent en rester là, si l'on en croit le "Consortium for common food names", qui dénonce les « attaques » de l'UE contre les noms génériques. Selon Paul Zindy, la Commission européenne affiche désormais une « position assez forte » sur le sujet : elle a adjoint au protocole de négociation du TIPP une liste d'environ 200 produits associés à leur terroir tels le comté (France), le jambon des Ardennes (Belgique), des loukoums chypriotes, la bière bavaroise, un salami hongrois, le Grana Panado ou le Gorgonzola italiens...

Son ralliement au concept est cependant récent, d'après Mathias Fekl, secrétaire d'Etat français au commerce extérieur et ardent défenseur de « la diplomatie des terroirs ». Le mois dernier, Mathias Fekl s'est inquiété de « discussions bloquées » sur le sujet à l'issue du 12e round des discussions Tafta. « Si les négociations devaient aboutir à mettre en concurrence deux modèles agricoles et alimentaires différents, le nôtre n'y résisterait pas » prévenait-il en rappelant que la surface agricole de la France, première agriculture d'Europe, égale 8 % des 375 millions d'hectares agricoles américains.

Car derrière l'apparent folklore des appellations, incompris Outre-Atlantique, se joue une vraie bataille commerciale. « La dénomination géographique est d'abord un élément d'authentification des productions. Derrière les produits, qui représentent des emplois et des devises à l'export, c'est aussi un concept d'organisation sociale et environnementale des territoires, par définition indélocalisable », indique Jean-Luc Darrien directeur de l'INAO, l'institut français qui gère les appellations.

Champagne californien et burgundy

En 2014, en France, les produits vendus sous signe de qualité et d'origine représentaient 22 milliards d'euros de chiffre d'affaires, dont un peu plus de 16 milliards pour les vins, selon l'INAO. Or les producteurs européens restent échaudés par un précédent avec les Etats-Unis : un accord en 2005 autorisait les vignerons américains à utiliser 17 noms « semi-génériques » associés à une localisation, par exemple le "champagne californien". Cet accord concernait ainsi les "burgundy", "chianti", "sherry" ou "porto". « L'accord prévoyait à terme un abandon de ces semi-génériques en échange de l'utilisation de mentions traditionnelles comme "Château" ou "Clos"... Malheureusement cette deuxième phase n'a jamais été appliquée », explique Pascal Bobillier-Monnot, directeur de la Confédération des producteurs de vins et eaux de vie d'appellation d'origine contrôlée.

L'équation est aujourd'hui limpide : « 53 % des volumes de blancs effervescents vendus aux USA sont américains. Dont 75 % sont présentés comme des "champagne" à moins de 10 dollars. Quand le vrai champagne, vendu autour de 30 dollars, plafonne à 10 % du marché ». Et toute tentative de revenir sur le sujet depuis 2009 a échoué, note Pascal Bobillier-Monnot. « Les Américains n'ont tout simplement pas respecté le deal. Point. »

Selon Paul Zindy, les vignerons de la Nappa Valley comprennent cependant l'intérêt d'une dénomination géographique et ont rejoint le réseau mondial des IG, "Origin". Mais le lobby des laitiers américains en revanche se mobilise pour contrer la liste des 200 appellations que l'UE veut protéger. Leur argument : « nous sommes une nation d'immigrés, un melting-pot culturel. Ce savoir-faire c'est aussi le nôtre, celui de nos ancêtres. »

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