«Vive les énergies fossiles ! » C’est avec ce slogan argumenté de Samuele Furfari, conseiller à la direction générale de l’énergie de la Commission européenne que les agriculteurs de la Coordination rurale ont débuté leur 22e congrès à Beaune jeudi 3 décembre 2015. C’est une tradition de chaque rendez-vous annuel du deuxième syndicat agricole : alimenter les troupes par des réflexions quelque peu non conformistes sur différentes thématiques.
En pleine Cop21 focalisée sur un accord pour réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre , l’intervention de Samuele Furfari ne pouvait pas mieux coller à l’actualité. Le spécialiste s’est aussi attaché à relativiser les enjeux : « La part de la consommation mondiale d’énergie fossile pourrait passer de 86 % à 80 %. C’est une baisse toute relative. Mais en valeurs absolues, cette consommation va beaucoup progresser. Depuis 1985, la planète a augmenté ses émissions de Ges de 55 % ! »
Selon l’expert, c’est la première fois que le prix du pétrole diminue dans une période de conflit ouvert au Moyen-Orient. « Ce n’est pas un hasard. Car la soi-disant pénurie annoncée de pétrole n’est plus d’actualité. Les réserves connues de pétrole n’ont jamais été aussi élevées. » Pour lui, le prix du pétrole reste beaucoup trop élevé. « Il est encore le double de ce qu’il devrait être », explique le défenseur des énergies fossiles.
Périco Légasse tire à boulets rouges sur la Fnsea
Les leaders de la Coordination rurale ont également convié Périco Légasse, fervent dénonciateur « des dérives mercantiles d’une agriculture intensive sous pression des lobbies industriels et de la grande distribution ». Le journaliste et critique gastronomique est venu défendre à Beaune la paysannerie, notion et sémantique davantage portée par la Confédération paysanne. Mais il était surtout le parfait invité pour soutenir les adhérents dans leur lutte contre le syndicalisme majoritaire.
« J’ai envie de demander à la classe politique et à la fnsea co-gestionnaire : qu’avez-vous fait de la France ? » a-t-il questionné avant de se lancer dans de nombreuses formules ciblant surtout le syndicat majoritaire. Des formules qui ont aussi fait figure de « coming-out » pour sa proximité avec la CR.
congrès @coordinationrur: @pericolegasse:"j'ai 1 pb avec les syndicats. A la @ConfPaysanne, ils st de gauche avt d'être paysans" (1)
— Arnaud Carpon (@ArnoCarpon) 3 Décembre 2015
« J’ai un problème avec les syndicats agricoles. A la Confédération paysanne, ils sont d’abord de gauche avant d’être paysans. A la Fnsea, ils sont cons avant d’être paysans. Finalement, à la Coordination rurale, vous êtes les moins pires » a-t-il lancé. Le message n’a guère été apprécié par Xavier Beulin qui, dans un tweet, s’est contenté de « prendre acte » du choix syndical de Périco Légasse.
Congrès @coordinationrur - @pericolegasse:" a la @FNSEA, ils sont cons avant d'être paysans.." (2)
— Arnaud Carpon (@ArnoCarpon) 3 Décembre 2015
“@xavierbeulin: Périco Légasse a choisi son camp devant le Congrès de la Coordination Rurale, j'en prends acte.”
— Arnaud Carpon (@ArnoCarpon) 3 Décembre 2015
Difficile de relever une once d’optimisme
Et le spécialiste de poursuivre contre « une mondialisation » qui « détruit la paysannerie », nourri par les applaudissements des congressistes : « La France est le dernier pays soviétique où le président du syndicat majoritaire est aussi, en quelque sorte, le ministre de l’agriculture. » Mais l’expert gastronomique défend aussi à sa façon le ministre de l’agriculture. « Stéphane Le Foll est aussi le moins pire, ne le sifflez pas ! »
Sur un ton très différent, les producteurs de la Coordination rurale ont aussi eu droit à une vraie leçon de géostratégie. Exposant la guerre économique que se livrent la Chine et les Etats-Unis, Jean-Michel Quatrepoint, journaliste économiste, reste très pessimiste sur les ambitions de la France – et les moyens qu’elle se donne – pour garder son rang agricole face à ces deux mastodontes économiques, mais aussi face à l’Allemagne « qui dirige l’Europe depuis la réunification puis l’élargissement. »
Selon lui, les agriculteurs ont tout à craindre du Tafta, l’accord bilatéral entre l’UE et les Etats-Unis en cours de négociation par la Commission européenne. « Cette question du Tafta est une question gravissime qui nous engagera pendant des décennies. »
Dans un « contexte médiatique accaparé par la Cop21 », il était difficile de relever une note d’optimisme tant auprès des intervenants que des adhérents. « Quelle filière n’est pas en crise ? » a ainsi résumé Catherine Laillé, secrétaire générale du syndicat. Les difficultés des producteurs et la douloureuse mise en place des mesures du plan d’urgence suffiraient pourtant à manifester à nouveau. « Mais avec l’état d’urgence et la trêve des confiseurs, les actions ne reprendront qu’en début d’année 2016 », explique pour sa part Bernard Lannes, président du syndicat.