2ème partie : les aides Pac
Pour les autres questions posées, voir le sommaire en bas de cet article.
Au regard des 25 propositions du PS, qui datent de juin 2010, vous retrouvez-vous dans le projet Pac « fuité » de la Commission ? |
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Martine Aubry (MA) : Non, vraiment très peu: je n'y trouve pas de politique de gestion des marchés ni de maitrise des productions, un verdissement à peu près réduit à rien ( 90% des agriculteurs français n'ont rien de nouveau à faire pour y répondre ) , pas de prise en compte du nombre de personnes travaillant sur chaque exploitation pour le versement des aides directes. Ce dernier point est très important, d'autant plus que nous voulons des territoires ruraux dynamiques. Et comment croire que l'on va légitimer les soutiens de la PAC en se limitant à verser un soutien presque exclusivement basé sur le nombre d'hectares de chaque exploitation. Par ailleurs, je ne vois pas comment ces propositions permettraient d'améliorer la gestion des ressources naturelles. |
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François Hollande : Le projet de la PAC pour l'après 2013 de la Commission, doit redonner confiance au monde agricole et ouvrir de nouvelles perspectives et de la visibilité pour l’avenir. Cela suppose de réorganiser la PAC autour de trois objectifs fondamentaux : assurer la sécurité alimentaire en termes quantitatif et qualitatif, mieux gérer les ressources naturelles, et valoriser l’ensemble des territoires autour de l’emploi. Sur les moyens cela suppose un meilleur ciblage des aides pour plus d’équité et pour la promotion d’un nouveau modèle de développement qui concilie performances économiques écologique et sociale. Les propositions de la Commission sur la fin des références historiques, la convergence des niveaux de l’aide de base, la dégressivité des aides en fonction de l’emploi, l’aide aux petits agriculteurs vont dans la bonne direction. Je considère en revanche que ses propositions sur le verdissement des aides, à travers l’octroi d’une aide complémentaire à l’aide de base, sont très insuffisantes. Elles n’offrent pas les outils suffisants pour inciter les agriculteurs à orienter leurs pratiques agricoles vers de nouveaux modèles de production plus durables, et pourtant indispensables pour répondre au défi de produire beaucoup et mieux. Il est absolument indispensable que ce redéploiement des aides soit accompagné de mesures de régulation efficaces, permettant d’assurer une meilleure stabilité des prix. Ces mesures doivent exister dans tous les secteurs et peuvent prendre la forme d’instrument de gestion de l’offre. |
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Ce projet PS évoquait "une fusion des deux piliers de la Pac". Comment jugez-vous l'articulation du projet « fuité » de future Pac ? | |
Martine Aubry (MA) : Le découpage des piliers proposé est assez bizarre et inquiétant: aller mettre dans le second pilier les outils de gestion des crises , c'est prendre le risque d'écorner l'ICHN ( Indemnité Compensatoire de Handicaps Naturels) et les mesures agroenvironnementales; c'est aussi risquer une diminution de l'aide au développement des territoires ruraux; c'est un risque que nous devons nous interdire. | |
François Hollande : Le projet avait évoqué cette possibilité de fusion du premier pilier avec une partie seulement des aides du second pilier, dans un souci de cohérence et de lisibilité, tant pour les agriculteurs, que pour n’importe quel citoyen. Des aides du premier pilier conditionnées ressemblent de plus en plus aux mesures agro-environnementales du second pilier. De même le dispositif de l’article 68 du premier pilier renferme des mesures semblables aux mesures agro-environnementales du second pilier… Cette classification peu intelligible a en réalité surtout été justifiée par des raisons de financement ou pas par les Etats membres. Vous voyez que la situation est bien complexe et qu'il est difficile de s’y retrouver… Ce qui m’apparaît au final plus important, c’est qu’il y ait une cohérence et une complémentarité entre les deux piliers. Le verdissement des aides, ainsi que le complément d’aide facultatif aux régions défavorisées du premier pilier, participent à cette cohérence. Le premier et le second pilier doivent servir un même développement de l’agriculture européenne, considérée dans sa très grande diversité. |
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Etes-vous favorable au plafonnement des aides ? Si oui, à quel niveau ? | |
Martine Aubry (MA) : Oui, et le Commissaire Dacian Ciolos a proposé une dégressivité et un plafonnement que je revendique. Ceci étant, les niveaux proposés sont trop élevés; avec une proposition de retenue de 20% entre 150 000 € et 200 000€ , de 50% entre 200 000 et 250 000, de 70% de 250 000 à 300 000 et de 100% au dessus, cela ne dégage que 1,3% du budget. C'est très faible. Par ailleurs, le non plafonnement des aides « verdissement », s'il reste en l'état n'est pas justifé. |
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François Hollande : Je suis favorable à tout système qui introduit plus d’équité dans la PAC. Le plafonnement a dans le passé plusieurs fois été proposé par la Commission sans recueillir un appui suffisant des Etats membres, notamment de ceux qui détenaient de grandes exploitations. Je suis bien plus foncièrement attaché à une redistribution des aides fondée sur un système de dégressivité, basé sur l’emploi et l'environnement, qui serait bien plus facilement partagé par une majorité d'Etats membres au plan européen. Ses niveaux doivent ensuite être déterminés pour le rendre effectif, la situation étant différente d'un pays à l'autre en Europe. | |
Comment envisagez-vous la convergence des aides nationales ? | |
Martine Aubry (MA) : La convergence nationale doit être rapide, mais pas aveugle. De nombreuses fermes relativement petites, mais souvent intensives touchent des aides assez importantes à l'hectare, mais ont peu d'hectares. Je pense par exemple à une partie importante des éleveurs laitiers du grand ouest. Une convergence aveugle les fragiliserait. Pour être intelligente cette convergence doit prendre en compte les particularismes régionaux, et ne peut être envisagée qu'avec un soutien direct lié au nombre d'actifs sur chaque exploitation. Là aussi il y a des pistes à ouvrir pour aller vers une individualisation des aides au regard de la réalité de chaque exploitation agricole. Mettre tout le monde sous la même toise n'a plus de sens. Nous devons faire vivre la diversité. |
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François Hollande : Il s’agit plutôt d’une convergence des aides communautaires au niveau national. Précisons que cette convergence concerne l’aide de base composante du nouveau système de soutien proposé par la Commission. Les références historiques contre lesquelles je me suis battu n’étaient plus tenables. Une harmonisation progressive m’apparaît justifiée à plusieurs titres. Tout d’abord si ces aides sont justifiées comme des aides rémunérant les biens publics, la valeur de ces biens publics (que ne rémunèrent pas le marché) est la même que vous trouviez dans le Limousin ou la Beauce. Ensuite cette convergence participe à une meilleure plus juste des aides entre les régions puis dans un même Etat. Pour répondre aux demandes des nouveaux pays se considérant lésés par rapport aux anciens la Commission propose même pour plus tard une harmonisation entre les Etats. Cela m’apparaît légitime même si nous pouvons nous interroger sur le calendrier proposé par la Commission pour le faire. |
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Le taux de verdissement de 30 % des aides Pac du premier pilier et une répartition équitable de celles-ci entre les 27 ne conduiront-ils pas à rendre les exploitations françaises vulnérables avec moins d’aides? | |
Martine Aubry (MA) : En premier lieu, tout dépendra de la manière dont on va distribuer et gérer ces aides. Ceci étant,à budget égal, même avec la convergence entre Etats Membres, l'enveloppe de la France baisserait peu, et le taux de verdissement est le même pour toute l'Union Européenne. C'est en affinant la manière de distribuer ces soutiens que nous serons le plus efficaces. |
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François Hollande : Je crois savoir tout d’abord que les exploitations françaises qui touchent des aides ne sont pas celles qui en touchent le moins en Europe. Les références historiques ont jusqu’ici grandement profité à certaines exploitations françaises. J’ai déjà dit que plus d’équité était nécessaire. Sur la partie verdissement constitutive du second niveau d’aide proposé par la Commission, tout dépendra du niveau d’exigences requis pour pouvoir bénéficier de cette aide complémentaire. Les critères d’attribution de celle-ci (diversification des cultures, prairies permanentes, zones de biodiversité) proposés par la Commission ne m’apparaissent pas insurmontables pour les exploitations françaises. |
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Etes-vous favorable à la flexibilité des aides Pac du premier pilier? | |
Martine Aubry (MA) : Totalement. Ca n'a aucun sens de verser des soutiens sans se préoccuper de la fluctuation et de la volatilité des prix agricoles. J'estime que nous devons nous orienter soit vers un budget pluriannuel de la PAC, soit vers des aides contracycliques comme les Etats Unis le font. Certains estiment que ces aides ne sont pas OMC compatibles. On doit donc s'interroger: dans ce cas, pourquoi les USA peuvent ils le faire? Et si ce n'est pas OMC compatible, peut être que le bon sens est de faire évoluer les régles de l'OMC, notamment les AsA (Accords sur l'Agriculture). |
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François Hollande : Tout dépend ce que vous entendez par flexibilité. Celle-ci ne doit pas générer des distorsions de concurrence entre les agriculteurs et les pays. Il convient par ailleurs de veiller aux tendances à la renationalisation de la PAC. |
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Les céréaliers, avec des dizaines de milliers d’euros d’aides Pac, restent-ils votre « bête noire » ? | |
Martine Aubry (MA) : La caricature est un peu grossière. Ils ne sont pas ma « bête noire ». Nous nous sommes toujours intéressés à la seule efficacité de l'argent public et à la justice sociale. A quoi sert l’argent public ? C’est la seule question qui nous importe. |
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François Hollande : Il serait absurde d'opposer les agriculteurs et les agricultures. J’observe qu’ils ont été de grands bénéficiaires de la PAC, même si certains d’entre eux l'admettent difficilement. Ils ont ces deux dernières été mieux servis que d’autres, avec d’un côté des niveaux de prix élevés et de l'autre des aides importantes à l’hectare. Leurs conditions de travail sont dans l’ensemble plus favorables que dans bien d’autres secteurs. Il faut donc tenir compte de cette réalité et permettre que la PAC serve les intérêts de tous les agriculteurs de toutes les formes d'agricultures, au service d’un développement durable de l’agriculture. |
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Aux aides Pac du 1er et 2d pilier, ne faut-il pas préférer des outils de régulation puissants ? | |
Martine Aubry (MA) : Il est évident que des outils de régulation puissants aideraient à stabiliser les prix, donneraient une meilleure visibilité aux agriculteurs. Sans le juste-échange que je propose ,qui impose notamment la réciprocité, des aides de l'actuel premier pilier resteront nécessaires. | |
François Hollande : Les aides sont nécessaires pour prendre en compte les biens publics fournis par l’agriculture que les marchés sont incapables de produire. Mais les prix doivent constituer une partie importante du revenu des agriculteurs. Des prix suffisants et stables ne peuvent être obtenus que par une maîtrise des marchés et des outils de régulation adaptés à chaque production. |