
Terre-net Média : Le projet de loi d’avenir pour l’agriculture prévoit le développement des clauses environnementales dans les baux ruraux. Pourquoi cette mesure vous inquiète-t-elle ?
Sylvie Le Brun : Le projet de loi vise surtout à verdir l’agriculture. Il n’envisage pas autre chose. Inclure des clauses environnementales dans tous les baux est tout simplement inadmissible. Comment un fermier ayant plusieurs baux et plusieurs propriétaires va-t-il pouvoir travailler quand il sera soumis à des clauses environnementales différentes d’une parcelle à l’autre ?
A la section nationale des fermiers et métayers, nous acceptons ces clauses pour des parcelles situées sur des zones qui le justifient, mais pas pour l’ensemble des baux. De plus, en l’état actuel du projet de loi, ces clauses pourront être insérées en cours de bail. Pour les fermiers, le risque de voir leurs baux résiliés pour non-respect d’une clause qui aura été insérée en cours de bail est inacceptable. Les clauses environnementales ne doivent pouvoir être insérées qu’au moment de la conclusion ou du renouvellement du bail.
Tnm : Pourquoi dénoncez-vous également l’insuffisance du projet de loi ?
Le projet n’apporte aucune évolution au statut du fermage alors qu’il en aurait bien besoin. La loi d’orientation agricole de 2006 a instauré un régime de simple déclaration au fermier quand un propriétaire souhaite reprendre ses terres pour les exploiter. Or, certains bailleurs donnent congé auprès de leur fermier pour, non pas exploiter les terres, mais pour les exploiter à façon. Pour le fermier, qui n’a droit à aucune indemnité, ce congé abusif peut remettre en cause l’équilibre économique de l’exploitation.
Tnm : Que proposez-vous pour limiter ces abus ?
Nous souhaitons que ce régime de déclaration soit soumis, en cas de contestation du preneur devant le tribunal paritaire, à l’établissement d’une analyse économique des deux exploitations, celle du bailleur et celle du fermier. Au regard de ces analyses, il reviendrait au tribunal paritaire des baux ruraux de décider si la reprise des terres par le bailleur est valable. Nous défendrons un amendement dans ce sens pour la première lecture au Sénat.
Tnm : Selon vous, pourquoi le bail cessible est-il si peu répandu ?
Aujourd’hui, le montant du fermage, dans le cadre d’un bail cessible, peut être majoré de 50 % par rapport à un bail classique. Dans les faits, les bailleurs imposent toujours cette majoration maximale. Or c’est impossible pour un fermier de signer à ce prix. Nous souhaitons que la majoration de prix du bail cessible soit négociée en commission consultative paritaire départementale des baux ruraux. Il faut également interdire les pas-de-porte comme cela est le cas pour les autres baux.
Par ailleurs, en matière de transmission et d’installation, nous souhaitons encourager les jeunes agriculteurs à signer des baux écrits dès leur installation. Nous pourrions notamment majorer la dotation jeune agriculteur quand ce dernier dispose de baux écrits, juridiquement plus sûrs que des baux verbaux. Jeunes agriculteurs partage ces propositions.