« Mon père n’achetait un tracteur que s’il en avait besoin »

Sedima's Days
Les Sedima's Days rassemblent l'essentiel des concessionnaires agricoles de France. (©Terre-net Média)

« Les entreprises n’ont pas bougé suffisamment. Nous sommes un peu comme une tortue avec le frein à main, à aller contre plutôt qu’aller vers », regrette Loïc Morel lors des Sedima’s Days, le rassemblement des concessionnaires de France, organisé mi-mars. Pour ses derniers jours en tant que président du syndicat, il a exhorté la filière à « s'adapter ». « Les transitions, sociale, environnementale ou économique, il faut les préparer, sinon nous allons vers la rupture », martèle-t-il.

Le machinisme sort pourtant de deux années reluisantes. Les grands groupes de constructeurs affichent des chiffres d’affaires et bénéfices mondiaux records. Agilor, la solution de financement du Crédit Agricole, s’appuie, elle, sur un bilan étincelant en 2022 et 2023, avec des volumes de 4,7 milliards d’euros et 4,1 milliards d’euros. « Mais nous ne ferons pas ces chiffres en 2024 », tranche Jean-Christophe Roubin, le directeur de l’agriculture du Crédit Agricole.

« Faut-il arrêter d’acheter des machines ? »

Face à une agriculture en crise, le banquier pose même la question qui fâche : « Faut-il pour autant arrêter d’acheter ? » Il répond : « Non ». « Pour réussir la transition, nous aurons besoin de machines plus pointues. Il faut par contre s’interroger sur l’utilisation et les besoins. Il ne faut pas moins mais mieux de machinisme », résume-t-il.

Ce « mieux et moins », cela passe notamment par l’arrêt d’un réflexe : « investir les bonnes années du fait de la MSA et des impôts qui tombent l’année d’après », explique Michel Caffin, agriculteur et vice-président du conseil d’administration du Crédit Agricole d’Île-de-France. « Quand l’agriculteur est sur sa moissonneuse, que la récolte est bonne et que les prix sont hauts, c’est panique à bord et on sort les bons de commande ! » clame-t-il, évoquant le souvenir de son père qui, lui, « n’achetait un tracteur que s’il en avait besoin ».

Des prix en augmentation de 30% en 5 ans

D’autant que le prix du matériel ne cesse de grimper. « Entre la France et l’Allemagne, l’écart d’investissement dans les machines est de 13 points. Et chez nous, l’augmentation est de 30 % sur les 4 ou 5 dernières années », lance Jean-Christophe Roubin. Un « vrai problème de compétitivité » pour Michel Caffin, qui se souvient déjà d’être allé, en 1995, en Angleterre acheter avec des collègues « des John Deere 15 % moins cher qu’en France ».

« Les prix augmentent mais la technicité aussi, ce qui nous pose d’ailleurs de vrais problèmes de recrutement », nuance Caroline Fontvielle-Bigouret, concessionnaire New Holland à la tête des Établissements Fontvielle et membre du bureau du Sedima. « Cela ne me dérange de payer plus chez s’il y a un service en face », abonde Hervé Davesne, agriculteur et vice-président des Jeunes Agriculteurs de l’Oise.

Le leasing en plein boom

Face à cette situation, Jean-Christophe Roubin pronostique à l’avenir une explosion du leasing. « Aujourd’hui, c’est 80 % de crédit et 20 % de leasing, détaille-t-il. Il se passera pour l’agriculture ce qu’il se passe pour la voiture. Avant, on pensait que c’étaient des crédits pour ceux qui ont les moyens et du leasing pour les autres. C’est l’inverse en fait. Les ETA y ont de plus en plus recours. Ceux qui tournent bien ont besoin d’une grosse rotation ».

Pour faire face, tous les acteurs de ce dossier peuvent s’améliorer. « Il y a trop d’agriculteurs qui ne connaissent pas leurs coûts de production », déplore Jean-Christophe Roubin. Caroline Fontvielle-Bigouret lance un challenge au Crédit Agricole : « À vous aussi d’innover comme vous avez su le faire avec Agilor ! »

En attendant, les concessions de France vont vivre « 3 ou 4 années cruciales, annonce Jean-Christophe Roubin. La question de la concentration, qui est déjà en marche, va vite se poser. Aux USA, la concession la plus proche n’est pas à 50 ou 100 kilomètres mais parfois dans un autre État que l’agriculteur ! » Une situation qui interpelle Hervé Davesne : « Si cela grandit trop, est-ce que la rapidité d’action sera toujours la même ? » En 10 ans, le nombre de concessions est passé de 1 173 à 772 dans l'Hexagone.

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