Dans les concessions agricoles, les prises de commande s’effilochent, avec une baisse moyenne entre 10 et 11 %, et tous les secteurs, du tracteur au matériel d’élevage, sont touchés. Les résultats de la dernière enquête menée par le Sedima, le syndicat national des entreprises de service et distribution, auprès de ses adhérents, dévoilent plus de graphiques en rouge, parfois foncé, qu’en vert. Il va falloir faire le dos rond : seulement 7 % des concessions envisagent une reprise pour le premier semestre 2025.
Les prises de commandes restent la préoccupation majeure pour 26 % des distributeurs, devant la gestion des stocks pour 25 % et la trésorerie pour 22 %. La trésorerie est aisée pour… 2 % des concessionnaires. 69 % l’estiment difficile ou très difficile. Si les stocks de matériel neuf se stabilisent tout doucement, ceux de matériel d’occasion grimpent dangereusement.
L’argent sort vite et rentre plus tard
« Tout le monde s’est concentré sur le stock neuf pour faire rentrer de la trésorerie. Les commandes vers les constructeurs ont donc baissé. Et pour tenter de compenser la hausse du prix des machines pour nos clients, nous avons repris de l’occasion un peu plus cher que la normale. Comme la conjoncture n'est pas bonne, ces occasions sont aujourd'hui difficile à vendre », analyse le président du Sedima, Alexandre Mortier.
Les concessionnaires ne se sentent pas accompagnés par leurs partenaires. « 90 % déclarent ne pas bénéficier de mesures de compensation de la part de leur constructeur pour faire face au niveau élevé de financement des stocks de matériels », souligne le Sedima. « Des distributeurs pourraient renoncer à vendre des tracteurs », met en garde Alexandre Mortier, et se consacrer aux matériels d'accompagnement.
L’argent sort toujours plus vite et met beaucoup plus du temps à rentrer : les concessionnaires sont pris en étau. « Le délai de remboursement des fournisseurs se réduit tandis que celui des agriculteurs, qui attendent le paiement de primes reportées, s’allonge. Cela rajoute des difficultés », avance Alexandre Mortier. « Les constructeurs demandent maintenant à être payés sous 30 jours, alors que les délais peuvent atteindre jusqu'à 50 jours pour nos clients », précise Anne Fradier, la conseillère de la Présidence du Sedima.
De nouveaux acteurs scrutés de près
Parmi les autres préoccupations des concessionnaires, « l’intensité concurrentielle » fait son apparition pour 7 % d’entre eux. « D’autres acteurs arrivent, dans un secteur qui se concentre, avec une autre idée de la liquidation des stocks », explique Alexandre Mortier.
Le Sedima scrute ainsi la récente et tonitruante expansion dans l’agricole de géants de la distribution automobile, comme Gueudet ou Emil Frey France. « L'agricole n'est pas l'automobile, prévient Anne Fradier. Il s'agit de conserver un niveau de service élevé. Et cela à un coût. Les changements de modèles ne doivent pas se faire au détriment de la maintenance. Dans certains pays d'Europe, il faut attendre maintenant attendre jusqu'à deux semaines avant une réparation ». « Je le redis souvent mais vendre un tracteur, c'est le début, pas la fin », insiste Alexandre Mortier.
L’alternance, un filon de main d’œuvre
Ce tableau pessimiste doit être nuancé par plusieurs indicateurs au vert. Le chiffre d’affaires des pièces reste stable et celui des prestations à l’atelier progresse légèrement, entre 2 et 3 %. Ces deux postes de revenus devraient résister, voire augmenter, en 2025, selon les concessionnaires. Certaines régions, principalement le nord de la France, sont relativement épargnées, grâce au lin et à la pomme de terre.
L’emploi se porte plutôt bien. « Les entreprises adhérentes du Sedima regroupent aujourd’hui 42 000 salariés. Il y a eu une forte progression ces dernières années », se réjouit Anne Fradier. 72 % des distributeurs de machines agricoles ont recruté de nouveaux collaborateurs en 2024 dont 40 % en alternance, un filon de main d’œuvre qui a fait, et va continuer à faire, l’objet d’une communication ciblée.
Alexandre Mortier, qui passera la main en avril 2025, veut y croire : « Il y a toujours de la demande. Il faut concrétiser les devis ». « Nous sommes comme beaucoup d’entreprises, nous attendons aussi plus de certitudes de la part du monde politique », conclut Anne Fradier.