Forcer une hausse des prix agricoles strictement limitée à la France, « c’est courir le risque de voir disparaître des transformateurs » affirmait Philippe Mangin, s’exprimant lors de la conférence de presse de rentrée de Coop de France du 10 septembre. Il faisait référence aux « pressions des pouvoirs publics » pour faire augmenter les prix payés aux éleveurs.
Pourquoi ces réserves ? Les entreprises, coopératives ou non, se situent dans un contexte européen de libre circulation des produits. La Cooperl, par exemple, très critiquée pour sa position de retrait du marché du cadran breton, exporte 35 % de sa production et se trouve en concurrence face à d’autres pays européens. Alors que la France n’a pas encore réglé son problème de compétitivité, notamment vis-à-vis d’une Allemagne « où nous savons que le Smic n’est pas en cours d’instauration », une hausse limitée à ses fournisseurs aggraverait encore ce problème.
De plus, ironisait le président de Coop de France « j’attends que ceux qui proposent une hausse des prix aillent l’expliquer aux consommateurs ».
Hausse des prix d’intervention
En revanche, Philippe Mangin a vivement plaidé pour une hausse des prix d’intervention qui s’appliquerait au niveau de l’Europe entière et qui aurait, en outre, le mérite de réduire l’encombrement sur les marchés. Cela nous éviterait d’être en décalage par rapport aux autres pays européens.
Ce n’est pourtant pas ce qu’a décidé le conseil des ministres de l’agriculture du 7 septembre, « qui s’est déroulé dans des conditions inqualifiables » regrette le président de Coop de France. Un regret d’autant plus fort que la crise de l’élevage actuelle « est d’une immense gravité. » Signe des temps, les encours des fournisseurs auprès de leurs clients éleveurs ont augmenté selon les coopératives de 40 % depuis quelques mois seulement.
Crise identitaire
Plus encore, expliquait Philippe Mangin, « la crise des éleveurs est identitaire ». « Ils ne supportent plus que la valeur de leurs productions soit réduite à moins que rien ». Ce n’est pas, selon lui, une crise du modèle français car ce modèle en fait n’existe pas, compte tenu de la diversité des exploitations du pays.
Pour Coop de France, il s’agit, en France, d’une crise de compétitivité. Les coûts de production sont plus élevés en France qu’ailleurs, « du fait notamment de l’empilement des réglementations », alors même que les autres pays ont recours à de la main d’œuvre détachée, à l’absence de conventions collectives sectorielles et à des charges sociales et environnementales inférieures.
Au contraire, en France « si un éleveur veut se moderniser, on lui interdit le surcroît de production qui permettrait d’amortir ses investissements » explique Philippe Mangin. A cela s’ajoute le fait que « la fiscalité est totalement inadaptée à la volatilité que subissent les éleveurs ».
Travail avec les distributeurs
Le président de Coop de France a expliqué que sa fédération poursuivait le travail engagé avec plusieurs grandes enseignes de distributeurs. « Les grandes surfaces sont en train d’évoluer » constate Philippe Mangin.
Bien sûr, elles continuent de rechercher les prix bas mais elles ont compris, à l’entendre, que ce n’est plus le seul argument à mettre en avant auprès des consommateurs. Le 23 septembre sera présenté un accord cadre signé bientôt avec la Fcd, fédération du commerce et de la distribution. « Plusieurs enseignes sont en train de prendre en compte la spécificité coopérative, » assure Philippe Mangin.