Souveraineté alimentaire : « il faut réarmer nos capacités de production »

Dominique Chargé président de la Coopération agricole
Dominique Chargé, président de la Coopération agricole, évoque les attentes des jeunes générations et les défis à relever pour les coopératives françaises. (©La Coopération agricole)

Terre-net : Pourquoi organisez-vous pour la première fois un congrès décentralisé ?

Dominique Chargé : Nous sommes des entreprises des territoires, des entreprises agricoles, du monde rural, et dans notre démarche d’action collective, il y avait donc un intérêt à décentraliser de temps en temps notre congrès en région, afin de rappeler cette attache au territoire et à la diversité régionale.

Ce congrès répond à une double ambition, celle d’aller sur les territoires, au cœur de ce que sont nos moyens de production, et de traiter ces problématiques de souveraineté alimentaire, de transition écologique, de renouvellement de génération, de compétitivité des filières, et de capacité à restaurer notre souveraineté sur les territoires. Pour une première, c’est déjà une réussite en termes d’inscriptions puisque nous avons fait le plein, avec plus de 600 inscrits.

Ces deux jours seront l’occasion de revenir sur la grande consultation menée auprès des jeunes par la Coopération agricole depuis le début de l’année. Quelles en sont les principales conclusions ?

Nous avons voulu aller vers les jeunes pour écouter, entendre leurs propositions et surtout comprendre leur perception de l’agriculture et de l’alimentation aujourd’hui. Plus de 800 jeunes ont été rencontrés sur six territoires, afin de construire une réflexion collective qui doit nous conduire, à l’occasion du congrès, à formuler une réponse appropriée aux attentes renvoyées par les jeunes.

Nos propositions seront bâties autour de cinq axes : le désir du local, l’attractivité des métiers de la chaîne alimentaire, l’accès à l’alimentation, notamment pour les étudiants qui ont exprimé leur inquiétude vis-à-vis de la précarisation, la santé globale, et la reprise collective du pouvoir sur notre alimentation.

Concrètement, comment répondre à ces attentes diverses ?

Dans la perception qu’ont les jeunes, il existe un décalage entre les attentes vis-à-vis de leur alimentation, et leur compréhension de la nécessité de maintenir une production sur les territoires. Nous devons travailler à un rapprochement de l’assiette et du contenu, pour avoir une production agricole qui répondent à la diversité et à la complexité de ces attentes, au niveau de la qualité mais aussi du prix, ce qui pose la question de nos capacités de production. Or, elles sont en déclin dans toutes les filières. On importe 30 % de la viande qu’on consomme, 50 % des volailles, alors que ce sont des produits qui ne répondent pas à nos standards de production.

100 000 exploitations ont disparu en France entre 2010 et 2020, soit 27 exploitations par jour.

En raison de l’inflation, les Français privilégient davantage les choix d’entrée et de moyenne gamme. Ce sont précisément des catégories qu’on ne produit plus suffisamment en France. Avoir des chaînes de production alimentaire en capacité est devenu une question prioritaire, mais cela nécessite de réarmer nos capacités de production et de transformation, alors que nous en avons massivement perdu sur 20 ans : 100 000 exploitations ont disparu en France entre 2010 et 2020, soit 27 exploitations par jour. Sans compter que 50 % des agriculteurs vont cesser leur activité dans 10 ans, et un tiers d’entre eux n’a pas de solution de reprise.

Quels sont les principaux enjeux auxquels les coopératives sont confrontées aujourd’hui ?

On a bien vu, sur les quatre, cinq dernières années, que notre chaîne alimentaire était beaucoup plus fragile que ce qu’on imaginait. Tout ce qu’on avait bâti dans un monde stable, surabondant, a été remis en cause par trois bouleversements, le Covid, la guerre en Ukraine, et le changement climatique. Il faut donc que l’on se repose la question de ces enjeux de souveraineté alimentaire, en matière de capacité de production, de compétitivité, dans un contexte de transition écologique.

Quels sont les atouts des coopératives dans ce défi ?

Les coopératives fonctionnent de la production jusqu’au consommateur, sur l’ensemble de la chaîne alimentaire. Elles sont donc en capacité répondre à la complexité des demandes : le local, mais aussi l’alimentation de l’ensemble des Français et des Européens, et d’apporter des solutions sur la restauration de la capacité de production, des alternatives en accompagnant notamment les agriculteurs dans la mise en œuvre des transitions, mais aussi organiser les filières agricole et agroalimentaire pour répondre au besoin de souveraineté alimentaire. Leur spécificité est également d’être un modèle non délocalisable, sans objectif de rentabilité des capitaux à court terme.

Ces rencontres vous ont-elles aussi donné des clés pour susciter l’engagement des jeunes au sein des coopératives ?

On voit ce désir de participer dans un débat collaboratif, à la co-construction d’une alimentation. L’attractivité de nos métiers de l’agroalimentaire, de nos exploitations, et la détection des jeunes en capacité d’exercer des responsabilités demain dans l’organisation constituent des questions prioritaires. Chaque coopérative fait fonctionner une commission, met en place une démarche spécifique d’abord pour accompagner les jeunes dans leur installation sur le plan technique et, très souvent, financier. Cela permet aussi de les réunir pour leur faire découvrir la coopérative et leur donner envie de s’engager dans différents organes, différents métiers, jusqu’à les intéresser à la gouvernance. On doit réfléchir, aussi, à des solutions nouvelles pour accompagner les jeunes dans les démarches d’installation, pour l’accès aux capitaux, au foncier, afin qu’ils puissent dégager un revenu de leur activité.

Quels sont les freins à lever face aux enjeux que vous avez identifiés ?

Les freins aujourd’hui sont dans la capacité, pour les agriculteurs, à répondre à ces différents enjeux de souveraineté alimentaire, c’est-à-dire l’enjeu de choc de compétitivité et de simplification. On demande une mise en cohérence des politiques publiques avec les objectifs de souveraineté, transition écologique, et renouvellement des générations. Or tous les jours, la France perd des capacités de production au profit des importations qui ne répondent pas à nos standards. Il faut accompagner l’investissement dans les outils de production, donner les moyens de produire, c’est-à-dire aussi, donner accès à l’eau, ne pas nous priver de solutions, diminuer la contrainte administrative. Ce sont des leviers importants. Il faudrait également une diminution de la controverse sociétale autour de nos métiers.

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