Le chef de l'Etat, qui reçoit traditionnellement les syndicats avant le salon, a rendez-vous à 16 h avec la Coordination rurale, puis à 17 h avec la Confédération paysanne, respectivement 2e et 3e syndicats agricoles.
Il verra la semaine prochaine la FNSEA, majoritaire, tandis que son premier ministre Gabriel Attal doit se rendre jeudi dans une exploitation bovine de la Marne.
L'atmosphère reste électrique. S'ils ont pris acte des aides d'urgence - 400 millions d'euros - annoncées par le gouvernement, cela ne suffit pas, selon eux, pour répondre au malaise profond des campagnes où de nombreux agriculteurs ne parviennent pas à dégager « un revenu décent ».
« Faut pas nous pousser trop », « la braise est là, prête à repartir » : devant les préfectures, supermarchés ou banques, des adhérents de la Coordination rurale, 2e syndicat agricole, ne sont pas prêts à remiser les fourches.
A Agen - d'où le syndicat avait initié un convoi vers Rungis, poumon alimentaire de la région parisienne -, ils ont déversé de la paille mercredi devant une agence bancaire, pour réclamer la suspension des remboursements de prêts pour l'année 2024. Des actions similaires ont été organisées dans plusieurs départements, avec parfois des « opérations de filtrage » de camions transportant des marchandises importées.
🇫🇷 | BLOCAGE DES BANQUES EN COURS DANS LE LOT-ET-GARONNE
— ★ Info Live Direct ★ (@infolivedirect) February 14, 2024
La coordination rurale 47 a sorti les tracteurs pour des actions de blocage aujourd'hui.#RésistancePaysanne #agriculteurs #AgriculteursEnColère #tractorada #CNEWS #BFMTV #TractoradaNacional #agriculture #agricoltori… pic.twitter.com/XFjvsRpf49
La présidente de la Coordination rurale Véronique Le Floc'h attend de sa rencontre avec le chef de l'Etat « une discussion franche et quelques engagements ». « Pour nous, le principal est de soulager les trésoreries des agriculteurs. On a demandé une année blanche, avec l'arrêt des remboursements des prêts et la prise en charge par l'Etat des intérêts pour 2024 », a-t-elle dit mercredi à l'AFP.
Elle est accompagnée à l'Elysée par une figure du syndicat venu de sa place forte du Lot-et-Garonne, Serge Bousquet-Cassagne, qui revendique « 18 procès en 30 ans » : ce dernier a par avance qualifié ce rendez-vous de « réunion de courtoisie », jugeant, à son grand dam, que tout serait déjà décidé mardi à Matignon avec le syndicat majoritaire FNSEA.
« Au bout d'un système »
La veille, le patron de la puissante fédération, Arnaud Rousseau, et le président des Jeunes agriculteurs, Arnaud Gaillaud, ont salué des « avancées » après deux heures de réunion avec Gabriel Attal. « Ce serait malhonnête de notre part de dire que rien ne bouge », a relevé Arnaud Gaillot. Mais « ça mérite encore de maintenir une pression parce que ça a encore du mal à se traduire ».
La FNSEA veut voir dans les fermes les premiers résultats concrets des mesures de simplification, exige un « changement de logiciel » du gouvernement, attendant la levée des freins à la production : interdiction de pesticides, concurrence déloyale, surabondance de normes et de paperasserie, selon elle.
« On contrôle plus nos agriculteurs que les points de deal et les trafics de drogue », a abondé le LR Laurent Wauquiez, qui nourrit des ambitions présidentielles pour 2027, lors de la dernière étape mercredi de son discret « tour de France agricole » de trois semaines.
FNSEA et JA ont obtenu de Gabriel Attal le principe d'un point de suivi mensuel sur les mesures de simplification, mais Arnaud Rousseau a prévenu : après deux semaines de blocage et la prire crise traversée par le monde agricole en 30 ans, « que personne ne pense que parce que les tracteurs sont rentrés, les choses sont réglées ». La « qualité » de la visite d'Emmanuel Macron au Salon « en dépendra ».
Du côté de la Coordination rurale comme de la Confédération paysanne, c'est la lassitude qui gagne face à l'omniprésence de la FNSEA dans le dialogue avec l'exécutif.
Véronique Le Floc'h a regretté que les trois principaux syndicats n'aient pas été reçus ensemble par le Premier ministre : « La FNSEA cogère depuis 30 ans, on voit ce que ça a donné », a-t-elle taclé.
La Confédération paysanne est elle aussi « choquée » du traitement différencié des syndicats, affirmant que tous ne sont pas reçus dans les préfectures où débute le travail de simplification.
Sa porte-parole Laurence Marandola s'est dite « extrêmement déterminée » avant son rendez-vous avec le président : « On est au bout d'un système. Ce n'est pas une crise agricole comme les autres, il faut qu'il l'entende ».
30 tracteurs devant la Draaf de Poitiers ! Soutien à la transition agroécologique pour accompagner les paysan.nes ! #Maec #transition #PlanificationEcologique #AgriculteursEnColere pic.twitter.com/eJwuUNz4jS
— Conf' Paysanne (@ConfPaysanne) February 14, 2024
La question du revenu est centrale pour le syndicat né des luttes paysannes altermondialistes. « On demande l'établissement par la loi de l'interdiction des transactions sous le prix de revient, c'est-à-dire les coûts de production, la rémunération et la protection sociale. » Elle attend du gouvernement un « accompagnement fort pour la transition agro-écologique » face à une menace climatique inédite et la réaffirmation de la trajectoire de baisse de l'utilisation des pesticides en France, alors que le gouvernement a suspendu le plan Ecophyto - qui vise une réduction de moitié de cet usage d'ici 2030 (par rapport à 2015-2017).