Le Premier ministre a reçu ces syndicats pendant deux heures avec le ministre de l'agriculture Marc Fesneau. « Ça s'est bien passé. On continue d'avancer, on a passé en revue tous les dossiers (...). Sur la simplification, c'est encourageant. Maintenant, (...) il faut que tout soit mis en place au moment du salon », a déclaré Arnaud Rousseau, le président de la puissante FNSEA, à sa sortie de Matignon.
« Ni défiance, ni complaisance », a-t-il résumé un peu plus tard lors d'un point presse. « Ce serait malhonnête de notre part de dire que rien ne bouge », a relevé le président des JA, Arnaud Gaillot. Mais « ça mérite encore de maintenir une pression parce que ça a encore du mal à se traduire », a-t-il ajouté en regrettant notamment un nombre insuffisant de réunions avec Bercy.
Les deux responsables se sont félicités que Gabriel Attal ait accepté le principe d'un point de suivi mensuel sur les mesures de simplification. Mais « que personne ne pense que parce que les tracteurs sont rentrés, les choses sont réglées », a insisté Arnaud Rousseau.
De son côté, Emmanuel Macron recevra la Coordination rurale et la Confédération paysanne mercredi, avant la FNSEA et les Jeunes agriculteurs « la semaine prochaine ». Comme avant chaque Salon de l'agriculture, qui s'ouvre le 24 février à Paris, a précisé l'Elysée. Mais le contexte est particulier cette année.
« On comprend que tout ne va pas se faire en trois jours. Mais le président de la République, il ne va pas falloir qu'il arrive seulement avec de beaux discours au Salon de l'agriculture », a prévenu Arnaud Rousseau. Cette crise du monde agricole, nourrie par une profonde désespérance des campagnes face à l'incapacité de dégager « un revenu décent » et un quotidien corseté par une myriade de normes et contraintes administratives, est la plus grave depuis 30 ans, estime la FNSEA.
Après deux semaines de blocages et d'actions parfois tumultueuses, les manifestants ont levé le camp début février après trois salves d'annonces du gouvernement. Mais les syndicats n'entendent pas baisser la pression sur des sujets aussi sensibles que les jachères, la simplification administrative, l'utilisation des produits phytosanitaires ou encore l'élevage.
La base reste éruptive, à l'image du coup d'éclat des producteurs de lait indépendants mardi matin sur l'esplanade des Invalides à Paris avec une poignée de tracteurs, leur chef de file Adrien Lefevre promettant « d'autres moments forts de mobilisation ». Une cinquantaine d'éleveurs se sont eux rassemblés devant Bercy, avec un mouton et deux brebis, pour se plaindre d'être « les grands oubliés de l'exception agricole ».
Les agriculteurs sont « prêts à repartir à l'action » si les réponses ne sont « pas au niveau des attentes, qui sont très fortes », a d'ailleurs mis en garde le patron de la puissante FNSEA sur TF1.
Emmanuel Macron « a peur de faire un mauvais salon », du coup il reçoit les agriculteurs « à toute vitesse », a dénoncé le vice-président du Rassemblement national, Sébastien Chenu, sur BFMTV et RMC, accusant l'exécutif d'avoir « menti » pour calmer la colère.
« Tous les ministères sont au travail », a assuré le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu sur franceinfo. « Certains sujets remontent à 10, 20 ou 30 ans. Je comprends une impatience qui exprime la souffrance des agriculteurs (...) Mais il ne faut pas confondre vitesse et précipitation ».
Texte fin février ?
Figure emblématique de la Coordination rurale (CR), 2e syndicat, Serge Bousquet-Cassagne sera au rendez-vous de mercredi à l'Elysée, qu'il qualifie, auprès de l'AFP, de « réunion de courtoisie », jugeant, à son grand dam, que tout serait déjà décidé mardi à Matignon avec la FNSEA.
« Cela aurait été bien plus constructif et mieux perçu que les syndicats soient reçus ensemble », a déclaré à l'AFP la présidente de la Coordination Rurale (CR) Véronique Le Floc'h.
La Confédération paysanne est elle aussi « choquée » du traitement différencié des syndicats, affirmant que tous ne sont pas reçus dans les préfectures, où s'enchaînent les réunions pour compiler les arrêtés méritant simplification.
Outre le rendez-vous de Matignon, le duo de ministres de l'Agriculture verra « dans la semaine chacune des organisations syndicales », notamment pour évoquer un projet de loi visant à favoriser la transmission d'exploitations et l'installation de nouveaux agriculteurs, selon leur entourage. Ce texte, reporté pour être enrichi face à la crise, devrait être présenté en Conseil des ministres fin février pour un vote « d'ici » juin, a-t-on ajouté de même source.
Au ministère de l'Agriculture, on assure que les mesures d'urgence de Gabriel Attal - chiffrées à 400 millions d'euros - ont commencé à être déclinées concrètement, comme l'ouverture depuis le 5 février des dispositifs d'indemnisation pour les éleveurs. Des réunions ont aussi « eu lieu dans toutes les préfectures de département » pour « regarder les arrêtés locaux » et « faire remonter les propositions de simplification ».
Parmi les sujets sensibles, tant pour les agriculteurs que les défenseurs de l'environnement, figure le suivi des usages de produits phytos, remis sur la table lundi à l'occasion d'une réunion du Comité d'orientation stratégique et de suivi du plan Ecophyto
Ce dernier, qui vise une réduction de moitié de l'utilisation des produits phytos d'ici 2030 (par rapport à 2015-2017), a été suspendu par Gabriel Attal « le temps de mettre en place un nouvel indicateur ». Une décision qui a satisfait les syndicats agricoles majoritaires et consterné les associations environnementales. En effet, huit d'entre elles ont quitté la réunion avant le début.
Autre question délicate, les jachères. La Commission européenne a adopté mardi pour 2024 une exemption partielle aux obligations de jachères prévues par la Politique agricole commune (Pac), une revendication-clé des récentes manifestations agricoles en Europe. Marc Fesneau s'est aussitôt « réjoui » de cette décision, que Paris « mettra en œuvre », démontrant ainsi que « les engagements pris envers les agriculteurs français ont été tenus ».