Ce rapport, publié mercredi par le Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan, aujourd'hui dirigé par l'ex-ministre Clément Beaune, fait des recommandations pour améliorer les politiques publiques de santé environnementale, en étudiant « quatre sources de pollutions majeures » : les produits phytosanitaires, les « polluants éternels » PFAS, le bruit et les particules fines.
Dans la partie phytos, les autrices soulignent que ceux-ci « affectent la santé des écosystèmes et la santé humaine, notamment celle des travailleurs agricoles » et que les politiques publiques sont « insuffisantes face à la contamination ».
Le rapport, demandé par le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale, recommande notamment de protéger les zones de captage d'eau potable.
Il préconise aussi de soutenir l'agriculture biologique grâce aux aides européennes de la Pac (politique agricole commune) mais aussi dans la restauration collective, et en interdisant les importations traitées avec des produits non autorisés en Europe.
Il prône également d'amplifier la recherche et souligne les « limites en matière d'évaluation des risques du dispositif actuel ».
« Minimisation des risques »
Ces recommandations ne sont pas vraiment nouvelles mais le quotidien Le Monde a révélé jeudi de « vives tensions » autour de formulations sur les produits phytos agricoles.
Dans une annexe au rapport, quatre des membres du comité scientifique affirment que « les choix de reprise » ou non de leurs remarques dans le rapport final « vont le plus souvent dans le sens d'une minimisation des risques » des phytos sur la santé.
Ils citent un « manque de clarté et parfois de précisions sur les défaillances » des procédures d'autorisation de mise sur le marché des substances actives pesticides et de classification de leurs dangers. Le rapport souligne toutefois bien les « limites » de ces procédures.
Les scientifiques dénoncent aussi une large surestimation des fonds de la Pac en faveur de la réduction de l'usage des phytos.
Enfin ils indiquent que les conclusions d'une étude sur les liens entre la proximité de vignes et des leucémies infantiles, et d'une autre sur les liens entre l'alimentation bio et la réduction du risque de cancer ont fait l'objet d'ajouts qu'ils n'avaient pas approuvés et qui reprennent des éléments de nature à les discréditer.
« Mes collègues et moi étions effarés », rapporte l'un des quatre signataires, demandant à ne pas être identifié, en dénonçant des chiffres « sortis du chapeau » sur la Pac et des critiques sur des travaux scientifiques d'autres chercheurs.
Selon cette source, le conseil scientifique a reçu au tout dernier moment une version présentée comme définitive et non amendable, le prenant de court alors que le rapport était censé être en cours d'élaboration. « Je n'ai jamais vu un tel fonctionnement », note la source.
« Pressions scandaleuses »
Selon Le Monde, « une part des ajouts imposés aux auteurs du rapport ont été demandés par le cabinet de la ministre de l'Agriculture, Annie Genevard », dont les éléments sur la Pac. Celui-ci a démenti ces allégations auprès du quotidien avant de déclarer à l'AFP vendredi n'avoir « pas bien saisi la demande du journaliste du Monde ».
Reconnaissant des échanges, à l'initiative du Haut-commissariat « dans le cadre de la relecture du rapport », le ministère ajoute que ceux-ci « n'ont pas visé à "édulcorer" les constats ou les recommandations mais à faire part de remarques afin qu'elles soient applicables, ou juridiquement solides ».
Il affirme avoir apporté « son expertise » sur des sujets très techniques, sans remise en cause de l'indépendance du travail des scientifiques et du Haut-Commissariat.
Le Monde affirme avoir consulté des échanges entre des conseillers du ministère et des cadres du Haut-commissariat « jugeant tel passage "pas opportun", demandant la suppression de tel encadré, des ajouts dans telle recommandation ».
L'ONG Générations Futures a dénoncé des « pressions scandaleuses ». Elle affirme que les changements demandés constituent de « nouvelles attaques de l'indépendance des scientifiques du Conseil Scientifique du Haut-commissariat au Plan intervenant après celles contre l'indépendance de l'Anses », en référence à un décret du 8 juillet permettant au ministre de l'Agriculture d'influencer le calendrier des travaux de l'agence sanitaire pour autoriser les pesticides.
Le comité scientifique indique de son côté dans l'annexe qu'un tel rapport, si large et écrit en si peu de temps, « ne peut que guider une décision publique minimaliste ».