Ravageurs
Quelles solutions contre la grosse altise du colza ?

La date de semis reste l'un des premiers leviers agronomiques mis en avant pour contrer la grosse altise. (©Terres Inovia)
La date de semis reste l'un des premiers leviers agronomiques mis en avant pour contrer la grosse altise. (©Terres Inovia)

Avec la résistance des pyréthrinoïdes et la non-réapprobation du phosmet, les solutions chimiques pour lutter contre la grosse altise du colza s'amenuisent. Face à cette situation, les représentants des producteurs demandent « que l’instruction de la dérogation pour l’utilisation dès 2022 du cyantraniliprole, seule alternative efficace connue, soit rapidement conclue ». 

Mettre en place une stratégie d'évitement

À côté, une combinaison de leviers agronomiques à déployer peut contribuer à rendre le colza plus robuste face à ses ravageurs d'automne. Parmi eux, on peut noter la date de semis. Il est, en effet, conseillé « d'être prêt à semer tôt et d'optimiser le travail du sol : intervenir tôt après la récolte pour éviter le dessèchement du sol ». L'un des objectifs derrière : « que le colza lève avant le 1er septembre pour atteindre le stade 4 feuilles au moment du vol des altises d'hiver (aux alentours du 20 septembre). Car ces insectes sont particulièrement nuisibles avant ce stade, pendant la phase de croissance lente de la culture », explique Céline Robert, chargée d'études ravageurs des cultures et faune auxiliaire Terres Inovia, lors du webinaire "Les Rencontres colza et agro-écologie" organisé par BASF.

« L'association du colza avec des légumineuses gélives constitue également un levier intéressant pour réduire les infestations de larves de grosses altises, à condition que les couverts puissent être bien développés : > 200 g/m² en entrée hiver. Cette association contribue aussi à une croissance dynamique du colza.  »

Favoriser la régulation naturelle

En parallèle, les leviers, les pratiques agronomiques peuvent également jouer sur la présence des auxiliaires de culture. « Charançon du bourgeon terminal, petites et grosses altises, puceron et puceron cendré du chou : tous ces insectes ont des ennemis naturels », indique Johanna Villeneuve-Chasset, entomologiste et directrice du laboratoire Flor'Insectes. « Chaque insecte a, par exemple, son ou ses parasitoïdes (micro-guêpes). Pour les altises d'hiver, il s'agit des Tersilochus. Au début des années 2000, ces derniers parasitaient jusqu'à 60 % les larves de grosses altises. Sans que l'on sache réellement pourquoi, ce taux de parasitisme est descendu à 5 % », remarque Johanna Villeneuve-Chasset. « Il y a toutefois des résultats récents plus positifs. Des relevés réalisés avec BASF Agro dans le Poitou en 2021, par exemple, ont permis de mesurer des taux de parasitisme à 15 % vers le 11 mars et 35 % au 1er avril. L'objectif est alors de revenir à 60 % dans les années à venir  ».  

L'experte nous explique « concrètement, comment ça se passe ? Les grosses altises viennent pondre pratiquement au niveau du sol sur les pousses de colza, au mois d'octobre.  Il y a ensuite éclosion, les larves de grosses altises grossissent au fur et à mesure qu'elles mangent l'intérieur du colza. Puis en hiver, les Tersilochus émergent du sol et les femelles vont pondre spécifiquement à l'intérieur des larves d'altises. Ainsi si la larve de grosse altise n'est pas parasitée, elle se laisse tomber dans le sol, se nymphose et émerge l'été suivant. Mais si elle a été parasitée, cela se passe autrement. Au lieu que ce soit une grosse altise qui émerge en été, c'est un Tersilochus qui émerge en hiver ».

Pour aider ce monde auxiliaire, Johanna Villeneuve-Chasset recommande, « si possible, d'éviter une intervention insecticide en février et en mars lors du vol de Tersilochus et ne pas labourer l'ancienne parcelle de colza. » L'experte conseille aussi de « semer des fleurs dans la parcelle de colza ou en bordure avec une date de floraison précoce (phacélie, vesce, trèfle incarnat...) » et d'associer son colza. « Des relevés ont montré un meilleur taux de parasitisme des larves de grosses altises dans du colza associé, et notamment avec de la féverole ». Autre conseil proposé : « semer son colza à proximité des parcelles de colza de l'année précédente pour permettre aux Tersilochus de migrer d'une parcelle à l'autre ».

Outre ces parasitoïdes, Johanna Villeneuve-Chasset évoque également d'autres pistes de régulation naturelle de la grosse altise avec notamment les carabes : « les adultes peuvent, en effet, prédater les larves tombées au sol et couper ainsi le cycle. Les larves de carabes vivant au sol peuvent aussi consommer les nymphes d'insectes ». 

D'autres pistes à l'étude comme les "variétés pièges"...

Terres Inovia travaille également sur d'autres solutions à l'échelle de la parcelle. Parmi elles : les variétés dites "pièges à larves d'altises". « Quand on parle de variété pièges, on pense tous spontanément à celles utilisées pour lutter contre les infestations de méligèthes au printemps. Le même concept est appliqué aux larves d'altises, explique Aurore Baillet, ingénieur de développement Terres Inovia lors d'une réunion technique. On ajoute ainsi 10 % de ces variétés dites attractives vis-à-vis de ces ravageurs dans la semence pour concentrer l'infestation sur ces plantes ».

« Aujourd'hui, on a déjà fait la démonstration qu'il existe une variabilité dans l'attractivité des variétés pour les larves d'altises, précise l'experte. Maintenant il reste à prouver l'intérêt pour le producteur d'ajouter 10 % de ces variétés pièges. Pour cela, Terres Inovia et son réseau de partenaires ont mis en place cette campagne 60 essais sur le territoire hexagonal. Les résultats arriveront au printemps 2022.  »

Ou la défoliation des colzas

À la demande de plusieurs agriculteurs, Terres Inovia s'intéresse aussi à la défoliation des colzas en fin d'automne afin de réduire la pression larvaire : « une technique qui n'est pas nouvelle et pas mal travaillée par nos voisins anglo-saxons ». Pour voir si cela peut fonctionner dans notre contexte de production français, l'institut technique regarde deux possibilités : le pâturage des colzas et le broyage mécanique.

Concernant le pâturage, les essais ont été mis en place en 2020/2021 avec la collaboration entre un éleveur ovin et un céréalier dans les Vosges : « systématiquement après le passage des animaux, on constate qu'il y a moins de larves dans les plantes : ce qui est un signe positif. Ce résultat reste toutefois partiel : on parle de nombre de larves/plante et non pas de réduction de dégâts, précise Aurore Baillet. En 2021, on n'a pas dépassé les 5 larves/plante dans ces essais, donc il n'y a pas de conséquence pour la culture dans ces conditions ». 

Nombre de larves d'altises/planteColza non pâturéColza pâturé mi-novembreColza pâturé mi-décembreTaux de réduction
Berlèse du 19/11/20204,961,55-~ - 70 %
Berlèse du 06/01/20212,651,90,6~ - 30 à - 75 %
Berlèse du 18/02/20214,082,881~ - 30 à - 75 %

Une seule année de recul ne permet, bien sûr, pas de conclure sur cette technique. Le côté positif, c'est la réduction du nombre de larves permise. Mais Aurore Baillet note un point de vigilance : « la reprise des colzas pâturés a tendance à être un peu retardée au printemps, une semaine environ l'année dernière. L'expérience a été relancée cette campagne, cette fois-ci sur des colzas beaucoup plus petits, donc affaire à suivre ! »

Pour la défoliation mécanique du colza, les premiers résultats d'essais réalisés dans les Yvelines semblent « aller à contre-sens de ce qu'on pouvait espérer... selon l'experte. Le broyage a, là aussi, fortement pénalisé la reprise des colzas au printemps. Les cultures sont plus sensibles aux aléas climatiques, notamment les gelées printanières très présentes la campagne passée ».

Là encore, il n'est pas possible de conclure sur une seule année d'essais. Cela a donc été reconduit cette campagne. « Passage de herse étrille pour limiter l'infestation larvaire, implantation de colza de printemps en hiver... » et d'autres pistes encore sont à l'étude.  À suivre donc... 

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