Alors que la colère est retombée dans de nombreux pays européens, de longues colonnes de tracteurs ont investi les axes routiers du pays, notamment en Castille-la-Manche (centre), Andalousie (sud) et Catalogne (nord-est), selon la Direction générale du trafic.
Épicentre des manifestations, la deuxième ville d'Espagne, Barcelone, a vu converger au cours de la journée près d'un millier de tracteurs, venus manifester dans un concert de klaxons devant le siège du gouvernement régional catalan.
« La bureaucratie nous étouffe », a confié à l'AFPTV l'un de ces manifestants, Joan Maia Sala. A cause d'elle, « il faut davantage penser aux documents et aux démarches exigées par l'administration qu'au travail sur le terrain », a regretté cet agriculteur de 45 ans.
A l'issue d'une rencontre mercredi soir avec le président de la région catalane, Pere Aragones, certains agriculteurs ont assuré qu'ils entendaient dormir sur place, se disant déterminés à poursuivre les manifestations.
80 000 camions affectés
Ces rassemblements, convoqués sur les réseaux sociaux, ont entraîné d'importants embouteillages, notamment à la frontière franco-espagnole. Les autorités françaises ont pris dans la matinée des mesures de stationnement obligatoire pour les poids lourds.
A Malaga (Andalousie), l'accès au port a été brièvement bloqué pour le deuxième jour consécutif, d'après la mairie. L'accès au port de Castellon, dans la région de Valence (Est), a lui aussi été entravé, avant que la police ne disperse les manifestants.
Cette nouvelle journée de manifestation a suscité pour la première fois des tensions avec les forces de l'ordre, notamment à Grenade (Sud), où plusieurs agriculteurs ont été interpellés après des échauffourées, selon des médias locaux.
Dans un communiqué, la Confédération espagnole du transport de marchandise (CETM) a demandé « des mesures pour éviter » que le secteur soit « otage des manifestations ». « Nous comprenons » les agriculteurs, mais les « victimes » du mouvement sont « les entreprises », a-t-il insisté.
Un message relayé par Fenadismer, autre fédération de transporteurs, qui a évalué à 80 000 le nombre de camions affectés par les blocages, et l'impact financier du mouvement à 120 millions d'euros.
« Main tendue »
Bien qu'ils ne soient pas à l'origine de ces rassemblements, les trois principaux syndicats agricoles (Asaja, Coag et UPA) ont dit partager les inquiétudes exprimées par les manifestants, et elles ont appelé à d'autres manifestations dans les prochains jours.
Les agriculteurs espagnols, à l'instar de leurs collègues européens, dénoncent une politique européenne trop complexe, des normes trop contraignantes, des prix trop bas et la concurrence jugée déloyale des produits étrangers importés dans l'UE.
« Ce sont des problèmes que nous avons soulevés » depuis longtemps « sans obtenir de réponses adaptées », a souligné mercredi, sur la radio publique, Marcos Alarcón, secrétaire général de l'UPA, qui a appelé à l'« unité » face aux appels à manifester en ordre dispersé.
Interrogé mercredi au Parlement, le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez a assuré être « aux côtés des agriculteurs » et mis en avant les efforts déjà réalisés pour soutenir le secteur, notamment face à la sécheresse à laquelle est confronté le pays.
Le chef du gouvernement s'est par ailleurs engagé à améliorer la loi de 2021 sur la chaîne de valeur alimentaire pour empêcher que les agriculteurs espagnols ne vendent leurs produits à perte, et à simplifier la mise en oeuvre de la politique agricole commune (Pac).
Lors d'une rencontre avec des journalistes mercredi soir, le ministre de l'Agriculture Luis Planas a reconnu que la situation était « complexe », tout en répétant être dans une logique de « dialogue » et de « main tendue » envers les manifestants.
L'Espagne, souvent qualifiée de « potager de l'Europe », est le premier exportateur européen de fruits et légumes. De nombreuses exploitations y sont néanmoins en difficulté en raison notamment de la sécheresse qui sévit depuis trois ans dans le pays.