« Entre 2018 et 2023, nous avons perdu environ 9 000 km2 » bruts de terres au profit de la construction, « une surface équivalente à la taille de Chypre », indiquent les auteurs - 41 journalistes et scientifiques de onze pays - de cette enquête coordonnée par le réseau Arena for journalism in Europe et intitulée « Green to Grey », dans un communiqué. Chaque semaine, ce sont près de 30 km2 de terres qui sont artificialisés, et chaque jour l'équivalent de 600 terrains de football, alertent-ils.
Ces résultats montrent que les données de l'Agence européenne pour l'environnement (EEA) « sous-estiment probablement l'ampleur de l'artificialisation des sols en Europe », au moins 1,5 fois plus importante selon les données de l'enquête, qui s'appuie sur une analyse d'images satellitaires, à la résolution plus fine que celle de l'EEA, couplée à un modèle d'apprentissage automatique.
En 2019, l'EEA avait publié un rapport montrant que si « une zone considérable », d'une superficie légèrement plus petite que celle de la Slovénie, a été bétonnée ou asphaltée entre 2000 et 2018 en Europe, le rythme de croissance de cette artificialisation avait ralenti, passant de 1 086 km2 par an entre 2000 et 2006 à 711 km2 par an entre 2012 et 2018.
600 km2 de terres agricoles grignotées annuellement
L'artificialisation, pour construire des hébergements, usines ou routes mais aussi parfois des activités touristiques, se fait d'abord sur les espaces naturels, comme les forêts, les prairies ou les zones humides, dont 900 km2 sont détruits chaque année. 600 km2 de terres agricoles sont elles aussi grignotées annuellement, avec de « graves conséquences sur la sécurité alimentaire et sanitaire ».
« Pendant des années, l'Europe a promis d'être un leader en matière de préservation du climat et de la nature, mais ce que montre cette enquête c'est que nous sommes littéralement en train de bétonner notre propre avenir », dénonce Lena Schilling, eurodéputée et militante écologiste autrichienne, citée dans le communiqué.
En 2011, Bruxelles s'était donné pour objectif non contraignant de réduire l'artificialisation à 800 km2 par an. Elle vise le zéro artificialisation nette des sols sur le continent d'ici 2050. Mais les tensions politiques internes au sein de l'UE ont amené à détricoter ou amenuiser la portée de certains textes à visée environnementale. En France aussi, le « zéro artificialisation nette » (ZAN) a été fortement assoupli par la loi de simplification de l'économie.