Jusqu'à 10 000 personnes sont attendues autour de Sainte-Soline, où l'un de ces réservoirs dédiés à l'irrigation agricole est en construction, cinq mois après un précédent rassemblement émaillé d'affrontements.
Le chantier, brièvement envahi par des manifestants fin octobre, est protégé par une double rangée de grillage de deux mètres de haut, et ses accès défendus par des barrages routiers.
La préfecture a de nouveau interdit la manifestation, organisée par le collectif « Bassines non merci », le mouvement écologiste des Soulèvements de la Terre et la Confédération paysanne.
#SainteSoline | Le dispositif opérationnel est proportionné pour répondre aux violences auxquelles nous nous attendons lors des rassemblements interdits de ce week-end.
— Préfète des Deux-Sèvres (@Prefet79) March 24, 2023
Les découvertes d’armes lors des contrôles opérés aux alentours de Melle confirment la réalité de ces menaces. pic.twitter.com/F8ikpYFwZ5
Après plusieurs prises de parole samedi matin, environ 6.000 personnes, selon les organisateurs et la préfecture, en sont partis à pied vers 11H00 pour tenter de rallier le chantier de Sainte-Soline en plusieurs cortèges.
« Le but, c'est d'approcher et d'encercler la bassine pour faire stopper le chantier », a affirmé à l'AFP un membre des Soulèvements de la Terre.
Un groupe composé de plusieurs centaines de personnes cagoulées a pris une direction différente, a constaté l'AFP, alors que le public semble globalement plus jeune et moins familial que la dernière fois.
« Ne tombez pas dans la violence, la vraie violence c'est celle de l'État », avait précédemment lancé à la foule Julien Le Guet, porte-parole de « Bassines non merci ». Sous le coup d'un contrôle judiciaire depuis la semaine dernière, il ne peut pas prendre part à la manifestation.
« Activistes radicaux »
Le ministère de l'intérieur a mobilisé 3 200 gendarmes et policiers, soit deux fois plus qu'en octobre. Ils sont arrivés vendredi matin en camions militaires, quads ou hélicoptères, ont constaté des journalistes de l'AFP. Un dispositif jugé « ahurissant » par les organisateurs.
« Il y a une très grande mobilisation de l'extrême gauche et de ceux qui veulent s'en prendre aux gendarmes et peut-être tuer des gendarmes et tuer les institutions », a déclaré Gérald Darmanin sur Cnews.
Selon la préfète des Deux-Sèvres, Emmanuelle Dubée, « environ 1 500 activistes radicaux », venus de France et de l'étranger, pourraient se mêler aux manifestants, restés majoritairement pacifiques à l'automne.
Samedi matin, elle a incité dans un communiqué « celles et ceux qui souhaitent manifester pacifiquement et en famille à la plus grande prudence », alors que « plusieurs centaines d'individus radicaux préparent des actions violentes ».
Des centaines d'entre eux ont déjà mené des « actions » vendredi après-midi, selon elle, s'en prenant à deux barrages de gendarmerie et réussissant à s'introduire brièvement sur une voie de TGV. Une simple « diversion » pour permettre au convoi de tracteurs de contourner le dispositif policier, selon les manifestants.
Des armes ont été saisies en amont du rassemblement - boules de pétanque, frondes, lance-pierres, produits incendiaires, couteaux, haches, a détaillé le commandant régional de la gendarmerie, Samuel Dubuis.
Des élus EELV et LFI manifestent samedi, tandis que des observateurs indépendants des pratiques policières mandatés par la Ligue des droits de l'Homme pour « documenter le maintien de l'ordre » durant le week-end.
« Notre détermination est intacte parce que l'on se bat pour des causes justes (...) sur les retraites elle est intacte, sur les bassines elle est intacte, sur le climat elle est intacte », a martelé Marine Tondelier, secrétaire nationale du parti écologiste, sur la tribune à Vanzay.
Observateurs
La bassine de Sainte-Soline fait partie d'un ensemble de 16 retenues d'eau, d'une capacité totale d'environ six millions de mètres cubes, qui doivent être construites dans le cadre d'un projet porté depuis 2018 par une coopérative de 450 agriculteurs, et soutenu par l'Etat.
Il vise à stocker de l'eau puisée dans les nappes superficielles en hiver, afin d'irriguer les cultures en été quand les précipitations se raréfient. Ses partisans en font une condition de la survie des exploitations agricoles face à la menace de sécheresses récurrentes.
Son coût de 70 millions d'euros est financé à 70 % par des fonds publics en échange de l'adoption de pratiques agroécologiques par les bénéficiaires, une vaine promesse selon les opposants qui dénoncent un « accaparement » de l'eau par « l'agro-industrie » à l'heure du changement climatique.
« Il y a seulement 6% de la surface agricole utile qui est irriguée en France et il y a 100 % des agriculteurs qui subissent la sécheresse », a déclaré Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne, samedi sur RMC.
Le ministre de l'agriculture, Marc Fesneau, a défendu quant à lui sur France Inter un projet « exemplaire » en termes de « sobriété » agricole. Au total, 93 réserves en projet dans la région font l'objet de recours juridiques.
En place dès vendredi
Des dizaines de tracteurs et des « milliers » de manifestants, selon les organisateurs, sont arrivés vendredi, certains dans des véhicules aux plaques d'immatriculation dissimulées et de nombreux groupes cagoulés et habillés en noir, ont constaté des journalistes de l'AFP.
#megabassines : pendant l'arrivée des 60 tracteurs sur le campement, c'était salle comble pour les deux table-ronde avec les délégations internationales. #eau #agriculture #luttespaysannes@BassinesNon @lessoulevements pic.twitter.com/t0xi4LDq2k
— Conf' Paysanne (@ConfPaysanne) March 24, 2023
Tendue de longue date dans la région, la situation s'est envenimée ces derniers jours, en dépit d'appels au calme, avec le sabotage d'une retenue d'eau agricole en Charente et le saccage de la maison d'un militant écologiste en Charente-Maritime par des agriculteurs.
La semaine dernière, la Coop' de l'eau, qui porte le projet des 16 réserves, a déposé plainte pour dégradations de matériel et « harcèlement » sur les réseaux sociaux, tandis que la justice engageait des poursuites contre le fer de lance du collectif « Bassines non merci », privé de manifestation par une mesure de contrôle judiciaire.