3,7 % de travailleurs en situation de handicap et un taux d’emploi de personnes handicapées de 2,2 %, soit l'équivalent de 25 000 actifs : les chiffres du secteur agricole sont un peu en deçà mais similaires à ceux de l'ensemble de la population active française (4 et 2,4 %). 60 % sont agriculteurs et 40 % salariés agricoles. C'est ce qu'indique l’observatoire "agriculture : emploi et handicap" de l’Agefiph (Association nationale de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées), paru le 20 février 2024.
Des métiers durs physiquement, mais qui attirent
Le taux de chômage des personnes handicapées en agriculture est, toutefois, deux fois plus élevé que tous domaines d'activité confondus. Et les emplois exercés sont souvent précaires et peu valorisants. Charges lourdes (61 % des travailleurs agricoles disent y être exposés), tâches répétitives, postures fatigantes voire douloureuses, amplitudes et contraintes horaires, pics de travail intenses… Les métiers agricoles sont, en outre, réputés pour être durs physiquement. Ils ne semblent pas, de prime abord, les plus adaptés lorsqu'on souffre d'un handicap.
Pallier la pénurie de main-d'œuvre agricole.
Pourtant, ils attirent ces publics. Pour preuve : 24 000 demandeurs d’emploi en situation de handicap (5,1 %) ont cherché, en octobre 2023, un travail dans ce secteur, révèle l’observatoire. Ces travailleurs pourraient réduire, au moins en partie, la pénurie de main-d'œuvre à laquelle il est confronté. L'agriculture recrute chaque année 50 000 personnes. Et près de 12 000 emplois ne sont pas pourvus, essentiellement des postes d’agent d’élevage ou d’ouvrier agricole. Cela aiderait à renouveler les générations de salariés agricoles, et même contribuerait au renouvellement des agriculteurs.
Des atouts réciproques.
Car pour répondre à ce défi, le monde agricole, s’il est de moins en moins cloisonné, doit s’ouvrir encore davantage à des publics diversifiés : aux Nima, aux femmes, aux personnes en situation de handicap... D'autant que ces dernières disposent d'atouts pour travailler dans ce domaine : une motivation, ainsi qu'une force de caractère et de travail, décuplées pour parvenir à faire un maximum de choses malgré leur handicap. À l'inverse, le secteur agricole, avec ses entreprises à taille humaine, ses valeurs de solidarité, d’entraide est un terreau plutôt propice à leur inclusion. Sans compter les évolutions de l’agroéquipement, vers plus d’automatisation, de robotisation, de nouvelles technologies, et l’amélioration en général de la sécurité et des conditions de travail.
L'agriculture, un secteur accidentogène
Sachant que le handicap en agriculture a toujours existé, ce domaine d'activité étant l’un des plus accidentogènes. Avec les maladies professionnelles, toujours selon l'observatoire, les 50 000 accidents du travail par an (soit 15 % du total enregistré pour tous les actifs) représentent 45 % des causes de handicap dans le secteur agricole. 31 % des bénéficiaires de la RLH (reconnaissance de la lourdeur du handicap) travaillent en agriculture. 80 % sont des hommes, 75 % des non-salariés agricoles : on compte notamment 5 300 chef(fe)s d’exploitation porteurs d’un handicap lourd (taux supérieur à 66 %).
45 % souffrent d'un handicap moteur et 24 % d'une pathologie invalidante. En ne considérant plus seulement le handicap, mais la maladie dans son ensemble : 18 % des travailleurs du secteur agricole déclarent avoir eu des problèmes de santé au cours des 12 derniers mois, d'origine osseuse, articulaire ou musculaire pour 68 % d'entre eux, causés ou aggravés par le travail dans 46 % des cas.
Les acteurs de l'emploi se mobilisent
Malgré cette existence, de fait, du handicap en agriculture, et celle de dispositifs d'accompagnement, on en parlait peu jusqu'à présent. Aujourd'hui, ce sujet commence à être davantage évoqué et de plus en plus d'acteurs, spécialisés ou non (Agefiph, Cap Emploi,MSA, France Travail ex Pôle Emploi, les services de prévention et de santé au travail...), se mobilisent pour renforcer les soutiens financiers disponibles et développer le volet humain. À titre d'exemple : une plateforme élévatrice pour accéder au tracteur coûte 10 000 € voire davantage. Et les adaptations nécessaires se sont pas que matérielles : elles peuvent être aussi organisationnelles. « Plus que les outils, c'est le travail qu'il faut adapter », souligne l'observatoire.
L'enjeu : améliorer la formation
L'enjeu est également d'améliorer la formation : 80 % des personnes handicapées employées en agriculture ont un niveau inférieur au bac, précise l'observatoire. Car celle-ci ne répond pas toujours aux besoins des publics concernés. Former les employeurs faciliterait, par ailleurs, l'accueil et l'intégration sur la ferme. À noter cependant l'offre et l'appui proposés par Ocapiat en partenariat avec l'Agefiph. L’enseignement agricole, lui, s'efforce de sensibiliser au handicap dans le secteur, et la part d’étudiants en situation de handicap progresse. Des allongements et/ou allègements de scolarité sont mis en place, ainsi que des adaptations au niveau des apprentissages. Ce qui ne peut qu’être bénéfique à leur employabilité future.
80 % ont un niveau inférieur au bac.
« Il faut rendre accessibles les cours et les examens, mais également les stages, en exploitation agricole en particulier, la recherche en laboratoire, la mobilité internationale, la vie sociale et associative étudiante… Cela demande la mobilisation de toutes les équipes pédagogiques et de la créativité pour trouver les solutions adéquates », explique dans l'observatoire Xavier Quernin, délégué handicap du groupe UniLaSalle, qui cite la mise en place de référents handicap et d'associations étudiantes dédiées.