Vendredi sur le stand de la Commission européenne au salon de l'agriculture à Paris, le vice-président de la BEI Ambroise Fayolle a signé un prêt de 170 millions d'euros avec la coopérative auvergnate Limagrain, qui est aussi le 4e semencier mondial via sa filiale Vilmorin.
Limagrain compte sur cette manne pour renforcer la recherche et le développement sur les centaines de plantes, céréales, fruits, légumes et oléagineux dont elle produit les semences.
« Un jeune sélectionneur doit attendre dix ans pour obtenir des résultats sur une nouvelle semence », a expliqué Damien Bourgarel, directeur-général de Limagrain, qui veut développer des semences « plus performantes, plus réactives aux agressions et aux ravageurs et plus résistantes au climat qui change ».
« Cela tombe très bien, nous sommes des investisseurs persévérants », a réagi le vice-président de la BEI Ambroise Fayolle, au cours d'un bref entretien avec l'AFP en marge de la signature de l'accord de prêt.
Le financement de la BEI est garanti par le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), également connu sous le nom de « Fonds Juncker », du nom du précédent président de la Commission. Il a été mis en place pour soutenir l'activité et l'innovation de grandes entreprises ou de PME européennes.
Effet de levier
Depuis 2017, la BEI a accordé un total de 430 millions d'euros de prêts en soutien direct à des entreprises du secteur agricole en France, a indiqué Ambroise Fayolle.
Le groupe de santé animale et vétérinaire Virbac, basé à Carros près de Nice, a bénéficié d'un prêt de 77 millions d'euros.
Dans le secteur laitier, Sill, en Bretagne, a reçu 50 millions d'euros, les Maîtres laitiers du Cotentin 55 millions et la coopérative Sodiaal 40 millions.
Roullier, spécialisé dans la nutrition animale et végétale, basé à Saint-Malo, a reçu 50 millions d'euros, et Olmix, basé dans le Morbihan, spécialisé dans les algues, a eu un prêt de 30 millions.
« Nous avons aussi financé des banques pour qu'elles accordent des prêts aux agriculteurs et PME du secteur », à hauteur de 300 millions d'euros reçus par le Crédit agricole entre 2016 et 2018, et de 100 millions d'euros en 2019 par le Crédit Mutuel, a souligné Ambroise Fayolle. Par ailleurs, par effet de levier, la BEI a généré 1,1 milliard d'euros de prêts destinés à des jeunes agriculteurs, en garantissant avec l'État français un montant initial de 60 millions d'euros.
Un soutien crucial
Grâce à cette opération, quatre banques vont pouvoir accorder des prêts avantageux (sans hypothèque) aux jeunes agriculteurs (Crédit Agricole, Crédit Mutuel, Arkea, Banque populaire), selon Ambroise Fayolle. « Le soutien de la BEI nous fait chaud au cœur, une Europe qui soutient les entreprises et la recherche », a réagi Sébastien Vidal, vice-président de Limagrain, président de Vilmorin et Cie, et lui-même agriculteur dans la Limagne viticole à Saint-Georges-sur-Allier (Puy-de-Dôme).
Pour Limagrain, le soutien financier de l'Europe est d'autant plus crucial que le semencier est contraint par la Cour européenne de justice de ne pas utiliser les nouveaux outils permettant d'accélérer la sélection génétique, considérant que les semences qui en sont issues relèvent des OGM.
Ces techniques-là peuvent être utilisées dans la recherche en Europe, mais uniquement en « milieu confiné », a précisé M. Bourgarel. « Les recherches en plein champ sur des techniques OGM sont faites aux États-Unis, elles ne sont pas faites en Europe », a-t-il ajouté, en soulignant la « fuite des cerveaux » de scientifiques qui « s'expatrient aux États-Unis pour pouvoir continuer des carrières ». « Mais nous continuons à faire le choix de la France, de l'Europe pour la recherche », a-t-il dit.
Limagrain estime avoir besoin d'investir dans des technologies « de génomique, de marquage moléculaire, en passant par l'utilisation des drones pour l'observation des champs et du "big data" ».
« Nos investissements ont lieu très majoritairement près de Clermont-Ferrand, mais aussi près d'Angers et dans la vallée du Rhône, ainsi qu'aux Pays-Bas », a dit M. Bourgarel.