Au total, huit « points de blocage » sur de grandes autoroutes à quelques kilomètres ou dizaines de kilomètres du périphérique parisien sont prévus par la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs (JA) à partir de 14h00, mais avec pour mot d'ordre un « siège » de Paris, sans limite de temps. A 08h30, le blocage de la capitale n'avait pas encore commencé, les perturbations en cours sur l'A13 étant surtout liées à une opération escargot des taxis, à leur tour mobilisés sur une revendication propre à leur secteur : obtenir de l'Assurance maladie une renégociation du transport de patients.
Côté agriculteurs, dans l'Oise, au Nord de Paris, ils sont en train de mettre en place un barrage à hauteur de l'aire de repos de Chennevières pour bloquer dans les deux sens, selon Régis Desrumeaux, président de la FDSEA. Les manifestants comptent rester « au moins trois jours », selon Alice Avisse, présidente de la FDSEA de l'arrondissement de Senlis.
Du côté de Lyon, l'opération escargot prévue au départ des Monts du Lyonnais n'a pas non plus débuté, en revanche 80 tracteurs sont en place pour bloquer l'A450, à l'entrée sud de la ville. « Ça commence doucement » ce matin, confirme Michel Joux, patron de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes, une « réintensification » est prévue « cet après-midi ». « Le gros des troupes arrivera demain », poursuit-il.
Dans la Meuse, les JA évoquent eux plutôt un départ pour Paris « mardi à 06h00 ». « N'oubliez pas de faire le plein de vos tracteurs avant le départ pour éviter la panne sèche ! », indiquent-ils sur leur page Facebook. « On ne veut pas mettre la pagaille tout de suite », car des annonces du gouvernement sont encore attendues, a expliqué Régis Desrumeaux.
Le ministre de l'agriculture Marc Fesneau a confirmé lundi sur France 2 que de nouvelles mesures seraient annoncées « dans les 48 heures » pour « compléter et montrer la globalité » de la réponse du gouvernement face à une crise « multiple ». Depuis la préfecture du Val-de-Marne à midi, il a précisé qu'il continuait à travailler sur les premières mesures de simplification annoncées par le Premier ministre et qu'il défendrait cette semaine à Bruxelles une révision de certaines décisions, plaidant notamment pour le maintien d'une dérogation de la mise en culture des terres en jachère.
« Mobilisations territorialisées »
« On est en train d'essayer d'organiser » le départ à Paris, a de son côté souligné à l'AFP Florent Point, président des JA de Bourgogne-Franche-Comté afin de « garder des mobilisations territorialisées » « L'idée c'est quand même que le territoire complet de la France puisse "s'allumer" au ministère de l'Intérieur », a-t-il ajouté. La Bretagne connaissait par exemple de nombreux blocages sur des nationales lundi matin, notamment près de Quimper ou à hauteur de Ploërmel, important nœud routier au centre de la péninsule, selon un communiqué de Bison futé.
Sur l'A11, qui relie Nantes à l'Île-de-France, « la circulation est impossible entre Seiches-sur-le-Loir et Durtal en direction du Mans », peut-on lire sur le compte X de l'autoroute. « On va essayer d'être organisés, de faire monter la pression (...) le mot d'ordre général reste de mettre en avant la sécurité des agriculteurs sur toutes les opérations de blocage pour qu'on puisse continuer à avoir des mobilisations "propres" », a ajouté Florent Point, alors que la mobilisation a été frappée par les Décès d'une éleveuse et de sa fille, tuées accidentellement sur un barrage d'agriculteurs lundi dernier.
Le gouvernement a de son côté annoncé que 15 000 membres des forces de l'ordre seraient mobilisés lundi pour empêcher que les tracteurs n'entrent dans « Paris et les grandes villes ». Toutefois, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin leur a demandé de faire part de « modération », ne devant pas « intervenir sur les points de blocage » mais les « sécuriser ».
« Pas de violence »
La capitale « va être entourée par un certain nombre de convois de tracteurs mais à bonne distance parce qu'on ne souhaite pas de violence », a précisé sur RTL le président de la FNSEA Arnaud Rousseau, précisant qu'ils se trouveront « entre 30 et 40 kilomètres de la capitale sur les principaux axes autoroutiers à partir de 14h00 ». Il a par ailleurs dit qu'il était « prévu » qu'il parle avec le Premier ministre Gabriel Attal dans la journée pour évoquer les possibles solutions à la crise agricole.
Ce dernier avait dévoilé vendredi des mesures d'urgence, dont l'abandon de la hausse de la taxe sur le gazole non routier (GNR), des indemnités gonflées pour les éleveurs dont les bovins ont été touchés par la maladie hémorragique épizootique, des sanctions lourdes contre trois industriels de l'agro-alimentaire ne respectant pas les lois Égalim sur les prix. Le Premier ministre a cependant concédé dimanche qu'il « n'a pas répondu encore » à « ce qui constitue le malaise et le mal-être de nos agriculteurs aujourd'hui ».
Selon la gendarmerie, en fin de matinée début d'après-midi, 30 départements sont touchés et 16 autoroutes concernées, mais le blocage de Paris n'a pas encore commencé. Selon les renseignements territoriaux, il y a « près de 800 tracteurs » dans le bassin parisien. Déjà bloquée dans les deux sens entre Chanas (Isère) et Orange (Vaucluse), l'A7 est désormais « coupée » en plusieurs point au sud de Lyon dans les deux sens, selon Vinci Autoroute.
De sources préfectorales, on signale des blocages sur : l'A43 à hauteur de Saint-Clair-de-la-Tour, l'A48 à Grenoble, l'A49 dans la Drôme... Pas de blocage de l'A1, l'autoroute qui dessert tout le nord de l'Europe, mais un durcissement dès mardi, avec « un petit tour en GMS » (supermarchés) a promis Simon Ammeux, de la FDSEA du Nord. À Paris, des militants de Greenpeace ont déployé une grande banderole sur le pont de la Concorde, pour affirmer un soutien aux agriculteurs et exiger du gouvernement un cap clair pour soutenir la transition agroécologique, a constaté l'AFP.
Les agriculteurs du Lot-et-Garonne en route pour Rungis
À l'appel du syndicat Coordination rurale, une trentaine de tracteurs ont pris la route depuis le marché aux bestiaux d'Agen en direction du marché de Rungis (Val-de-Marne), qu'il compte « investir ». Ils ont rejoint d'abord des collègues à Cancon (Lot-et-Garonne), où ils ont été applaudis par une centaine de personnes, puis Bergerac (Dordogne), Périgueux, avant une étape dans un « camp de base » en soirée près de Limoges. « On ne crèvera pas en silence », lançait une banderole en tête du convoi.
Après un passage par Tours, l'arrivée à Rungis est prévue « mardi soir ou mercredi matin », a déclaré à l'AFP Serge Bousquet-Cassagne, président de la Chambre d'agriculture du Lot-et-Garonne. « Mais on ne vous donnera pas l'heure à laquelle on va investir Rungis », a ajouté cette figure historique de la Coordination rurale du Lot-et-Garonne (CR47), qui n'a « aucune idée » des effectifs qui seront au rendez-vous au final : « L'idée c'est de rassembler autour de nous, en montant à Paris, toute la France profonde. »
Le convoi est accompagné d'un camion pour assurer la logistique durant le parcours. « On a du ravitaillement pour ne pas mourir de faim, y compris les tracteurs », a expliqué à l'AFP son chauffeur, Patrick Jouy, 70 ans, maraîcher à Sainte-Livrade-sur-Lot dans le département, tandis que des viennoiseries et des drapeaux étaient distribués avant le départ. À l'intérieur, une cuve de carburant pour réalimenter les plus petits tracteurs, de la nourriture, des tables, quelques matelas et un brasero « pour cuire la viande ». Des réapprovisionnements sont prévus sur la route et sur place à Rungis.
« On peut tenir 8 à 15 jours s'il le faut »
Pour tenir combien de temps ? « Huit jours, 15 jours s'il le faut, on se débrouillera, pas de souci », assure l'agriculteur. « On est déterminés mais la durée est indéterminée (...) On reviendra sûrement sans avoir tout ce qu'on veut mais on va tenir aussi longtemps qu'on pourra. » « On y va aussi pour faire prendre conscience aux Parisiens que c'est nous qui les nourrissons. Pour eux, on n'est que des bouseux », ajoute un jeune agriculteur venu du Gers.
Selon les autorités, les forces de l'ordre devront agir avec « modération » pour « sécuriser » les points de blocage annoncés autour de Paris et faire en sorte que le marché international de Rungis « puisse fonctionner ». Dès dimanche soir, des blindés ont été déployés aux abords du MIN. De quoi résister à l'envahisseur? « Nous, on ne frappe pas. Sauf si on est frappés, c'est comme au rugby », a souligné Serge Bousquet-Cassagne lundi. « On n'est pas là pour casser du flic, on n'est pas des bandits. On veut avoir des réponses, c'est vraiment une question de survie », a renchéri Karine Duc, viticultrice de 38 ans et coprésidente de la CR47.
Le syndicat, habitué des actions coup de poing, a été très mobilisé la semaine dernière, occupant l'autoroute A62, déversant du lisier et allumant un gros feu devant la préfecture après une réunion houleuse. Largement majoritaire en Lot-et-Garonne, il reconnaît avoir annoncé l'opération de Rungis « un peu tout seul », échangeant seulement avec la CR de Haute-Vienne qui contrôle aussi la chambre d'agriculture départementale.
« Ils ont raison de se rendre à Rungis car c'est le symbole du libre-échange. Mais eux, contrairement à nous, veulent s'adapter à la logique de compétition et du libre-échange. Nous, on la remet en cause », commente Emmanuel Aze, représentant de la Confédération paysanne à Agen. La FDSEA 47, elle, privilégie les actions locales. « Il est difficile de travailler avec la Coordination rurale qui nous critique à longueur d'année », estime Alain Briffeille, son secrétaire général.