Plus facile à dire qu'à faire pour les agriculteurs

« On a tous travaillé les mains nues, sans masques, sans gants, à un moment. Il n'y a pas à stigmatiser les gens », a martelé Paul François, céréalier charentais, lors d'un colloque sur les produits phytosanitaires organisé cette semaine par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) à Paris.

L'agriculteur, victime d'une intoxication à l'herbicide il y a quelques années, a réussi à faire condamner par la justice le géant américain de l'agrochimie Monsanto. Sur son exploitation, les produits phytosanitaires sont désormais manipulés avec beaucoup de précautions. « Mais c'est beaucoup plus difficile pour les agriculteurs qui font de la polyculture et de l'élevage : le même tracteur peut faire l'épandage la journée, et le soir distribuer la nourriture au bétail, avec des risques de contamination », explique-t-il.

Un grand écart entre la théorie et la pratique qui explique pourquoi les nombreuses « bonnes pratiques » pour l'utilisation des produits phytosanitaires ne sont pas mises en œuvre, analyse Nathalie Jas, chercheuse à l'Inra (Institut national de la recherche agronomique). Ces conseils ignorent « l'environnement pratique : boue, chaleur, sécheresse, humidité », et surtout le fait « qu'en agriculture on fait toujours plusieurs choses à la fois, c'est une course contre la montre. Les chefs d'exploitation ont des contraintes énormes », qui les empêchent parfois de prendre des précautions, estime la scientifique.

Les autorisations de mises sur le marché de produits phytosanitaires sont généralement conditionnées à l'utilisation d'« équipements de protection individuelle », mais « est-ce qu'ils protègent vraiment ? Est-ce possible de travailler avec ? », interpelle Nathalie Jas.

Casse-tête chinois

D'autant que les industriels se contentent souvent du strict minimum en matière de conseils d'utilisation. Nathalie Jas donne l'exemple de bidons d'herbicides pour le maïs « dont l'étiquette dit de porter du matériel de protection, rien d'autre », sans expliquer lequel, ni comment.

« Les bidons vendus par les industriels sont des casse-tête chinois » pour les agriculteurs, renchérit Didier Marteau, céréalier membre de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (Apca). Sans compter le problème du coût des équipements de protection, insurmontable pour beaucoup d'agriculteurs aux petits revenus. « On prend le problème à l'envers : ce sont les firmes qui devraient adapter leurs produits à la manière réelle de travailler sur le terrain », résume Paul François.

Pour Didier Marteau, l'accent devrait être mis sur l'encadrement et la formation des agriculteurs au maniement de ces produits plutôt que sur la mise au point de nouvelles molécules. « Nous avons voulu participer aux formations Certiphyto (dans le cadre du plan gouvernemental de réduction des pesticides Ecophyto, ndlr), mais on nous l'a refusé car on est des industriels », regrette Jean-Charles Bocquet, directeur de l'European Crop Protection Association qui réunit les fabricants européens. « Il faut se poser la question politique forte de qui on accepte autour de la table », tempête-t-il.

Et surtout celle de savoir « si ces produits sont bons pour les agriculteurs ou bons pour un certain système de production », lance Paul François. Plutôt que de focaliser toute la lutte contre les produits phytosanitaires sur l'exploitation agricole, « on pourrait imaginer une modification de toute la chaîne de production », suggère Nathalie Jas. « Mais cela impliquerait une modification des produits et des modes de consommation », pas facile à accepter pour la société toute entière. 

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