Face aux agricuteurs furieux, Le Foll plaide le temps de l'expertise

L'Assemblée nationale a voté jeudi soir après deux heures de débats intenses l'interdiction des produits néonicotinoïdes au 1er septembre 2018, promettant qu'un arrêté fournira dans les temps les « réponses concrètes » aux exploitants inquiets de voir ressurgir des ravageurs dans leurs champs. Pour les associations et fédérations de producteurs de blé (AGPB), de maïs (AGPM), d'oléagineux et de protéagineux (FOP) et de betteraves (CGB), l'interdiction « les prive de solutions efficaces pour lutter contre les ravageurs des cultures et les expose à des impasses techniques complètes ». « Cette mesure vient handicaper gravement notre compétitivité, créant une nouvelle source de distorsion de concurrence face à nos voisins européens », assurent-ils dans un communiqué commun.

Le groupe Bayer, champion de l'agrochimie et producteur des insecticides visés, promet une « impasse agronomique et économique » et des baisses de récoltes de «15 à 40 % selon les cultures ». L'Union des semenciers (UFS) estime que tout son « secteur est en danger ». Enfin l'UIPP qui réunit 21 producteurs de produits phytosanitaires dénonce « un vote injustifié » en l'absence de « nouvel élément scientifique ». Face à ces réactions passionnées, au lendemain d'un vote qui le fut tout autant, le ministère de l'Agriculture respire : au moins a-t-on échappé à l'interdiction brutale dès 2017 initialement avancée, précise un membre du cabinet, « avec le risque de provoquer du jour au lendemain des effets collatéraux pires que les bénéfices obtenus, par le recours à des produits tout aussi nocifs pour les abeilles ». Il cite en exemple la famille des pyréthrinoïdes, insecticides qui agissent pour protéger les feuilles et seraient tout aussi nuisibles aux pollinisateurs.

Suite aux interdictions survenues en 2012 et 2013 au niveau européen, les principaux usages des néonicotinoïdes concernent les céréales à paille (blé et orge), les betteraves, le colza, le maïs, l'arboriculture, les légumes. « L'urgence est maintenant l'évaluation des solutions de substitution » pour en mesurer l'efficacité dans la lutte contre les ravageurs et leurs impacts » sur la santé et l'environnement poursuit-il.

« Passer par l'interdiction pour favoriser les alternatives »

Dans ce but, Stéphane Le Foll a annoncé vendredi la saisie de l'Anses, l'autorité sanitaire chargée de délivrer les autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires : « Soit l'évaluation de l'Anses d'ici fin 2016 montre que sur certains usages, il existe des produits ou pratiques de remplacement efficaces, et on les interdit (les néonicotinoïdes). Soit on reviendra devant le législateur avec des éléments scientifiquement fondés pour prononcer des dérogations ». Dans une démarche inhabituelle, le ministre avait adressé aux députés une lettre pour les appeler à ne pas adopter des « interdictions brutales » au seul niveau français. Démarche mal comprise par les ONG et les écologistes. « Ne pas s'insulter et travailler en regardant les choses posément », reprend l'entourage du ministre en regrettant un « débat binaire » sur le sujet.

Jean-Marc Bonmatin, spécialiste des neurotoxiques au CNRS d'Orléans, joint par l'AFP, estime qu'à cause du recours aisé à ces produits, qui enrobent les semences, les agriculteurs « ne se préoccupent plus de la prévention (des ravageurs), comme la rotation, les cultures intercalaires. » « On utilise un lance-flamme qui grille tout. À cause d'eux on n'a pas jugé utile d'appliquer des pratiques agricoles connues depuis la nuit des temps ». Pourtant, affirme-t-il, existent « des alternatives sérieuses et efficaces, des exemples conduits à grande échelle et des études publiées sur le soja aux États-Unis, le maïs en Italie ou le colza en Grande-Bretagne, qui montrent que les rendements ne sont pas meilleurs avec les traitements prophylactiques » appliqués avant l'apparition de la menace.

« Dans la majorité des cas, ils ne servent à rien puisque le ravageur ne se montre pas » explique-t-il. Pour le chercheur c'est clair, « on doit passer par l'interdiction pour favoriser le développement des alternatives : les petites mesurettes ont montré qu'elles n'avaient aucun impact. C'est comme en sécurité routière, à un moment il faut des limites de vitesse et des radars pour réduire la mortalité ».

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