Pulvérisation
Utiliser des adjuvants pour renforcer l'efficacité des matières actives

Les adjuvants renforcent bien souvent l'efficacité des matières actives des produits et permettent de limiter les quantités appliquées. (©Luc Tiffay)
Les adjuvants renforcent bien souvent l'efficacité des matières actives des produits et permettent de limiter les quantités appliquées. (©Luc Tiffay)

 

Même s’ils entrent dans les bouillies agricoles, les adjuvants ne sont pas considérés comme des produits phytopharmaceutiques. Ils n’ont aucune action protectrice contre les bioagresseurs, contrairement aux phytos. Leur rôle est de renforcer l’efficacité de la matière active en améliorant ses performances, via une meilleure rétention et/ou un étalement supérieur. Ils permettent aussi de limiter les effets néfastes lors de l’application, tels que le ruissellement ou la dérive. À noter qu’à eux seuls, les adjuvants ne suffisent pas à diminuer la dose de matière active utilisée. Et au moment de l’intervention, des conditions optimales restent indispensables (température inférieure à 25 °C et hygrométrie supérieure à 60 %).

Correction de la dureté de l’eau

La dureté de l’eau est caractérisée par la présence d’ions calcium et magnésium dissous. En France, elle est exprimée en TH (titre hydrotimétrique), avec des valeurs qui s’étalent de 25 (en Seine-et-Marne) à plus de 60. Les minéraux vont complexer certaines matières actives comme le glyphosate et certaines sulfonylurées. Ils vont aussi rendre le mélange plus difficile au moment de la préparation des bouillies, et ralentir la vitesse de pénétration des matières actives dans la plante.

Eau de pluie
L’eau de pluie est douce, elle ne contient pas d’ions calcium ni magnésium dissous, ce qui favorise l’efficacité de nombreuses matières actives. (©Adobe Stock)

Afin de savoir quelle est la dureté de son eau, il suffit de regarder les factures ou de se renseigner en mairie. Autre possibilité : acheter, dans les rayons adoucisseurs d’eau ou piscines des enseignes de bricolage, un kit de procédés chimiques permettant de mesurer la dureté. En pratique, un point de TH correspond à 4 mg de calcium et/ou 2,4 mg de magnésium par litre d’eau. Par exemple, une eau à 32 de TH contient 32 x 4 = 128 mg/l de calcium. Pour réduire la dureté, le sulfate d’ammonium constitue la substance la plus efficace.

Dans une bouillie prévue à 100 l/ha, 100 g de sulfate d’ammonium corrigent 25 points de TH. À noter que l’eau de pluie est douce, c’est-à-dire qu’elle ne contient ni calcium ni magnésium dissous. Légèrement acide, elle favorise l’efficacité de nombreuses matières actives.

Trois types d’adjuvants

Rappelons que l’emploi d’un adjuvant vise à améliorer les propriétés de la bouillie à laquelle on l’associe. Ceci passe donc avant tout par une bonne connaissance de ses mécanismes d’action, en vue de raisonner au mieux sa mise en œuvre. Historiquement, les adjuvants sont classés en trois catégories, selon leur nature chimique : les mouillants (composés tensio-actifs), les huiles (huiles minérales ou végétales) et les sulfates (ou sels; le plus souvent une solution aqueuse de sulfate d’ammonium). Cette classification est actuellement complétée par une approche techniquement plus précise, qui consiste à les caractériser selon leurs fonctionnalités.

Limiter la dérive
Associé à un antigraminées racinaire, un adjuvant pourra permettre de limiter la dérive au moment de l’application. C’est l’un des seuls intérêts. (©Adobe Stock)

Pour choisir son adjuvant, il faut prendre en compte le type de produit à pulvériser. Commençons par les herbicides. En règle générale, les adjuvants ont peu d’intérêt avec les antigraminées racinaires, les graminées étant des adventices peu mouillables en raison du port dressé de leurs feuilles et de leur pilosité souvent importante. Utiliser des adjuvants pour limiter la dérive lors de l’application est toutefois possible. Les chambres d’agriculture préconisent cependant d’éviter d’associer un antigraminées racinaire et foliaire avec de l’huile, celle-ci favorisant l’absorption foliaire au lieu de l’absorption racinaire. Résultat : la détoxification de la matière active dans la plante diminue. Avec les antigraminées foliaires, le recours aux adjuvants régule l’efficacité sur des adventices peu mouillables de type vulpin.

Utiliser une huile, végétale ou minérale, est également possible. Autre choix : mélanger un adjuvant de type mouillant avec du sulfate d’ammonium, ou de l’huile avec un mouillant et du sulfate d’ammonium. Cette combinaison associe la capacité de rétention, la pénétration et les propriétés hygroscopiques des substances. Les dicotylédones, quant à elles, sont plus mouillables que les graminées ce qui, dès lors qu’on intervient sur des plantes jeunes, peut réduire la quantité de produit nécessaire. N’ayant pas encore fabriqué sa cuticule de protection, le végétal se montre en effet plus vulnérable (à l’exception du gaillet).

Insecticides, régulateurs et fongicides

Globalement, l’intérêt d’associer des adjuvants aux produits insecticides est moindre, à part dans quelques cas. Lors de traitements avec des volumes de bouillie inférieurs à 100 L/ ha, notamment, employer un mouillant peut s’avérer nécessaire pour améliorer la couverture de la plante. De même, lors d’interventions sur des cultures à forte biomasse (pucerons sur pois, méligèthes sur colza…), les mouillants amélioreront la couverture de la végétation. Du côté des régulateurs de croissance, en conditions difficiles (manque d’hygrométrie, faible réceptivité de la plante, formulation SL), il peut y avoir un intérêt à compléter avec de l’adjuvant. Cependant, son effet sera visible seulement dans un cas sur deux. Acidifier la bouillie permet aussi de réguler son efficacité. Mais éviter les mélanges du type herbicide + régulateur + huile est néanmoins préférable, ils sont généralement très agressifs.

Avec les fongicides, enfin, l’intérêt ou non d’adjoindre un adjuvant à la préparation est déterminé par le mode d’action du produit. Même si certaines formulations sont déjà bien adjuvantées, en ajouter peut accroître la rétention du traitement sur la feuille, permettre un étalement plus important et limiter la sensibilité au lessivage. Des essais ont montré, par exemple, le bon comportement du Pictor Pro en mélange avec le Sticman dans la lutte contre le sclérotinia. Des nouveautés type Osiris Win ou Bell Star, en revanche, sont assez adjuvantées pour ne pas en nécessiter davantage. Toutefois, lors des applications à bas volume, ajouter un mouillant et du sulfate d’ammonium s’avère utile pour limiter la dérive et conserver l’hygrométrie autour de la goutte. Attention: ne surtout pas les mélanger avec de l’huile !

Et les huiles ?

Les huiles aident à la pénétration des traitements dans les plantes en agissant sur les cires épicuticulaires, qui sont désorganisées pour faciliter le passage du produit. Le plus souvent, elles s’utilisent avec des produits systémiques et sur des plantes peu mouillables, indépendamment du volume de bouillie pulvérisé. Les sulfonylurées sont couramment associées à de l’huile. Cependant, il faut veiller à ne pas les utiliser à tort, car elles peuvent être fatales. Ajouter de l’huile à un fongicide blé peut, par exemple, engendrer la pénétration de la substance dans les feuilles, qui migre ensuite vers l’extrémité de celles-ci. S’ensuivront des brûlures très marquées pouvant affecter le rendement. Ajoutées aux herbicides racinaires, surtout de contact, les huiles forcent la pénétration du produit dans la plante et génèrent de la phytotoxicité sur la culture.

Meilleure accroche du produit
Tous les adjuvants dits « mouillants » jouent le même rôle: étaler les gouttelettes de produit et mieux les accrocher au feuillage. (©Adobe Stock)
 

Les "mouillants" regroupent différentes catégories, telles que les adjuvants cationiques, non ioniques, terpènes, organo-silicones, latex… Tous jouent le même rôle : étaler les gouttelettes et mieux les accrocher au feuillage. Leur efficacité dépend du triptyque plante/adjuvant/formulation du produit. Certaines préparations intègrent déjà des adjuvants, additionnés à la substance active, alors inutile d’en rajouter ! La mouillabilité des plantes constitue un facteur important. Logiquement, ajouter un mouillant sur des plantes mouillables se révèle inutile. À l’inverse, en utiliser sur des végétaux peu mouillables se justifie. Par ailleurs, le mode d’action du produit ne doit pas être négligé. Un dit "de contact" agit là où il tombe. Par conséquent, il gagne à être étalé à la surface des feuilles. Ajouter un mouillant s’avère donc intéressant avec les produits de contact pulvérisés sur des plantes peu mouillables. Petite précision : le mouillant s’utilise aussi en mélange avec un inhibiteur de l’ALS (acétolactate synthase) sur les graminées. Les expérimentations ont montré que, dès lors qu’ils sont utiles, les mouillants sont intéressants quel que soit le volume de bouillie à l’hectare. Dans les pays où les volumes de bouillie sont couramment bas (inférieurs à 100 l/ha), les adjuvants sont quasi systématiquement apportés dans le pulvérisateur.

En France, ce sont également les agriculteurs pratiquant les bas volumes qui les connaissent le plus. Le marché national couvre environ 15 millions d’hectares, dont 12 en grandes cultures. Sa progression est forte puisqu’en trois ans, les chiffres ont augmenté de 17 %. La part de l’huile passe nettement en dessous de 40 %, plus de 60 % étant au profit des mouillants. Son recul s’explique par la meilleure sélectivité des mouillants, leurs bonnes performances comme rétenteurs et leur faible dose/ha. Le marché français est loin d’être saturé, car son potentiel (surfaces à couvrir avec un adjuvant) dépasse les 50 millions d’hectares. En Grande-Bretagne, par exemple, ce sont entre 80 et 90 % des surfaces cultivées qui reçoivent une application avec un adjuvant.

Quid de la réglementation?

Comme les produits phyto, les adjuvants doivent bénéficier de leur AMM, définie par la directive CE 91/414 sur la base d’un dossier de preuves démontrant leur efficacité et leur mode d’action selon sept fonctions, et sur au moins l’un des 28 usages retenus. Sans oublier de prendre en compte leurs caractéristiques toxicologiques et éco-toxicologiques. Les sept critères d’homologation d’un adjuvant sont les suivants : améliorer la qualité de la bouillie (compatibilisant, stabilisant, anti-moussant, modification du pH) ; améliorer la qualité de pulvérisation ; augmenter la rétention; augmenter l’étalement (angle de goutte, tension de surface) ; maintenir les propriétés de la préparation (humectation, résistance aux UV) ; réduire le lessivage (quantité de bouillie restant sur la plante après la pluie) et enfin, améliorer la pénétration.

Le plan Écophyto ne comptabilise pas l’utilisation des adjuvants dans son calcul. Celui-ci totalise le nombre de doses homologuées utilisées sur un hectare au cours d’une campagne. L’indicateur peut être calculé à l’échelle d’un ensemble de parcelles, d’une exploitation ou d’un territoire ; il peut aussi être décliné par grandes catégories de produits (herbicides, insecticides ou autre). Depuis son instauration, il est utilisé comme indicateur de suivi de réduction des risques liés aux produits chimiques. Par exemple, deux interventions sur l’année représentent : 1 ha traité avec un produit homologué à 1 l/ha = 1 d’IFT + 1 ha traité à 70 % de l’AMM = 0,7 soit un total de 1,7 d’IFT. 

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