Le chaos de la visite présidentielle de 2024 a laissé des traces, et l’édition 2025 du salon de l’agriculture s’est ouverte ce samedi sous le signe de la sécurité. D’une part, les forces de l’ordre formaient un périmètre de sécurité encore plus large qu’habituellement, rendant l’accès d’Emmanuel Macron au public encore plus complexe que les années précédentes. D’autre part, le vote de la loi d’orientation agricole, deux jours avant l’ouverture, a donné des gages aux syndicats, du moins à la FNSEA et JA. Les représentants syndicaux ont d’ailleurs été entendus séparément par Emmanuel Macron juste avant l’inauguration, ce qui leur a permis de réitérer leurs demandes respectives.
Négociations commerciales et prix planchers
Concernant les prix, le président a rappelé que l'agriculture ne pouvait pas « être la variable d'ajustement du pouvoir d’achat ». « On défend les prix, les réformes successives et celles encore passées dans le budget vont dans ce sens », a-t-il affirmé. Pour autant, si les lois Egalim ont eu des effets positifs, « les négociations ne se passent pas dans un climat apaisé, la ministre a été très claire sur ce sujet, et on doit protéger des producteurs qui sont en nombre beaucoup plus petits que les distributeurs. Ce qu'on veut, c'est qu'on ne puisse pas vendre des produits en dessous de leur coût de production », a-t-il également précisé.
Pour la Confédération paysanne, l’attente reste forte sur les prix planchers promis l’année dernière et sur lesquels « depuis un an on n’a pas eu de réponse », regrette Véronique Marchesseau, secrétaire générale du syndicat. « Ils ont commencé à travailler avec un rapport sur Egalim qui conforte ce que l’on dit, qu’aujourd’hui il n'y a pas de revenu dans les fermes, les prix ne le permettent pas », indique-t-elle.
Pour la Coordination rurale, dont les représentants sont venus en nombre avec leurs bonnets jaunes, le problème du revenu reste crucial, avec des producteurs qui demeurent à la merci de la grande distribution.
L’accord UE-Mercosur, « un mauvais texte »
A l’issue de ses échanges avec les syndicats, le président a également rappelé son opposition à l’accord entre l’UE et le Mercosur. « Les agriculteurs ne doivent pas être la variable d'ajustement des accords agricoles », a-t-il souligné, mettant en avant la nécessité de mettre en place des clauses miroirs, mais aussi « des clauses de sauvegarde qui permettent, quand un marché est déstabilisé, de le stopper », ce qui n’est pas présent dans l’accord. « Donc c’est un mauvais texte tel qu’il a été signé, et on fera tout pour qu’il ne suive pas son chemin, pour protéger cette souveraineté alimentaire et européenne ».
Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, attend de son côté des réponses claires d’Emmanuel Macron sur cet accord, et notamment sur son opposition à la séparation du texte entre une partie commerce et une partie coopération. Mais il soulève également d’autres sujets d’inquiétude : sur la mise en place de freins d’urgence concernant les céréales dans le cadre de l’accord avec l’Ukraine, ou encore les menaces chinoises. « On considère que l’Europe doit réaffimer qu’elle est un espace qui protège ses concitoyens. Bien sûr, il faudra continuer à commercer, estime Arnaud Rousseau, qui rappelle que l’agriculture française est l’une des plus durables au monde, « mais la réalité aujourd’hui, c’est que notre outil productif agricole français est en train de péricliter et de plus en plus de ce que les Français ont dans leur assiette est importé », avec des normes de production moins élevées qu’en France.
Emmanuel Macron a assuré continuer de chercher une « minorité de blocage » au sein de l'Union européenne sur l'accord de libre-échange avec des pays du Mercosur.
Cet automne, l'opposition à ce traité commercial a servi de cri de ralliement pour relancer les manifestations d'agriculteurs, qui dénoncent la concurrence des produits étrangers produits avec des normes « moins disantes » sur les pesticides ou les antibiotiques par exemple.
Le chef de l'Etat a aussi évoqué sa visite prévue lundi à Washington : « entre alliés, on ne peut pas faire souffrir l'autre » avec des droits de douanes. Il a dit vouloir aborder le sujet avec le président américain Donald Trump, qui menace régulièrement les pays européens de réaugmenter les taxes douanières, comme il l'avait fait au cours de son premier mandat.
La LOA, un « bon signal »
Pour Pierrick Horel, président de Jeunes Agriculteurs, l’adoption de la loi d’orientation agricole marque tout de même « un bon signal à l’entame du salon », mais ce signal « ne doit pas rester vain : les travaux législatifs doivent se poursuivre », explique-t-il, citant la proposition de loi sur la simplification des sénateurs Laurent Duplomb et Franck Ménonville, la compétitivité, et le revenu.
Après plus d’un an de mobilisations, le président a également appelé au calme, d’une façon générale, mais également vis-à-vis de l’OFB. « Je ne suis pas à l’aise avec la stigmatisation parce que les agents de l’OFB sont pour beaucoup des gens qui font bien leur travail, qui appliquent juste la loi ».
Les élections professionnelles agricoles étant passées, l’expression des rivalités entre syndicats pourrait s’avérer moins virulente dans les semaines qui viennent, si les réponses politiques annoncées se vérifient.