Après une année 2022 marquée par les aléas climatiques, le bilan de campagne 22/23 s’avère plutôt positif pour les semences, a salué Olivier Paul, président de l’Union française des semenciers (UFS), à l'occasion d'une conférence de presse le 14 décembre. Néanmoins, si les rendements sont meilleurs, les surfaces sont en baisse de 3 %, après une baisse de 2 % l’année précédente. « Le contexte économique a joué cette année avec des cours des commodités particulièrement élevés qui ont entraîné des arbitrages de la part des agriculteurs », précise le président de l’UFS. La France maintient sa place de 1er producteur européen, et de 1er exportateur mondial, avec un excédent commercial en hausse de 10 %, en raison principalement de l’inflation.
Six freins principaux à l’attractivité
Face à la baisse des surfaces, plusieurs freins expliquent la perte d’attractivité de cette production technique et exigeante, au-delà des cours élevés des commodités. Une étude auprès des adhérents de l’UFS a hiérarchisé les réticences identifiées par les agriculteurs : la rémunération, le manque de solutions de protection phytosanitaire, le renouvellement des générations, les problèmes de productivité, les moyens de production (notamment la difficulté de trouver de la main d’œuvre), et les besoins d’irrigation.

L’accès à l’eau constitue en effet « un vrai sujet », note Olivier Paul, d’autant que des restrictions d’eau étaient déjà en place en janvier et février. « Nous devons faire en sorte que l’enjeu stratégique de la semence soit reconnu par des mesures adaptées », ajoute le président de l’UFS. « À titre d’exemple, cette année, il y a eu 17 arrêtés de restriction d’eau, donc 5 seulement ont intégré des dérogations pour les semences », explique-t-il.
Un cadre réglementaire encore manquant sur les NGT
Cette reconnaissance des semences comme secteur stratégique doit, d’ailleurs, dépasser le cadre français, compte-tenu des nombreux enjeux de la filière : souveraineté alimentaire, changement climatique, transition agroécologique... Pour y répondre, soutenir l’innovation s’avère indispensable, rappelle l’UFS, qui espère un vote de la réglementation NGT avant les prochaines élections européennes. « Investir aujourd’hui sur les NBT est un pari qu’on ne peut pas faire, alors que d’autres pays avancent sur la question », déplore ainsi Olivier Paul.
Si le vote de lundi n’a pas abouti à une majorité qualifiée, la France s’est positionnée en faveur du texte, et la présidence belge à venir devrait pousser pour faire adopter la réglementation, explique l’UFS, qui détaille ses propositions : des critères d’accès aux NGT1 (considérés comme des méthodes de sélection classique) et NGT2 (plus proches de la transgenèse) précis et opérationnels, un processus de vérification objectif et scientifique de l’accès à la catégorie 1, et une traçabilité de l’utilisation de ces techniques, via une mention au catalogue d’inscription des variétés, sans aller jusqu’au produit fini, indique Rémi Bastien, vice-président de l’UFS. L’acceptabilité sociétale de ces technologies reste en effet, aujourd’hui, une pierre d’achoppement.
Le sujet soulève également d’autres craintes, celle d’une appropriation du vivant. Une clarification apparaît ainsi nécessaire. « Aujourd’hui, dans le droit des brevets européens, la première protection c’est le certificat d’obtention végétale », explique Rémi Bastien. Un système que l’UFS soutient, notamment car il met en place l’exemption du sélectionneur. « Les NGT1 visent à faire de la création, de l’invention, donc il faut garder la possibilité de breveter les traits de NGT1 tout en les rendant accessibles », c’est-à-dire en autorisant l’utilisation de la variété par les sélectionneurs dans un processus de création de nouvelles variétés. « Il y a plus de 100 entreprises semencières en France, en majorité des PME et TPE, donc elles ont besoin d’accéder à ces techniques pour rester dans la course », précise Rachel Blumel, directrice de l’UFS.
Les semenciers restent confiants quant à la finalisation de cette réglementation. « On est obligés de rester optimistes car on est convaincus que la transition agroécologique passera par l’innovation », insiste le président de l’UFS.