
Mathieu Hingant, chef marché herbicides céréales de Bayer CropScience, annonce la fin de cinq ans d’expérimentations sur les pratiques de désherbage sur la plateforme de Mer dans le Loir-et-Cher. Elle a succédé à cinq autres années d’essais à Eaux-Puiseaux dans l’Yonne et précède une nouvelle plateforme de recherche en Seine-et-Marne qui démarre dès cette année.
« Nous faisons le constat, après toutes ces années, d’une complexification de la flore herbicide, d’une réduction des opérations de travail du sol, d'une précocification des semis et de la généralisation de rotations courtes de cultures d’hiver. La combinaison de tous ces facteurs favorise les infestations de mauvaises herbes. En parallèle, les observations confirment une moindre sensibilité des adventices aux produits de traitement et le développement de résistances. Les firmes phytosanitaires n’annoncent aucun nouveau mode d’action herbicide avant sept ou huit ans. Et la réglementation se durcit en matière d’homologation de produits, de politique environnementale, menant à des restrictions d’utilisation voire à des retraits de produits. En nombre de molécules herbicides disponibles sur blé, nous sommes au niveau de 1980. L'offre de produits est importante mais la diversité des modes d’action reste faible. »
Les pratiques au banc d'essai
Un contexte difficile donc qui justifie la démarche de Bayer en faveur d’une gestion responsable des herbicides céréales. L’objectif des différentes plateformes est de tester les pratiques. « A chacun ensuite de choisir l’un ou l’autre des leviers en fonction de son système. Il vaut mieux faire le point sur ses pratiques alors que les parcelles sont encore propres, histoire de les maintenir en bon état plutôt que de devoir éteindre le feu. Au Royaume-Uni, je considère qu’ils sont cinq à sept ans en avance sur nous. Ils sèment tôt, ont peu de possibilité d’allonger la rotation et peu recours au travail du sol. Le coût du désherbage atteint 150-200 euros à l’hectare. »
L’appli reconnaissance des mauvaises herbes évolue
Gram’ID, application mobile de reconnaissance des graminées, intègre un module vivaces. Bayer CropScience prévoit par ailleurs pour février 2014, le lancement d’une appli de reconnaissance des dicotylédones, Dicot’ID. Une quarantaine seront répertoriées.
Sur les parcelles de Mer, la flore était constituée principalement de vulpins dont certains résistants aux herbicides du groupe Hrac A. L’infestation pouvait atteindre 1.000 plantes au m². Puis sont apparus ray-grass, brome et vulpie.
Les solutions sont connues mais la plateforme a confirmé une fois encore leur intérêt. Le faux semis peut compenser l’absence de labour. Il est encore plus efficace combiné au décalage de la date de semis. L’introduction d’une culture de printemps est également une bonne solution pour casser le cycle des adventices. Le programme herbicide doit se raisonner à la rotation et l’alternance des modes d’action reste un principe de base sachant que changer de produit ne suffit pas. Il faut bâtir ses programmes parcelle par parcelle en alternant les modes d’action (Hrac). Enfin, une base automne rattrapée au printemps donne les meilleurs résultats d’efficacité. Détail des solutions et résultats de cinq années d'essais.
La plupart des semences d’adventices sont incapables de germer au-delà de 10 cm de profondeur. Un labour enfouit 90 % des graines se révélant ainsi très efficace sur les graminées (perte du pouvoir germinatif en 1-3 ans). Il remonte cependant 35 % des graines encore viables. C’est pourquoi il doit être pratiqué de façon intermittente, tous les 3-4 ans, en fonction du taux annuel de décroissance de la mauvaise herbe à éliminer. ◊ Impact du labour sur les levées de graminées de blé à l’échelle de la rotation : jusqu'à 65 % de réduction de graminées dans le blé.
Outils à disques indépendants, herse rotative ou rotavator
sont les outils les mieux adaptés. (©Bayer)
Le sol est travaillé pendant l’interculture comme un lit de semences, afin de favoriser la levée des mauvaises herbes à levée automnale présentes en surface. Les plantules sont ensuite détruites chimiquement ou mécaniquement, bien avant l’implantation de la culture.
Le travail du sol doit rester très superficiel (5 cm), en sol frais et humide, durant la période de germination des adventices afin de ne pas faire remonter d’autres graines en surface. La technique mérite d’être répétée, et est d’autant plus efficace si la date de semis est décalée de 10 à 15 jours. ◊ Impact du faux-semis sur les infestations en épis de vulpin à l’épiaison : jusqu’à 60 % de réduction de graminées dans le blé.
Les matériels adaptés au faux-semis : objectif émietter les 5 premiers centimètres du sol. (©Bayer)
Impact du travail du sol après quatre ans sur la plateforme de Mer :
Influence du travail du sol sur les infestations de vulpin (comptage témoins de 2007 à 2011). (©Bayer)
Le duo gagnant : faux-semis + labour
Le faux-semis comme le labour permettent chaque année de maintenir une pression adventice plus basse qu’avec un simple travail du sol conventionnel. Un labour une année sur trois (en 2008 et 2011), associé à un à deux faux-semis avant chaque blé, a permis de réduire de plus de 76 % les populations de graminées dans les témoins, de manière durable.
Introduire une culture de printemps
La présence d’adventices dans une parcelle témoigne de leurs exigences similaires à celle de la culture en place (lumière, eau, températures). Une succession de cultures d’hiver favorise la présence d’adventices à levées automnales et entretient leur cycle de développement. L’introduction d’une culture de printemps, en dehors de la période optimale de germination de l’adventice visée, est propice à la diminution du stock semencier, par perte de viabilité de ses graines. La culture de blé faisant suite à l’introduction du maïs se trouve « nettoyée » par comparaison à un précédent colza. Les rotations longues (+ de 3 ans) alternant cultures de printemps et d’hiver sont les meilleurs compromis. ◊ Impact : jusqu'à 52 % de graminées en moins dans le blé suivant un maïs.
Comparaison des infestations témoins dans deux systèmes de culture mis en place à Mer :
- une rotation blé-colza, en travail du sol conventionnel (marron)
- une rotation blé-colza avec introduction d'un maïs, avec faux-semis et labour (bleu)

Retarder les dates de semis des cultures d’hiver quand les conditions automnales le permettent fait que la levée de certaines adventices ne coïncide plus avec celle de la culture. ◊ Impact : réduction du nombre de ray-grass dans le blé de l’ordre de 65 à 75 %.
« Selon nos enquêtes, témoigne Mathieu Hingant, faute de temps, de matériel, l’agriculteur ne veut rien changer tant qu'il peut maîtriser chimiquement l'infestation. Certes, aucune stratégie n'est efficace et fiable à 100 %. Néanmoins, la combinaison d’au moins deux leviers agronomiques permet de maîtriser durablement les infestations en brome, vulpin et ray-grass, le tout étant de parvenir à maintenir un stock semencier faible à l’intérieur de la parcelle. »
Les successions culturales ont permis d’expérimenter différents types de stratégies herbicides et de juger de leur efficacité. L’utilisation de molécules des groupes F1 et K3 sur le blé a permis de contourner les résistances détectées sur la plateforme. Des produits utilisés à la pleine dose et le recours à d'autres modes d'action ont donné des niveaux d'efficacité supérieurs à 99 %, et ce quelle que soit l’année.
Programme = base automne + rattrapage en sortie d’hiver
Les programmes restent la meilleure solution surtout lorsqu’ils sont couplés au faux-semis. Les applications d’automne sans rattrapage de printemps sont moins satisfaisantes. Quant aux applications de printemps (mi-mars), elles souffrent des plus mauvais résultats. En effet, les adventices, plus développées, ont eu plus de temps pour concurrencer la culture, et elles deviennent difficiles à maîtriser.
Rendements des blés et efficacités de désherbage suivant les stratégies, de 2008 à 2013
De 3 à 13 q/ha de plus avec un programme, en comparaison aux autres stratégies de désherbage. (©Bayer)
Jusqu’à 350 €/ha de gain supplémentaire avec les programmes
bilan technico–économique favorable
* Charges liées au désherbage = charges de mécanisation (nombre de passages du pulvérisateur + réalisation de 2 faux-semis + labour tous les 3 ans) + charges opérationnelles liées au désherbage chimique. (©Bayer)
Dans le cas de fortes infestations de graminées, l’investissement couplé, herbicide et travail du sol, permet de préserver le rendement. Le maintien d’un stock semencier faible, suivi d’une destruction précoce des adventices en concurrence avec la culture assurent jusqu’à 20 q/ha de plus par rapport à un travail du sol conventionnel et un désherbage de sortie d’hiver. ◊ Impact : gain moyen de 400 €/ha en combinant agronomie et désherbage responsable.