L’importance des enjeux explique la politisation et la durée des débats qui ont été nécessaires à la préparation des politiques agricoles européenne et américaine. On a observé une polarisation politique aux Etats-Unis, notamment lors des débats sur l’ampleur de la réduction du budget alloué à l’aide alimentaire intérieure, et deux ans ont été nécessaires pour aboutir à ce nouveau Farm Bill.
Quatre ans pour la réforme de la Pac
Côté européen, les tiraillements politiques se situent plutôt dans les discussions entre les Etats membres et dans le processus de codécision qui implique davantage le Parlement européen dans l’adoption des textes finaux. Quatre ans de discussions ont été nécessaires pour aboutir à une nouvelle Pac.
La diversité des productions et des régions que doivent couvrir les politiques agricoles européenne et américaine est une difficulté commune. Aux Etats-Unis, les productions du Sud du pays (coton, arachide, riz) ont souvent des régimes et des préférences différentes des productions du Nord (maïs, soja, blé). La taille des exploitations laitières varie énormément entre chaque bassin de production (de 200 à 25.000 vaches laitières) et la politique doit être adaptée à tous les types d’élevage. Dans l’Union européenne, les bassins de production sont moins spécialisés mais les différences demeurent entre Etats membres en fonction de leur date d’adhésion à l’UE. Le clivage est plutôt est-ouest en termes de moyens de production et de pouvoir d’achat.
L’intégration de mesures environnementales est commune aux deux politiques, avec une orientation des dispositions du Farm Bill davantage en matière d’entretien dans les zones en production aux dépens du retrait des terres sous forme de jachère longue durée sur les zones fragiles, et une réduction de la prime d’assurance-récolte pour les producteurs appliquant de bonnes pratiques environnementales. Les dispositions environnementales de la Pac sont bien plus sophistiquées.
Enfin, l’acceptabilité sociétale des aides publiques a été soulignée par les deux intervenants. C’est une des raisons qui a conduit à privilégier le système assurantiel dans le dernier Farm Bill, mieux compris par les contribuables que les aides directes. Dans l’UE, la diversification des bénéficiaires et le verdissement contribuent à rendre plus acceptable les aides publiques versées aux producteurs.
SPECIFICITE DES OUTILS ACTIONNES PAR LE FARM BILL
En premier lieu, l’écrasante majorité du budget du Farm Bill (80 %) demeure consacrée à l’aide alimentaire intérieure, qui cible les plus démunis, et une population plus urbaine que rurale. Cette aide sociale a peu de points de comparaison en Europe. Alors que c’est sur cette question que les débats ont été les plus vifs au Congrès, la reprise économique que connaissent les Etats-Unis devrait permettre de réduire le budget consacré à cette aide alimentaire domestique.
Ensuite, le choix des outils assurantiels comme substituts aux aides directes du Farm Bill précédent.
La gamme d’outils est aujourd’hui très variée, selon les types de productions, avec des systèmes axés sur le revenu, le rendement, ou la marge. Cela n’est possible que grâce à une réassurance massive par le fédéral. Dans l’UE par contre, alors que les discussions sur cette thématique vont bon train depuis de nombreuses années, le frein essentiel est que la Commission européenne n’a pas les ressources nécessaires pour faire de la réassurance. De plus, il a été souligné qu’en Europe, la tendance consiste plus à se protéger sur les recettes que sur les dépenses. Par exemple, il n’existe pas de marché à terme des fertilisants, contrairement aux Etats-Unis.
Les outils assurantiels mis en place dans le nouveau Farm Bill seront notifiés à l’Omc comme appartenant à la boîte orange. Les outils les plus coûteux dans cette boîte côté américain sont les aides à la filière sucre, tandis que le nouveau système encadrant la production laitière permet de réduire la contribution de ce secteur à la boîte orange de manière significative. A noter le faible impact de l’Omc sur l’élaboration du Farm Bill, exception faite des aides aux producteurs de coton.
D’autres outils de compétitivité de l’agriculture (technologies et innovation en matière de génétique par exemple) et promotion des produits agricoles et agroalimentaires à l’exportation font traditionnellement l’objet de soutiens publics, renouvelés dans ce nouveau Farm Bill, et qui manquent parfois à la Pac.