C’est une visite en petit comité du salon international de l’élevage à laquelle s’est livré Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture ce 16 septembre 2014. A 8 heures, sa priorité était la rencontre les responsables professionnels et les acteurs économiques majeurs à l'échelon régional et national en cette période de rentrée pour les entendre et partager avec chacun d’eux, sur leur stand, leur volonté de moderniser les exploitations d’élevage après plus de 10 ans de sous-investissements. La mise en œuvre de la Pac et loi de modernisation de l’Agriculture ne faisaient pas partie de l'actualité. De toute façon, les jeux sont faits.
Mais ce n’est pas l’embargo décrété par la Russie qui doit arrêter l’élan qui se dessine depuis quelques mois. La demande mondiale est là. Les Philippines se portent candidates pour acheter des carcasses de bovins a assuré le ministre. Et la Chine sera pendant des années un grand importateur de viande porcine et de charcuterie.
Eviter l’effet de domino
L’embargo russe ne doit pas non plus masquer les faiblesses des filières animales ni alimenter les surenchères. Pas plus qu’il ne doit être une aubaine pour la grande distribution de durcir ses positions lors des prochaines négociations commerciales de 2015. Ou encore un prétexte pour « changer de disque » et renoncer aux marchés mondiaux, ce que défend la Confédération paysanne.
Il est temps selon Stéphane Le Foll, de conquérir de nouveaux marchés et de bâtir collectivement (avec tous les acteurs de l’amont à l’aval et non pas en ordre dispersé, comme à l’accoutumée) des stratégies pour promouvoir « le made in France ». Les exportateurs français de produits agroalimentaires doivent, selon lui, se regrouper et parler d’une seule voix, à leur client en leur présentant une gamme restreinte de produits. La diversité des productions agricoles n’est pas toujours bien comprise par les importateurs. C’est aussi en associant différents acteurs d’une même filière qu’il sera possible d’en envisager la restructuration. C’est la démarche poursuivie pour l’abatteur Gad ou pour Doux, a souligné Stéphane Le Foll. Ce dernier exemple montre qu’il est toujours possible d’exporter des volailles sans restitution et surtout de reconquérir le marché intérieur.
Mais pour Marcel Denieul, président du Space, les actes politiques d’achat des collectivités locales doivent enfin être en phase avec les discours des hommes politiques qui les dirigent. A ce jour plus de 80 % de la viande consommée est importée !
Enfin, pour s’opposer aux traders tentés de faire baisser à outrance le prix de la poudre de lait ou de beurre par exemple, la Fncl (coopératives) propose que la Commission relève les prix d’intervention des produits laitiers pendant quelques mois. Actuellement, ils sont équivalents à un prix du lait de 250 €/t !
Selon les responsables professionnels proches du syndicat majoritaire (Fnsea), la Commission a justement fait preuve d’une certaine réactivité en débloquant jusqu’à 590 millions d’euros en août pour financer différents programmes. Mais les nouveaux commissaires doivent comprendre que le coût de l’embargo ne doit pas être uniquement porté par le budget européen de l’Agriculture. Il relève du budget européen global.
Moderniser les élevages pour les rendre plus compétitifs et moins contraignants en charge de travail : l’objectif est partagé par Stéphane Le Foll et les responsables professionnels rencontrés, proches du syndicat majoritaire. Mais il reste à savoir si les uns et les autres sont vraiment en phase.
« Les carnets de commande des constructeurs de bâtiments et de matériels sont pleins. Il y a même des entreprises du génie civil qui se lancent dans le secteur de l’élevage », assure Marcel Denieul. Et les nouvelles acquisitions ne visent pas seulement à remplacer le matériel vieillissant. Elles s’inscrivent dans une démarché délibérée de moderniser les fermes pour les rendre plus compétitives mais aussi d’améliorer les conditions de travail. C’est du reste ce thème qui a été retenu cette année par la Chambre régionale d’agriculture de Bretagne pour le Space.
Fonds de modernisation
Stéphane Le Foll compte sur le Fond de modernisation de l’élevage financé par les 200 millions d’euros prélevés annuellement sur l’enveloppe du premier pilier et abondé par les régions et d’autres fonds publics. Ces crédits permettront de financer de vastes programmes d’investissement dans de nouveaux bâtiments, des salles de traite ou pour construire des méthaniseurs, en collectif de préférence. Mais pour les responsables professionnels, la modernisation doit s’inscrire dans la durée. Ce qui suppose un climat de confiance et des règles stables. Or si les leaders professionnels reconnaissent certains allègements, ils déplorent les nombreuses normes réglementaires disproportionnées encore en vigueur. Les inquiétudes portent, par exemple, que le cinquième programme d’action sur les nitrates. A l’obligation de l’obligation de moyens, il est temps d’instaurer l’obligation de résultats. Il faudrait aussi prendre davantage en compte l’azote total épandu sur les champs.
Le cinquième programme d’action « nitrates » devra reposer sur des expériences de terrain réussies pour réduire les taux de nitrates dans l’eau, sans recourir à des investissements contre-productifs et démotivants.
Autres entraves à l’investissement et à la compétitivité dénoncées une nouvelle fois : la création de péages transit poids lourds (en remplacement de l’écotaxe) et les délais de traitement des projets de construction de bâtiments ou de méthaniseur. Stéphane Le Foll serait justement partisan d’adopter une procédure de guichet unique et une réduction à un an du délai de traitement des dossiers administratifs.
Pour chacune des filières, Stéphane Le Foll a fait quelques annonces aux éleveurs même si elles ne leur paraissent pas suffisantes.
Il a ainsi déclaré qu’il étendrait la procédure de déclaration aux secteurs des volailles, et pour rendre la méthanisation rentable, il n’exclut pas une refonte de la fiscalité en vigueur (Tfnb, cfe). En production porcine, il a assuré qu’il ferait des annonces pour que la filière s’inscrive dans la voie de reconquête afin que la France produise 25 millions de porcs par an. La conjoncture des prix des céréales est du reste favorable pour relancer un programme de contractualisation avec les céréaliers.