Mise à disposition de foncier
Paiement d’un fermage par la société exploitante ?

Paiement d’un fermage par la société exploitante ?

Terres agricoles
Seul un associé peut mettre des terres à disposition. (©Terre-net Média)

Qu’il soit propriétaire ou fermier de biens ruraux (terres, bâtiments...) l’agriculteur, associé dans une société agricole, peut mettre ces biens à la disposition de celle-ci qui les mettra alors en valeur. Bien souvent, la société paiera la contrepartie financière de cette mise à disposition.

Code rural ou Code civil ?

Le Code rural prévoit que « toute mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l’article L. 311-1 est régie par les dispositions1 » des « Baux ruraux », communément appelées statut du fermage. C’est un statut d’ordre public, on ne peut y déroger.

Ce statut se compose de quatre critères cumulatifs :

  • une mise à disposition ;
  • à titre onéreux ;
  • d’un immeuble à usage agricole ;
  • en vue d’y exercer une activité agricole2.

Ce statut particulier n’est, cependant, pas toujours adapté à la situation de l’associé qui entend exploiter le foncier dont il est titulaire au sein d’une société. En effet, la mise à disposition de terres par un associé propriétaire pourrait faire que la société se trouve dans la situation d’un fermier et ainsi opposer un bail rural à son associé. Si les terres sont prises à bail, en revanche, le statut du fermage interdit à l’associé fermier toute sous-location3 et donc de faire exploiter les terres par la société.

C’est pourquoi le droit rural a institué un système qui permet à l’agriculteur, propriétaire ou fermier, de mettre à disposition d’une société agricole les biens ruraux dont il a la maîtrise sans pour autant relever du statut du fermage, mais à la condition de continuer de participer à l’exploitation. Cette mise à disposition relève à la fois du Code rural et du Code civil.

Dans ces situations particulières, la société n’acquiert aucun droit de jouissance sur le foncier qu’elle exploite par mise à disposition. A tout moment, l’associé, propriétaire ou fermier, peut retirer ses terres à la société. De ce fait, des situations de conflits peuvent apparaître entre les associés. C’est pourquoi, il est toujours préférable de passer une convention de mise à disposition qui impose certaines obligations réciproques à l’associé et à la société.

Liberté contractuelle

En la matière, il existe une très grande liberté contractuelle entre les parties. En effet, c’est le droit commun des contrats qui trouvera à s’appliquer dans ces situations et, à défaut, les règles supplétives du Code civil. Plus particulièrement, ce sera le droit des contrats de louagequi s’appliquera.

Aussi, il conviendra de s’accorder sur la durée, le montant de la contrepartie financière, les conditions dans lesquelles les améliorations seront traitées, les reprises des constructions, la fixation éventuelle d’une indemnité de fin de contrat… 

Conditions de la mise à disposition

Ces conditions varient selon que l’associé mettant à disposition est propriétaire ou simple fermier du foncier.

En tout état de cause, seul un associé peut mettre des terres à disposition. Il faut, de plus, que cet associé participe personnellement à l’exploitation du bien. Ainsi, seuls les associés ayant le statut d’exploitant pourront prétendre à une mise à disposition. Dans un Gaec, la question ne devrait pas se poser, tous les associés étant nécessairement exploitants. Il en va de même pour les associés exploitants d’Earl qui doivent participer effectivement aux travaux sur l’exploitation. La question peut, en revanche, être soulevée pour les associés d’autres formes sociétaires. Les tribunaux n’ont pas encore eu à se prononcer sur toutes les formes de sociétés. Cependant, il semble logique que la charge de la preuve de cette participation doive être rapportée par l’associé lui-même en cas de contentieux.

Paiement du fermage

Une fois la mise à disposition déterminée, il convient de régler les questions d’ordre financier.

Selon que l’associé est fermier ou propriétaire, il s’agira du paiement d’un fermage au sens du Code rural ou du paiement d’un loyer au sens du Code civil.

Si l’associé est propriétaire, la redevance payée, à titre de loyer fixe, en contrepartie de la mise à disposition, est un revenu imposable dans la catégorie des revenus fonciers. Aussi, l’associé devra ajouter, à son revenu imposable, la somme reçue de la société d’exploitation dans laquelle il détient des parts. Cette somme sera imposée au barème progressif de l’impôt sur le revenu mais échappera aux cotisations sociales. En contrepartie, la société d’exploitation pourra déduire de son bénéfice imposable les loyers qu’elle aura versés. Ceci réduira, d’autant, le résultat professionnel des associés.

Dans le cas où l’associé est fermier, il peut, bien entendu, continuer de payer directement son fermage. En effet, il s’agit, pour lui, d’une dette personnelle. Il peut, éventuellement, obtenir le remboursement de ce fermage par la société voire obtenir l’avance du fermage par celle-ci. Dans tous les cas, le montant payé par la société ne saurait excéder la valeur du fermage tel qu’il figure dans le bail rural, éventuellement corrigé des variations annuelles de l’indice national des fermages. Pour la société, ce paiement constituera, comme dans le cas d’un propriétaire exploitant, une charge fiscalement déductible du résultat de la société.

Il convient de préciser que le paiement d’un seul fermage par la société d’exploitation bénéficiaire de la mise à disposition n’est pas suffisant pour caractériser une cession interdite du droit au bail5.

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