Christophe Hamon, Breiz Europe : « La Pac est en train de se déliter »

Christophe Hamon, Breiz Europe : « La Pac est en train de se déliter »

Christophe Hamon
Christophe Hamon lors de l’assemblée générale de la Fdceta 2013.(©Christophe Hamon)

Breiz Europe et vous, c’est une longue histoire ?

Christophe Hamon : « C’est plutôt une longue histoire avec l’agriculture et l’économie agricole, Breiz n’étant qu’une longue passerelle certes ou un aboutissement. Je suis fils d’agriculteur dont l’exploitation a été reprise par mon  frère. J’ai gardé un lien direct avec le terrain.

Je suis technicien agricole (Bts) de formation avec une année en Fac d’économie. J’ai été formateur dans les stages des jeunes préalablement à l’installation (deux ans) puis technicien agricole en coopérative laitière (sept ans). J’ai réalisé deux missions de six et huit mois respectivement aux Pays-Bas et au Danemark (secteur lait, porc, légumes). C’est à Copenhague que l’histoire bretonne du Normand que je suis a débuté. En effet c’est ma première rencontre avec Alexis Gourvennec et mon intégration à Breiz Europe fin 1996.

C’est une démarche non programmée qui peut se résumer comme suit : après avoir subi le poids des décisions sur le terrain (mise en œuvre des quotas laitiers……), j’ai cherché à comprendre d’où elles venaient pour ensuite tenter d’influer sur les dites décisions.

L’avenir pourrait-il consister à participer aux décisions ? Je n’en suis pas sûr et ne le souhaite peut-être même pas car face aux décideurs et jeunes conseillers d’aujourd’hui qui savent tout et veulent tout faire, même s’ils n’y comprennent rien, la montagne semble trop haute à gravir.

Lobbyiste, c’est un gros mot ?

Lobbying et lobbyiste n’ont pas de traduction en français si ce n’est peut-être « pouvoir d’influence » avec toutes les connotations qui vont avec : bonnes et/ou surtout mauvaises.

Quoi qu’il en soit, tout le monde fait du lobbying, y compris en France, et ce depuis la commune jusqu’à l’Assemblée Nationale en passant par le département et la région. Le tout couplé avec un communiqué de presse. Paris étant le centre du monde, l’action s’arrête souvent à l’intérieur du boulevard périphérique !

Après, sur la scène européenne, le Français remet sa confiance dans ses ministres et/ou ses parlementaires : c’est un peu le lobbying de l’ancienne école. Cela consiste concrètement à donner un semblant de pouvoir accru aux ministres et/ou députés. Ils adorent ça, mais un ministre parmi les 27 autour de la table au niveau du Conseil et 74 députés sur 751 au niveau du Parlement Européen, ceci ne représente au final qu’un pouvoir de plus en plus limité au fil du temps. Or, qu’on le veuille ou non, l’Europe et l’esprit européen avancent un peu plus quotidiennement.

Ainsi, on connait la chanson depuis des années et des années, lorsqu’ils reviennent sur Paris : si l’Europe a décidé comme la France l’a souhaité, « c’est grâce à la France » et dans le cas contraire, soit on remet en cause l’Union Européenne dans son ensemble ou sa technocratie, soit on pleure sur les intérêts du bon peuple sacrifié sur l’autel du libéralisme….

Qui sont les réels décideurs à Bruxelles ?

Suite au traité de Lisbonne, exception faite du budget, ce sont effectivement le Conseil des ministres et le Parlement qui décide conjointement à Bruxelles : la « codécision » est devenue la procédure législative ordinaire.

Cette procédure de décision demande beaucoup de temps : grosso-modo entre 12 et  24 mois. Cela signifie que le nombre de décisions pouvant être prises dans une année est limité et par conséquent le champ de compétence de ces décisions sera nécessairement moins précis et développé qu’auparavant : d’où les grands débats du moment sur les procédures dites des « actes délégués » et/ou des « actes d’exécution ».

Par ces actes, Parlementaires européens et ministres (Conseil) donnent compétence à la Commission sur la mise en œuvre des décisions prises. Mais aujourd’hui le principe même de ces actes est remis en cause par les ministres et le Parlement européen car la Commission serait trop influente et/ou trahirait l’esprit des décisions prises : preuve en est que l’Europe avance.

Par l’introduction de la codécision, synonyme de plus de démocratie, les politiques se prennent les pieds dans le tapis en donnant finalement plus de pouvoir indirect à la Commission. 

Quelle est l’importance de la Pac à Bruxelles ?

La Pac, première politique européenne après le charbon et l’acier, reste une politique européenne importante bien que relayée au deuxième rang en termes budgétaire : la « cohésion » ou « politique structurelle » est devenue la première politique européenne.

La politique agricole est scindée en deux avec d’un côté les mesures de marché et de l’autre la politique de développement rural.

Cette dernière qui tente de monter en puissance au fil des réformes (soit depuis 15 ans) est beaucoup plus proche de la politique de cohésion que de la politique agricole et risque de le devenir encore plus avec la compétence donnée dans la gestion aux pouvoir régionaux.

Reste donc pour la Pac les mesures de marché dont la très large majorité est happée par des aides directes découplées qui doivent avoir vocation à converger dans le temps. Si l’agriculture et la profession n’y prennent garde, la Pac, qui, par ces réformes successives, est en train de se déliter, va finir complètement en eau de boudin !

Bien sûr nous ne le souhaitons pas et nous œuvrons au quotidien pour l’éviter ; mais ce n’est pas en ressassant le passé qu’on y parviendra !  »

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