« Les Cours d’appel ne se laissent plus avoir avec le syndrome Parmentier »

Certains héritiers bailleurs se font solliciter par des agriculteurs souhaitant agrandir leur exploitation, quitte à contourner les règles du contrôle des structures et à faire fi de celles régissant les baux ruraux. (©Terre-net Média)
Certains héritiers bailleurs se font solliciter par des agriculteurs souhaitant agrandir leur exploitation, quitte à contourner les règles du contrôle des structures et à faire fi de celles régissant les baux ruraux. (©Terre-net Média)

bail rural
Certains héritiers bailleurs se font solliciter par des agriculteurs souhaitant agrandir leur exploitation, quitte à contourner les règles du contrôle des structures et à faire fi de celles régissant les baux ruraux. (©Terre-net Média)

Dans le Nord de la France, de nombreux enfants d’agriculteurs héritent de terres louées à des fermiers. Ils sont alors sollicités par des exploitants agricoles peu scrupuleux qui souhaitent exploiter de nouvelles terres moyennant une rémunération des plus confortables. Les héritiers détournent alors en toute connaissance de cause les règles en matière de contrôle des structures et procèdent en deux étapes. Ils délivrent d’abord un congé aux fins de reprise des terres pour les exploiter eux-mêmes. Ils deviennent alors agriculteurs ou double-actifs. Quelques temps après, ils se tournent vers une entraide totale avec l’agriculteur complice.

Cette pratique est surnommée « syndrome Parmentier » car fréquente sur les terres à pommes de terres du quart Nord de la France.

Le preneur évincé, en toute logique, conteste alors le congé devant le tribunal paritaire des baux ruraux. Le motif du congé et les conditions de fond devant être remplies par le bénéficiaire de la reprise, régi par l’article L 411-59 du Code rural, ne sont en effet plus respectés.

En pratique, il est particulièrement rare que le débat porte sur la détention du matériel du bailleur et la volonté de ce dernier d’exploiter personnellement les parcelles reprises. La plupart des avocats ne souhaitent pas exiger une expertise judiciaire pour déterminer en amont la réalité des moyens matériels de l’exploitation de l’héritier. C’est une erreur stratégique.

Aujourd’hui, les juges professionnels du second degré de juridiction soit la Cour d’appel ne se laissent pas abuser par des artifices aussi grossiers initiés par les héritiers indélicats à l’égard du locataire qu’ils tentent d’évincer. Un récent arrêt de la Cour d’appel de Douai le montre.

Bailleurs indélicats, agriculteurs complices

Par un arrêt en date du 17 mars 2016, la troisième chambre civile de la Cour d’appel de Douai a ainsi infirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance d’Arras en date du 8 septembre 2014 pour assurer la protection des intérêts du fermier en place.

Le 28 novembre 1988, un bail rural d’une durée de neuf ans a été établi par acte notarié. Il a été renouvelé par tacite reconduction. La femme de l’ancien agriculteur décédé ayant la qualité d’usufruitère et son fils nu-propriétaire ont fait délivrer un congé rural le 26 mars 2013 au fermier pour reprise des terres au profit du fils. Ce fils a décidé de mettre en œuvre la stratégie exposée ci-dessus qui a été appliquée par ses soins auparavant à de très nombreuses reprises dans le terroir du Nord de la Somme. Il n’a rencontré  qu’un contentieux résiduel. En effet, tous les jugements rendus lui ont été favorables. En revanche, il est de notoriété publique que c’est un agriculteur complice qui exploite au lieu et place du fils toutes les parcelles agricoles reprises.

Les premiers juges donnent raison aux bailleurs et valident le congé reprise. Mais le locataire évincé ne capitule pas pour autant.

En appel, le fermier décide de modifier son argumentaire. Il fait établir deux  procès - verbaux de constat d’huissier de justice qui démontrent l’utilisation, sur les parcelles déjà reprises du fils du bailleur défunt, de matériels agricoles qui ne se retrouvent pas dans sa comptabilité et notamment un pulvérisateur Artec type F 40. Le bailleur est par ailleurs incapable de produire des pièces comptables justifiant les prêts de matériels agricoles. En revanche, le fils du bailleur défunt produit des factures établissant qu’il fait exécuter la quasi-totalité des travaux agricoles par des agriculteurs tiers.

Les juges professionnels de la Cour d’appel de Douai ont alors procédé à une analyse approfondie de la comptabilité du fils du bailleur défunt et des conditions d’exploitation particulières. Ils ont mis à jour le profil de pur rentier du nu-propriétaire et indirectement la complicité d’agriculteurs indélicats.

Que retenir de cette décision ?

Il appartient au fils du bailleur défunt qui veut reprendre l’exploitation des terres familiales d’apporter la preuve qu’il remplit effectivement les conditions prévues par l’article L 411-59 du code rural.

De très nombreux tribunaux paritaires se laissent abuser par la communication de pièces comptables incomplètes ou se rapportant à des exercices comptables antérieurs à celui de délivrance du congé aux fins de reprise. Il faut vérifier impérativement l’intégralité des travaux agricoles effectués par le fils du bailleur défunt sur le parcellaire déjà repris et la cohérence avec la comptabilité du nu-propriétaire repreneur.

Enfin, le site de petites annonces « leboncoin.fr » est une mine de renseignements ! Dans la présente affaire, sa consultation a permis de démontrer l’existence d’annonces de ventes de matériels agricoles mises en ligne par le fils du bailleur défunt.

Inscription à notre newsletter

NEWSLETTERS

Newsletters

Soyez informé de toute l'actualité de votre secteur en vous inscrivant gratuitement à nos newsletters

MATÉRIELS D'OCCASIONS

Terre-net Occasions

Plusieurs milliers d'annonces de matériels agricoles d'occasion

OFFRES D'EMPLOIS

Jobagri

Trouvez un emploi, recrutez, formez vous : retrouvez toutes les offres de la filière agricole

Réagir à cet article