Une descente d'air polaire instable positionnée entre les îles britanniques et le nord de l'Europe provoque des précipitations, sous forme de giboulées et de neige dans certains secteurs. Une grande partie de l’Europe du Nord est touchée, avec des maximales qui dépassent rarement les 10°C. Cet air polaire alimente un système dépressionnaire présent de la Scandinavie au Maghreb en passant par la France et fait ainsi barrage à l’anticyclone des Açores.
Tous les facteurs sont réunis pour la persistance d’un temps frais, digne d’une fin mars. Les régions les plus exposées se situent de la Normandie au Bassin Parisien, ainsi que sur une grande moitié Nord et Est.
Deux types de gelées
Cette situation météorologique est propice à l’apparition de gelées qui peuvent être de deux types : les gelées « blanches » et les gelées par advection d’une masse d’air froid.
Les gelées « blanches » sont typiques du printemps et le plus souvent associées à une perte par rayonnement et à l’absence de vent, et assez localisées. Malgré l’impression de glace, les températures ne chutent pas fortement en dessous de 0°C, et l’atmosphère se réchauffe très vite au lever du soleil (figure 1). Les différences d’exposition peuvent induire de grosses variations entre parcelles ou au sein des parcelles.
Les gelées par advection d’une masse d’air froid apparaissent plutôt en plein hiver et, du fait du repos végétatif des plantes, provoquent peu de dégâts, sauf si les températures sont très négatives et que la couverture neigeuse fait défaut. La chute de température est en général plus lente mais plus durable. Les effets de fonds de vallée, ou de « coulée » d’air froid peuvent être plus marqués avec ce phénomène.
Dans tous les cas, la température au sol est sensiblement inférieure à celle relevée sous abri.
La fertilité des épis se joue maintenant
Actuellement, les céréales d’hiver sont en milieu ou fin de montaison ; elles ont donc perdu une partie de l’avance qui était observée fin février. Cela veut dire qu’elles sont dans une phase de grande sensibilité aux accidents climatiques, car c’est notamment en ce moment que se finalise la densité d'épis (en fonction de l’intensité de la régression de talle) et la fertilité des épis (Photo 1).
Une période sensible aux températures fraîches
Les températures fraîches ou froides présentes depuis plus d’une semaine peuvent entraîner des accidents physiologiques de deux types :
- Pendant la montaison, des températures négatives peuvent provoquer des dégâts via la formation de cristaux de glace dans les tissus fragiles de l’épi en cours de formation (photo 2, droite). La température de - 1.8°C est mentionnée dans la littérature comme seuil de dégâts, alors que les feuilles peuvent résister à des températures de - 4 à - 8°C (Reynolds et al, 2001)
- A la méiose pollinique (déterminable approximativement au champ comme le moment où le sommet de l’épi atteint la ligule de la F2 définitive, soit quelques jours après le stade « dernière feuille étalée »), des conditions climatiques défavorables (très faible rayonnement, basses températures, hydromorphie ou sécheresse très forte) peuvent altérer définitivement la fertilité du pollen.
En dehors d’une violente gelée (qui engendrerait des dégâts sur feuilles et la perte de tiges), les conséquences de ces accidents ne seront pas visibles avant l’épiaison (cas d’un gel) ou la floraison (cas d’une stérilité à la méiose).
Toutes les situations ne sont pas au même niveau de risque
Actuellement, au nord de la Loire, le stade de la méiose pollinique n’est pas atteint sur blé sauf variété anormalement précoce, et les températures fraîches ne vont pas induire de développement rapide dans les jours à venir. En orge d’hiver par contre, le stade méiose a été potentiellement atteint cette semaine. C’est dans ces situations qu’une forte chute de températures pourrait engendrer des dégâts aux épis.
Plus au sud, les stades sont plus avancés, et la méiose est proche voire dépassée ; dans ces situations, si les conditions évoquées plus haut apparaissent, les cultures présenteront des risques. Néanmoins, il semblerait que le flux de nord actuel (températures froides, forte nébulosité et précipitations) épargne la moitié sud du pays.