Les prix agricoles ont de nouveau perdu 2,4 % en moyenne en 2015, après le repli de 5,3 % en 2014, tandis que les prix en rayon ont gagné 0,5 %. Dans un tel contexte, « personne ne s'en met plein les poches » assure Philippe Chalmin, même si « sur une longue période, le gagnant est le consommateur ». En revanche, « pour tous les produits carnés, le lait et les céréales, la majorité des prix agricoles ne couvrent pas la réalité des coûts de production ».
Faute de données à jour sur les marges de la grande distribution (elles datent de 2014) et celles de l'industrie (qui remontent à 2013), « techniquement impossibles » à réunir rapidement, il est « difficile de dire à qui profite le crime », a insisté l'économiste. Même s'il « imagine implicitement » que les marges ont pu se « reconstituer » en aval des productions agricoles, soit bien après la sortie du champ.
Le lait, la viande et les céréales en difficulté
Le rapport, le cinquième de cet observatoire indépendant depuis 2010 qui présente « un état des lieux sur 2015 » des marchés fait apparaître des filières structurellement déficitaires, comme la viande bovine, et d'autres, plus conjoncturelles comme le lait ou les céréales. Ainsi, le lait a encaissé un plongeon de 15 % du prix au producteur, mais n'a baissé que de 1 % en rayon. Il a toutefois manqué 10 centimes par litre au producteur pour assurer sa rémunération (estimée à 1,5 Smic).
Dans les produits carnés, la baisse des prix à la production a atteint de 1,4 % à plus de 7 % : en bovin-viande, l'observatoire estime qu'il a manqué 19 euros pour 100 kg d'animal pour rémunérer le travail de l'éleveur. Pour les engraisseurs, ce manque à gagner s'établit en moyenne à 47 euros pour 100 kg (4,7 centimes/kg).
Dans le secteur porcin, il a manqué 8 centimes par kilo de carcasse, payé en moyenne 1,40 euro au producteur.
Seuls les fruits et légumes connaissent un mieux comparé à 2014, avec un prix moyen à l'expédition en hausse de 10,6 % pour le panier de fruits et de 7,7 % pour celui des légumes. La baisse s'observe par ailleurs sur les produits issus de l'industrie alimentaire note le rapport, « à nouveau de 2 % » en 2015, à la seule exception des pâtes alimentaires.
Philippe Chalmin relève que l'agriculture européenne est sous le choc d'une « véritable révolution culturelle » avec la disparition quasi totale des mécanismes d'encadrement des marchés : « désormais, les prix agricoles sont en prise directe avec les marchés mondiaux », le blé à Chicago ou le lait en Nouvelle-Zélande.