[Vidéo] Le débat sur la gouvernance des grands groupes coopératifs agricoles
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À l’initiative de Pierre Louault, sénateur du groupe Union centriste, le Sénat organisait un débat, mardi 15 janvier 2019 sur la gouvernance des grands groupes coopératifs agricoles. Un débat en réponse à l’inquiétude partagée par de plus en plus de personnes sur le fonctionnement et l’avenir du modèle coopératif français. Présente sur tout le territoire national et représentant un important tissu de petites et moyennes structures (2 400 entreprises) avec 13 groupes de taille internationale, la coopération agricole compte 190 000 salariés et réalise 85 Mds€ de chiffre d’affaires cumulé, soit 40 % de l’agro-alimentaire français.
Pour Pierre Louault, « ce modèle est menacé par certaines pratiques et certaines évolutions qui ont notamment cours dans les plus grands groupes ». Selon les chiffres issus du grand débat coopératif de décembre 2018, un tiers des coopérateurs estiment que leur voix n’est pas assez entendue. Le sénateur a notamment souligné le fossé grandissant entre la base des adhérents et les gouvernants, dirigeants comme élus au conseil. Il a également pointé du doigt les limites des politiques d’internationalisation : la valeur revient-elle vers les adhérents et les risques sont-ils bien maîtrisés ?
Une crise de la gouvernance
Tous les intervenants au débat ont pointé du doigt une crise de la gouvernance des coopératives agricoles. Crise de croissance pour certains, dérives individuelles ou collectives pour d’autres. Les conséquences se font sentir dans certaines coopératives : oubli des valeurs de base avec des agriculteurs qui risquent de perdre la main. Il s’ensuit un éloignement progressif de l’adhérent, un lien distendu et une gouvernance monopolisée par une équipe réduite. « si c’est toujours un homme égal une voix, certaines voix pèsent plus que d’autres », estime le sénateur Henri Cabanel.
Mais que fait le HCCA ?
et entrepreneuriat à la Kedge Business School à Bordeaux (©X. Hollandts)
Au mieux facilitateur, le HCCA n’est pas en mesure, pour l’instant, de discipliner les coopératives qui connaîtraient des dérives. Plusieurs sénateurs ont appelé à un renforcement de ses moyens, de ses capacités d’investigation, d’encadrement voire de sanction. Certains ont évoqué la possibilité de la rédaction d’une charte de gouvernance des grands groupes coopératifs et d’un renforcement du rôle et des moyens du médiateur de la coopération, insuffisamment sollicité ou visible. Le HCCA doit également retrouver une sérénité nécessaire à son action (conflit d’intérêts manifeste, défaut de vigilance). « Ne faut-il pas se doter d’un gendarme de la coopération agricole ayant de véritables moyens et un réel pouvoir dissuasif et de sanction ? » s’interroge le sénateur Dubois.
Le cas Tereos cristallise le débat
La situation traversée par le groupe coopératif Tereos inquiète aussi les élus qui soulignent les erreurs stratégiques, la crise de croissance ou encore les dérives de la gouvernance. Cette crise constitue sans nul doute un exemple voire un cas d’école qui illustre la nécessité de réformer en profondeur certaines pratiques de gouvernance des plus grandes coopératives. Cela impose également de définir des pratiques via des guides, chartes ou autres documents définissant les comportements et bonnes pratiques de gouvernance. Pour Cécile Cukierman, « l’affaire Tereos est révélatrice d’une crise de gouvernance qui peut amener à une défiance généralisée sur les coopératives ».
Des pistes de travail novatrices
De façon consensuelle, plusieurs pistes se dégagent. Tous les acteurs concernés s’accordent pour reconnaître la nécessité de mieux former les coopérateurs et leurs élus. Une piste qui n’apparaît pas forcément originale car la profession s’est dotée depuis longtemps de dispositifs et de structures de formation afin de faire monter en compétence les administrateurs.
gouvernance des entreprises - Titulaire de la
Chaire Alter-Gouvernance, Université Clermont-Auvergne.
(©B. Valiorgue)
Un ministre de l’agriculture en mode « pilotage automatique »
Pour Didier Guillaume, le système coopératif fonctionne bien et le cas Tereos n’est pas l’arbre qui cache la forêt. Il souligne la nécessité de ne pas faire d’amalgames et de ne pas jeter un peu trop facilement l’opprobre sur des structures économiques qui sont essentielles à l’agriculture française.
Le ministre a également évoqué différentes réunions et sa volonté de rédiger l’ordonnance en toute concertation avec les acteurs concernés. Il indique que le cadre fixé permettra plus de transparence et de régulation aux bénéfices des coopérateurs. Il évoque également le positionnement du HCCA qui devra conseiller, vérifier et éventuellement sanctionner certaines dérives en matière de gouvernance des coopératives. Il revient sur le renforcement de la révision coopérative avec la possibilité de contrôle ad hoc et de sanctions en cas de non-conformité (courrier d’avertissement, convocation d’une assemblée générale de la coopérative voire la saisine du tribunal pour la mise en conformité).
Ne plus revivre les situations de conflits d’intérêts mises en lumière par le dossier Tereos.
Enfin le HCCA va se doter d’une charte éthique auprès de ses membres afin de ne plus revivre les situations de conflits d’intérêts mises en lumière par le dossier Tereos.
Il ressort à l’issue de la prise de parole du ministre une volonté de réformer a minima le droit rural dont dépendent les coopératives afin de ne pas les déstabiliser dans un contexte marqué par la concurrence et la dérégulation. On comprend également qu’il reviendra au nouveau HCCA de définir les principes et de s’assurer de la mise en œuvre des bonnes pratiques de gouvernance. Reste désormais à connaitre les moyens et les ressources qui seront alloués à ce nouveau HCCA pour qu’il puisse effectivement mener à bien sa mission de contrôle et de régulation.