L'élection pour déterminer le nom de la personne qui succédera pour quatre ans au Brésilien José Graziano da Silva se tiendra au siège de l'organisation à Rome durant la 41e conférence de la FAO qui réunit 194 pays membres. Alors que la faim dans le monde est repartie à la hausse depuis trois ans sous l'effet conjugué du réchauffement climatique et des conflits, notamment en Afrique et au Moyen-Orient, la tâche du futur dirigeant sera plus que jamais d'encourager l'agriculture et la pêche, dans le but de nourrir de façon durable la population mondiale qui devrait grimper à 9,7 milliards de personnes en 2050 contre 7,7 milliards aujourd'hui, selon l'Onu. La compétition a pris un tour particulièrement serré après le retrait le 14 juin du candidat indien Ramesh Chand, qui a suivi celui du Camerounais, Médi Moungui, le 21 mars.
Si la FAO est critiquée « depuis des années », pour ses résultats et son management, l'alimentation et l'agriculture sont des sujets « qui recouvrent de forts enjeux pour les pays avancés comme pour ceux en développement : sécurité alimentaire, développement agricole, mais aussi agro-business, commerce, biotechnologies, ou encore de façon croissante climat et environnement », souligne à l'AFP Manuel Lafont Rapnouil, du Conseil européen des relations internationales (ECFR). Les trois candidats sont extrêmement au fait de la carte alimentaire mondiale. Pékin a présenté la candidature de son vice-ministre de l'agriculture, Qu Dongyu, 55 ans, qui fait figure de favori, aux côtés de la candidate française, pour de nombreux analystes.
« Je connais la faim personnellement »,
a affirmé le candidat géorgien
La Chine « a fait le forcing pour obtenir plus de postes à responsabilité » au sein des agences de l'Onu au cours des dernières années, souligne à l'AFP Richard Gowan, analyste au CrisisGroup, un centre d'analyse non gouvernemental sur les affaires internationales, basé à Bruxelles. Pékin, aux prises avec une terrible épidémie de peste porcine qui décime son cheptel, et une guerre commerciale avec Washington qui oblige le pays à se ravitailler ailleurs en céréales et soja, a placé l'alimentation au sommet de ses priorités, comme l'a rappelé le gouvernement chinois dans sa lettre de candidature, dont l'AFP a obtenu copie. Le candidat chinois, biologiste de formation, a travaillé pendant 30 ans dans le secteur agricole et alimentaire, le développement des technologies numériques dans l'agriculture, et en zone rurale, où il a aussi introduit le micro-crédit.
Pour éradiquer la faim, le candidat georgien, Davit Kirvalidze, ancien ministre de l'agriculture dans son pays de 2000 à 2004, met surtout en avant le « rôle du secteur privé afin de « produire plus et mieux », a-t-il dit à l'AFP lors d'un entretien téléphonique. M. Kirvalidze fait valoir que les petits agriculteurs familiaux doivent avoir « accès au marché », et estime que la FAO doit agir comme un « agent » du changement pour lancer des politiques de partenariat « public-privé » afin d'y parvenir rapidement. « Je connais la faim personnellement, et c'est ce qui m'a amené à l'agriculture », a-t-il dit lors de son audition devant la FAO en encourageant « la lutte contre le gaspillage alimentaire », les « investissements dans les communautés rurales » et la « numérisation » de l'agriculture. Il a aussi insisté sur le besoin « d'honnêteté et de transparence » et souligné que s'il est élu, son mandat sera marqué par « une transparence jamais atteinte » dans le fonctionnement de l'organisation.
La candidate française à la direction de la FAO Catherine Geslain-Lanéelle, ancienne dirigeante de l'Agence européenne de sécurité alimentaire Efsa a aussi passé toute sa carrière dans les secteurs agricole et agroalimentaire au plus haut niveau en France. Soutenue par les 27 autres pays de l'Union européenne, elle souhaite proposer « des solutions intégrées » aux gouvernements pour mener leurs politiques agricoles et alimentaires. Elle souhaite que l'agence aide à « produire plus et mieux », à « réduire le gaspillage », « développer les chaînes de valeur autour de l'agriculture, de la pêche et de la forêt », c'est-à-dire le stockage, la transformation et la distribution des aliments, notamment dans les pays en voie de développement, afin de « développer les emplois », notamment pour les jeunes, dans les milieux ruraux.