« Cette offre associe, aux côtés d'Avril, le fonds d'investissement Sociétés de Projets industriels (SPI), géré par Bpifrance pour le compte de l'Etat » et a été construite « grâce au soutien de la région Hauts-de-France et d'Amiens Métropole », précise Avril dans un communiqué.
L'offre du géant français des huiles déposée auprès des administrateurs judiciaires vise « l'activité de l'usine d'Amiens », qui compte 280 salariés, « des activités R&D indispensables à son exploitation (dont certaines situées à Saint-Beauzire, Puy-de-Dôme), ainsi que les activités commerciales localisées à Paris ».
« C'est une étape déterminante dans le sauvetage de l'entreprise », se félicite le ministre délégué à l'Industrie, Roland Lescure, qui s'est rendu sur place lundi après-midi. « C'est l'équipe de France de l'industrie qui gagne » avec « un grand groupe français de l'industrie agroalimentaire qui reprend une très belle usine », s'est-il félicit
.« Le travail continue pour lever l'ensemble des conditions suspensives d'ici l'audience définitive devant le tribunal de commerce » de Paris, qui doit avoir lieu le 1er juillet, conditions qu'Avril n'a pas détaillées.
Si elle est validée, la reprise de l'usine par Avril doit intervenir au plus tard fin juillet, indique à l'AFP Rudolph Hidalgo, directeur général adjoint de MetEx, qui se réjouit d'avancées « très positives, qui ouvrent des perspectives », après avoir cru un temps qu'aucune solution ne serait offerte aux salariés.
« Victoire pour la planète »
Le groupe, connu pour ses marques d'huile Lesieur et Puget mais aussi présent dans les agrocarburants et l'alimentation des animaux d'élevage, indique porter un projet industriel qui « répond pleinement à l'enjeu de décarbonation et de souveraineté française et européenne des filières de production animales ».
L'usine d'Amiens est le seul site à produire en Europe de la lysine, un acide aminé essentiel de l'aliment des animaux d'élevage. « L'incorporation de lysine dans l'alimentation du bétail permet de réduire le recours au soja importé au profit de protéines végétales locales (colza, tournesol...) », souligne le groupe.
Pour François Ruffin, député LFI de la Somme, c'est « une victoire pour les salariés et pour la Picardie, mais aussi pour la France et pour la planète », la lysine produite par MetEx émettant selon les syndicats cinq fois moins de carbone que la lysine chinoise.
L'importance de ce produit avait poussé plusieurs têtes de liste de gauche aux européennes − Manon Aubry pour les Insoumis, Marie Toussaint pour Les Ecologistes et Léon Deffontaines pour le Parti communiste − à se réunir devant l'usine fin mars.
« Avril témoigne une nouvelle fois de son engagement en faveur des filières animales et végétales. Nous sommes confiants dans la qualité de notre offre et dans notre capacité collective, avec les autres acteurs engagés, à lever les conditions suspensives », a déclaré son directeur général, Jean-Philippe Puig, cité dans le communiqué.
Envol des matières premières et dumping chinois
MetEx avait demandé le 16 mai son placement en redressement judiciaire.
L'usine est confrontée depuis plusieurs mois à un environnement économique difficile, ses coûts de production ayant bondi en raison de l'envol des prix des matières premières, notamment le sucre qui représente 50 % du coût de production de la lysine.
L'entreprise dénonçait également un « dumping » des producteurs chinois de cet acide aminé. Fin mars, Manon Aubry, Marie Toussaint et Léon Deffontaines avaient appelé à des mesures nationales contre cette hausse du prix du sucre, et à une action européenne contre le « dumping » pratiqué par la Chine.
Ces prises de parole ayant mené à l'ouverture d'une enquête par la Commission européenne. « On espère qu'elle va aboutir à des sanctions, des mesures », prévient Karine Leclerc, déléguée syndicale FO de l'usine amiénoise.
« Maintenant, ce qu'il faut, c'est du protectionnisme », souligne François Ruffin. « Sans protectionnisme, l'usine n'aura pas de viabilité ». La tête de liste LFI aux élections européennes, Manon Aubry, espère que cette victoire présage « d'autres à venir pour relocaliser notre production contre le libre-échange », a-t-elle écrit sur X.
L'offre de reprise étudiée lundi après-midi par le tribunal de commerce de Paris prévoit de maintenir 10 emplois sur 46 au sein de l'autre usine de MetEx, à Carling (Moselle). La décision est attendue pour le 25 juin. Ce qui laisse, à l'échelle du groupe, « une petite centaine de salariés sans solution », reconnaît Rudolph Hidalgo.
Le groupe Avril, qui a réalisé en 2023 un chiffre d'affaires de 7,9 milliards d'euros, est présent dans 19 pays avec près de 7.500 collaborateurs. Il est présidé par le l'agriculteur Arnaud Rousseau, qui a pris en 2023 la tête du syndicat agricole majoritaire FNSEA.