« On se rend compte que l’on a évité le pire », a expliqué Philippe Heusele, secrétaire général de l’AGPB, en présentant les dernières estimations de rendement le 8 septembre. Avec 71,6 q/ha, le blé tendre reculerait seulement de 1,4 % par rapport à la moyenne quinquennale, ce qui ne doit pas éclipser une très grande hétérogénéité entre les territoires, particulièrement dans les zones intermédiaires. Le rendement est satisfaisant en orge d’hiver (69,0 q/ha) et en orge de printemps (61,3 q/ha). En revanche, le blé dur a été plus impacté, avec un rendement de 50,7 q/ha, inférieur de 8,5 % à la moyenne quinquennale.
Au niveau qualitatif, « on a un panel de qualités qui devrait répondre à l’ensemble des débouchés » pour le blé tendre, ajoute Philippe Heusele, avec des blés secs, des bons poids spécifiques, mais des taux de protéines qui ne sont pas toujours au rendez-vous. « Le prix et la disponibilité de l’azote, qui était déjà une question au printemps, a peut-être conduit certains agriculteurs à lever le pied sur les apports en fin de cycle », indique le secrétaire général de l’AGPB.
La réforme de l’assurance, pas à la hauteur ?
Néanmoins, les aléas climatiques se sont succédés ces dernières années, et risquent de se répéter plus fréquemment à l’avenir. Pour renforcer la capacité des agriculteurs à faire face aux chocs, l’AGPB place beaucoup d’espoirs dans la réforme de l’assurance récolte, mais s’inquiète de la tournure des dernières discussions.
Aujourd’hui, le gouvernement ne semble pas disposé à abaisser le seuil de déclenchement à 20 % et à porter le taux de subvention à 70 %, comme autorisé dans le règlement européen Omnibus. Si cela constituerait possiblement un coût supplémentaire, ces paramètres seraient « encourageants pour pousser les agriculteurs à s’assurer, ce qui est vertueux aussi pour les finances de l’État », souligne Éric Thirouin, président de l'AGPB. « On attend que l’enveloppe dans la loi de finances soit à la hauteur des annonces. Sinon, l’échec sera grave pour le monde agricole pour plusieurs années », ajoute-t-il.
Forte inquiétude sur le prix et la disponibilité des engrais
D’autant que de nombreuses inquiétudes demeurent. « On va constater une amélioration du revenu des céréaliers, mais qui était vraiment nécessaire. Après huit années économiquement très mauvaises, on a besoin de reconstituer des forces pour affronter la crise des moyens de production », précise Éric Thirouin, qui évoque un revenu moyen autour de 50 000 € pour 2021, contre 6 000 €/an les années précédentes.
Cependant, la flambée des coûts de production va continuer à peser : « aujourd’hui, on nous propose 290-295 €/t, avec un prix de revient à 260 €/t, on n’est pas loin de l’effet ciseau, c’est notre inquiétude pour l’année 2023 », explique-t-il.
« Si le prix du blé a été multiplié par 1,5, celui de l’azote a été multiplié par 3 », signale Cédric Benoist, secrétaire général adjoint de l’AGPB. Pour une exploitation de 150 ha, le budget engrais peut ainsi représenter entre 85 000 et 90 000 €, contre 25 000 à 28 000 € habituellement. Avec l’augmentation du prix du GNR, « aujourd’hui les agriculteurs ne savent plus où ils en sont en matière de coût de production », explique-t-il. Les achats de morte saison ont deux mois de retard par rapport à l’année dernière, indique l’AGPB, les agriculteurs hésitant à acheter compte tenu du prix. Le Conseil de l’UE doit statuer prochainement sur une éventuelle suspension des droits de douane, ce qui pourrait faire baisser le prix d’achat.
Au-delà du prix, la question de la disponibilité se pose, avec des fabricants qui préfèrent parfois arrêter la fabrication d’engrais compte tenu du prix trop élevé du gaz. « Il y aura un effet couperet vraisemblablement au printemps, cela aura des conséquences sur la quantité mais aussi la qualité », prévient Cédric Benoist.