Bruxelles dévoile son ambition pour 2040, enjeu politique sensible

Les Vingt-Sept se sont déjà fixé comme objectif de réduire de 55 % leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport à 1990 (en 2020, la baisse atteignait 31%), pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

Comme cible intermédiaire, la Commission européenne recommande de viser en 2040 une baisse nette de 90 %, ce qui reviendrait à poursuivre le même rythme de réduction que sur la période 2020-2030.

Mais Bruxelles doit surmonter les inquiétudes sur l'impact socio-économique d'un verdissement à marche forcée : son « Green Deal » est devenu un épouvantail pour l'opinion.

Après des succès dans les transports, l'énergie et l'industrie, ce vaste ensemble de législations environnementales s'est fracassé sur les sujets agricoles face à l'âpre opposition d'eurodéputés de droite et des agriculteurs, tandis que des dirigeants réclamaient « une pause réglementaire » pour soulager entreprises et ménages.

A l'approche des élections, où est attendue une montée de l'extrême droite et des nationalistes, le débat sur les normes environnementales - au coeur des récentes manifestations agricoles - s'avère politiquement explosif.

Si le verdissement de l'agriculture (11 % des émissions européennes) est mentionné, le texte supprime le potentiel de baisse des émissions agricoles figurant dans un document antérieur, et juge « plus efficace » de cibler l'ensemble de la chaîne agro-alimentaire.

« Il faut marcher sur deux jambes : l'ambition climatique d'un côté, de l'autre s'assurer que nos entreprises restent compétitives, que la transition soit équitable », soulignait mi-janvier le commissaire au Climat Wopke Hoekstra.

« Equitable »

Onze Etats, dont la France, l'Allemagne et l'Espagne, ont certes demandé à Bruxelles « un objectif climatique ambitieux », dans une lettre commune consultée par l'AFP. Mais les signataires appelaient aussi à une transition « juste et équitable », « économiquement réalisable, aux coûts gérables, ne laissant personne de côté, particulièrement les plus vulnérables », renforçant « sécurité énergétique et compétitivité industrielle »...

L'exécutif européen était tenu d'actualiser ses projections post-2030 dans les six mois suivant la Cop28 de décembre : mais, contexte pré-électoral oblige, Bruxelles ne dévoilera mardi qu'une simple « communication ».

La prochaine Commission issue du scrutin de juin sera chargée de soumettre aux États et au Parlement européen renouvelé une proposition législative formelle.

Les projections 2040 devraient reposer en partie sur le captage et le stockage d'importants volumes de carbone - au grand dam d'ONG fustigeant ces technologies « non prouvées » et réclamant des cibles brutes de réduction d'émissions.

Pour autant, l'effort restera considérable et devrait toucher tous les secteurs, de l'électricité à la sidérurgie, voire l'agriculture (11 % des émissions européennes).

« Très ambitieux »

Faudra-t-il un second « Pacte vert » ? Marché du carbone, transports, taxe carbone aux frontières... Avec les législations déjà adoptées, « le job a été fait pour la période pré-2030, l'accélération se fait maintenant, ensuite ce sera une prolongation » des efforts, tempère Pascal Canfin, président (Renew, libéraux) de la commission Environnement au Parlement européen.

« Évidemment, si on ne continue pas, on n'atteindra pas l'objectif final. Si les conditions politiques ne sont pas réunies, ça ne se fera pas : un enjeu de l'élection, c'est la poursuite du "Green Deal". Sortir l'objectif 2040 maintenant oblige chacun à se positionner », avertit-il.

Dans son viseur, le PPE (droite), première force du Parlement devenue réfractaire au Pacte vert, alors que la présidente de la Commission Ursula von der Leyen et le commissaire Hoekstra appartiennent au même camp.

« Avec sa mise en œuvre, nous constatons de plus en plus combien l'objectif climatique 2030 est ambitieux. C'est facile de fixer un chiffre, plus difficile de réellement s'assurer que la transition se réalise dans l'industrie, parmi les citoyens », réplique l'eurodéputé PPE Peter Liese.

Rapporteur d'une réforme du marché carbone avant d'attaquer la loi « restauration de la nature », il juge « très ambitieuse » une cible de - 90 % et réclame « le bon cadre politique », dont des contraintes allégées pour les industriels. « Surtout, nous devons emmener les gens avec nous, en particulier les familles à faible revenu » qui « devraient être accompagnées, beaucoup plus ciblées », insiste-t-il.

L'UE « doit tirer les leçons des erreurs passées, renforcer à la fois sa politique industrielle et la dimension sociale », commente Elisa Giannelli, de l'ONG E3G. « Avec la campagne électorale, se tromper permettrait aux voix conservatrices et populistes de faire dérailler » la transformation verte européenne.

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