« Le changement climatique peut être une bénédiction pour ceux qui savent en profiter », explique Serge Zaka dans son dernier livre Orages sur le climat. Et en premier lieu les pays de l’Est comme la Russie, l’Ukraine, la Biélorussie. Avec la hausse des températures et du taux de CO2 dans l’air, les terres noires de ces régions seront encore plus fertiles et de nouvelles terres, actuellement inexploitées, pourront l’être. Ces nouvelles conditions climatiques vont permettre à ces pays d’être de plus en plus performants.
Serge Zaka prend l’exemple du blé. « Dans les années 2000, la Russie était un importateur net, et dans les années 2020, elle est devenue le premier exportateur mondial. » C’est l’augmentation du C02 dans l’air qui accélère la photosynthèse du blé et a permis d’accroître les rendements. Et le régime de Vladimir Poutine a su s’adapter rapidement à la nouvelle donne climatique de son pays.
La Russie fait désormais la pluie et le beau temps sur le marché mondial du blé, et fournit de nombreux pays notamment africains.
Dans les années à venir, le climat sera de plus en plus favorable aux pays d’Europe de l’est et à la Russie, qui pourront aussi se diversifier sur de nouvelles cultures. « Ce seront nos nouveaux concurrents sur le maïs entre autres, les pommes de terre et les betteraves », explique Serge Zaka. Mais une question se pose, « veut-on vraiment mettre les approvisionnements alimentaires européens à la merci de Poutine ? », interroge l’agroclimatologue.
Pour éviter cela, il faudrait anticiper dès maintenant le changement climatique à venir, cela passe par une modification des techniques culturales et par l’implantation de nouvelles cultures correspondant à l’évolution du climat.
La France, leader en fruits et légumes en 2050 ?
En France, comme dans d’autres pays de l’Union européenne, les gouvernements successifs n’anticipent pas suffisamment les évènements climatiques, estime Serge Zaka. Ils se contentent d’intervenir une fois les dégâts constatés, par une politique de dédommagement, comme lors d’épisodes de gels ou de sécheresse – ce que Serge Zaka nomme « la politique du pansement » – sans prendre des mesures de long terme pour adapter notre agriculture à la nouvelle donne climatique.
Avec la hausse des températures, la France est amenée à produire davantage de fruits et légumes, et pourrait devenir un concurrent pour les pays du sud, comme l’Espagne et le Maroc. « Après 2050, il est même possible que notre pays fournisse le reste de l’Europe en fruits et légumes à condition de bien gérer les évolutions de filière » et de « prendre les décisions politiques et économiques qui s’imposent », alerte Serge Zaka. « Tous les pays qui ont une puissance alimentaire sont des pays puissants. La denrée agricole est une force de négociation : si on n’en a pas, on disparaît de la scène mondiale. »
