« Il existe une multitude d'espèces adaptables en couverts. » Pour le choix des mélanges, Marion Breuil, agronome chez AgroLeague, conseille de « diversifier les familles et les espèces afin d'assurer un bon équilibre. Dans un premier temps, on peut partir sur des couverts denses (objectif : 250 pieds levés), avec 3-4 espèces minimum ».
« Attention à bien prendre en compte les caractéristiques des différentes espèces et de les adapter en fonction des objectifs visés : lutte contre l'érosion et la battance, limitation des fuites d'azote, concurrence au salissement, alimentation de l'activité biologique, amélioration de la structure du sol, etc. », précise l'experte.
Quels facteurs conditionnent le choix des couverts ?
Outre ces objectifs, Marion Breuil propose un récapitulatif des "points de contrôle" majeurs. « Il y a plusieurs questions à se poser pour orienter au mieux le choix de ses couverts », précise-t-elle :
- « Quel budget puis-je y allouer ? Moins de 50 €/ha, entre 50 et 80 €/ha ou plus ? ». L'experte a d'ailleurs listé pour les principales espèces de couverts utilisées, la densité de semis utilisable en mélange et le prix à la densité :
Espèces | Densité en mélange (dose indicative) (kg/ha) | Prix à la densité (€/ha) (source prix : Agriconomie mai 2023) |
Avoine brésilienne | 10 | 17,5 |
Moha | 2 | 4 |
Moutarde blanche | 2 | 5-6 |
Moutarde d'Abyssinie | 2 | 9 |
Colza fourrager | 2 | 5,7 |
Navette | 2 | 6 |
Féverole de printemps | 80 | 134 |
Pois fourrager | 20 | 30 |
Trèfle d'Alexandrie | 3 | 17 |
Trèfle incarnat | 3 | 9 |
Trèfle de Micheli | 3 | 14 |
Vesce commune | 10 | 20 |
Vesce pourpre | 10 | 28 |
Lentille fourragère | 8 | 24 |
Tournesol | 8 | 24 |
Niger | 2 | 5-6 |
Phacélie | 2 | 9-10 |
Lin | 5 | 13-14 |
Sarrasin | 8 | 17 |
Ensuite :
- « Est-ce que je vais utiliser des semences fermières de mon exploitation, d'un voisin, ou des semences certifiées ? »
- « Est-ce pour une interculture courte, longue, avec un relai ? »
- « Quelles sont les contraintes concernant le type de sol et l' environnement ? Concurrence à l'eau, PH, difficultés au niveau des implantations et de la destruction ? »
- « Quelle est la date de semis potentielle ? Juste après la moisson ou plus tardivement ? »
- « Et quel type d'implantation puis-je utiliser ? Semis à la volée, ou avec un semoir à dents/à disques ? »
- « Quelle sera la culture suivante ? Une culture d'automne, de printemps précoce ou de printemps plutôt tardive ? »
- « Sur quel type de destruction puis-je compter ? Destruction par le gel, mécanique, chimique ? »
- « Quel est le désherbage effectué ? Pour faire attention à la rémanence des produits. »
- « Quelles sont les cultures présentes dans la rotation ? »
Marion Breuil nous propose également de bons rappels sur les grandes familles de couverts et leurs principales caractéristiques :
Les graminées et leur bon système racinaire
Chez les graminées, on retrouve comme points communs « un bon système racinaire et de belles biomasses ». Vigilance, par contre, quant au choix des espèces, car on retrouve généralement des recrues de la même famille dans la rotation.
Découvrez dans le tableau suivant, les principaux avantages et inconvénients des graminées mis en avant par l'agronome :
Avantages | Inconvénients |
Système racinaire fasciculé : action en surface et en profondeur = structure et recyclage des éléments minéraux | Reprise du sol en non labour un peu délicate en cas de gros systèmes racinaires (ex : effet « touffes » de l'avoine) |
Plutôt facile à produire en autoproduction | Même famille que certaines adventices compliquées (vulpins/ray-grass...) ou cultures dans la rotation. Le désherbage en autoproduction peut être compliqué selon l'espèce choisie |
Facilité de destruction chimique | Destruction mécanique qui peut être difficile selon le stade d'intervention Peu sensible au gel quand elles ne sont pas très développées |
Bonne production de biomasse | Compétition à l'eau |
C/N plutôt élevé (> 15) : apport de carbone pour le sol | C/N élevé : temps de dégradation plus long en cas de couvert développé (cela va demander plus d’azote pour se dégrader) |
Mycorhization : augmentation de la capacité d'exploration des racines pour capter les minéraux | |
Production de carbone labile importante pour nourrir le sol (effet manchons racinaires) | Plantes hôtes de certaines maladies et ravageurs (pucerons des céréales...) |
Les avoines ont l'avantage de « permettre une couverture rapide du sol. Elles sont aussi connues pour leur effet allélopathique, et peuvent limiter la levée d'autres graines ». Chaque type d'avoine a aussi ses spécificités : celle de printemps est « davantage sensible au gel si elle est développée », celle d'hiver est, elle, plutôt « sensible aux maladies ». Avec un cycle court, les avoines brésilienne/rude/diploïde seront « moins pertinentes avant les cultures de printemps. Elles ont peu de sensibilité vis-à-vis des viroses et des rouilles.
Parmi les autres espèces de graminées, on peut également citer le seigle « capable d'absorber de grosses quantités de manganèse », ce qui en fait un candidat intéressant en cas de risque de piétin échaudage. Le sorgho, le moha et le millet (plantes en C4) sont plutôt conseillés « en couverts d'été et à éviter avant céréales, car elles sont de potentielles plantes hôtes de maladies et/ou ravageurs ».
Les crucifères
Autre famille de couverts : les crucifères. Marion Breuil attire l'attention pour les rotations avec du colza : « mieux vaut limiter les crucifères à 2 kg/ha en couverts, et de préférence en mélange ». Leur destruction est recommandée maximum à floraison.
Avantages | Inconvénients |
Captation de l'azote | Pas capable de mycorhizer |
Système racinaire pivotant | |
En forte présence d'azote : fort potentiel de biomasse et de recyclage des éléments minéraux (soufre, calcium, potassium) | |
Petites graines qui lèvent relativement bien | |
Action assez forte sur certaines ravageurs (grâce aux glucosinolates) : nématodes, champignons pathogènes (biofumigation), altises. | Cette pratique n'est pas toujours facile à maîtriser |
C/N plutôt élevé ( >15) : attention au de temps de dégradation à partir de la floraison (lignification possible) |
La moutarde est la crucifère la plus courante en couvert. « Celle d'Abyssinie a un cycle plus long que la brune ou la blanche, il y a donc normalement moins de risque de montée à graines. Mais cela peut varier selon la météo. Sa biomasse aérienne est complémentaire d'une autre moutarde ». En ce qui concerne le risque limaces, la moutarde brune serait la moins sensible.
Du côté des radis, attention à la précocité pour « éviter, là aussi, les montées à graines. Le cycle du radis fourrager est plus court que celui du radis asiatique ». Pour ce dernier, on distingue deux catégories : « Structurator, avec une grosse racine et un cycle long, et Daikon, une racine moins grosse, et un cycle plus court ». À noter : « la racine du radis asiatique peut parfois sortir de terre, cela veut dire souvent qu'il cherche de la place pour s'exprimer et cela peut potentiellement dévoiler un problème de structure ».
La navette reste « en rosette pendant l'hiver, elle est peu sensible à la destruction mécanique, mais sensible à une action mécanique. Elle stocke les éléments minéraux dans son bulbe ». Autre possibilité : le colza fourrager ou graine, seulement si le colza revient dans la rotations tous les 6-7 ans. Ses atouts : « accessible à moindre coût, il ne monte pas avant l'hiver, et est facilement destructible ». Par contre, attention aux limaces.
La grande famille des légumineuses
Que dire des légumineuses ? C'est une grande famille, et leur particularité : toutes les espèces sont capables de fixer l'azote atmosphérique (voir le tableau ci-dessous).
Retrouvez un résumé de leurs avantages et de leurs inconvénients :
Avantages | Inconvénients |
Captation de l'azote atmosphérique (symbiose Rhizobium). (Les légumineuses captent 30 % de l'azote du sol et 70 % de l'azote atmosphérique) | Cette capacité leur demande beaucoup d'énergie donc s'il y a de l'azote dans le sol, elles vont le capter en premier plutôt que l'azote atmosphérique. |
C/N faible : dégradation rapide des résidus (peu de risques de faim d'azote) | |
Système racinaire diversifié (pivotant, rampant, etc.) | |
Diversité d'espèces | Coût (surtout pour les gros PMG pour avoir de la densité) |
Réussite pour les petites graines parfois aléatoire (trèfle notamment) | |
Gestion des différents PMG dans le mélange | |
Sensible à la chaleur | |
Espèces mellifères |
Parmi les légumineuses, la vesce est recommandée « en mélange à 8-10 kg/ha minimum. Les caractéristiques sont assez différentes selon les espèces mais aussi selon les variétés sur le plan de la tolérance au froid ou de la captation d'azote notamment. Le prix est également variable. La vesce velue dispose d'un cycle plus long que la vesce commune, qui elle-même a un cycle plus long que la vesce pourpre. Côté vitesse d'implantation, la vesce pourpre se montre un peu plus agressive au démarrage ».
Du côté des trèfles aussi, le choix est large : Alexandrie, Micheli, incarnat, blanc, violet, squarossum, de Perse... Et là encore, « le durée de cycle va varier selon les variétés. La morphologique et la dynamique de pousse seront également différentes : le trèfle d'Alexandrie, par exemple, ne supporte pas la chaleur au démarrage ». Autre point à savoir : la tolérance au gel. « Un trèfle d'Alexandrie bien développé ne devrait pas passer l'hiver contrairement à un trèfle incarnat ou de Micheli ». Le petit PMG des trèfles permet de limiter la densité de semis (entre 1 et 5 kg/ha), par contre attention à la qualité d'implantation (0,5-1 cm de profondeur).
Autres espèces de légumineuses | Caractéristiques |
Féverole | « Espèce presque passe partout, bonne biomasse, possibilité d'autoproduction » « Sinon coût élevé, gros PMG mais certaines variétés avec un plus petit PMG (un peu moins productive) » Recommandée en mélange à 15-20 pieds/m² |
Pois | « Possibilité d'autoproduction, PMG plus petit que la féverole, besoin d'un tuteur » « Viser au minimum 10 pieds/m² en mélange » |
Lentille fourragère | « Plutôt en couvert d'été, attention favorise l'orobanche rameuse si elle est détruite après son apparition » Densité en mélange : 5-10 kg/ha |
Mélilot | « Attention, pas toujours simple de s'en débarrasser (risque de pollution des lots) » Peut avoir un effet contre les campagnols avec la coumarine « mais uniquement si le mélilot a eu un an de culture ». |
Gesse | « Peu de retours mais elle donne peu de pieds/m² » |
Trèfle blanc (nain), trèfle violet, luzerne, lotier, sainfoin... : ces légumineuses sont aussi recommandées dans le cas de couverts permanents, en association avec des céréales. « L'implantation se fait généralement avec un colza l'été ou au printemps dans un blé. Le coût et la tolérance aux herbicides peut varier, à réfléchir donc en fonction de la flore adventice présente sur la parcelle ». À savoir par exemple : « le trèfle violet peut favoriser la levée des rumex. [...] Si le lotier est conseillé en sols acides, la luzerne et le sainfoin conviennent plutôt en sols basiques ».
Les composées
Parmi les composées, l'agronome pense notamment au tournesol, qui « se sème à 8-10 kg/ha et lève plutôt bien en couvert. Il permet de remobiliser les éléments (sols calcaires) et dispose d'un système racinaire pivotant. Il est conseillé d'utiliser de la semence fermière, sinon le coût est non négligeable. Attention, par contre, le tournesol est une plante hôte du sclérotinia et de la verticiliose. Il est aussi sensible aux limaces et produit peu de biomasse ».
Autre espèce de la même famille : le niger (2 kg/ha), « adapté pour un couvert d'été. Il est recommandé pour un semis précoce et plutôt dans les secteurs Sud car il a besoin de températures. C'est une espèce à petit PMG, avec un système racinaire pivotant en profondeur et fasciculé en surface. Elle est méllifère si elle est amenée jusqu'à la floraison. Autre point à noter : le niger gèle très bien ».
Les hydrophyllacées
Dans les famille des hydrophyllacées, je demande la plus connue : la phacélie ! « Recommandée entre 1 et 3 kg/ha, c'est une espèce mellifère avec une bonne pousse et un bon capteur d'éléments minéraux. » L'avantage de cette famille botanique aussi : « elle n'est pas utilisée dans les rotations de cultures ».
Les linacées/polygonacées
Du côté des linacées, on pense bien sûr au lin (5 kg/ha). « Avec son système racinaire pivotant, il donne une bonne structure du sol. Attention par contre, il peut monter en mélange et il est à éviter dans les rotations comprenant déjà du lin ». Chez les polygonacées, c'est le sarrasin (5-10 kg/ha) qui est couramment utilisé en couverts (à privilégier pour les intercultures courtes). Le sarrasin est mis en avant pour « son cycle court, son côté allélopathique en début de cycle et son autoproduction est facile ». À noter : « il n'est, par contre, pas adapté à tous les types de sols (mieux en sols pauvres/superficiels) et se montre sensible aux rémanences de phytos ».