Alléger la charge de travail en transformation et circuits courts

Circuits courts en agriculture
Une charge de travail trop importante peut mettre en péril l'activité voire l'exploitation. (©Elizabeth, Adobe Stock)

Vendre sa production agricole en circuits courts génère une charge de travail et mentale conséquente, souvent sous-estimée par les producteurs souhaitant se lancer dans ce mode de commercialisation. Or elle peut mettre en péril la perennité de l'activité voire de l'exploitation. « Il faut intégrer trois métiers : produire, c'est-à-dire réaliser et organiser les tâches, mais aussi animer et manager son équipe ; transformer, ce qui implique de définir sa gamme de produits, garantir leur qualité... ; et vendre, en gérant la logistique, les stocks et les relations avec les clients, qu'il faut démarcher, fidéliser », rappelle Jocelyn Fagon de l'Idele, en ouverture du webinaire "Travail en circuits courts, à la recherche d'un équilibre" organisé par le RMT travail en agriculture. 

Exercer trois métiers 

La transformation et la vente s'ajoutent à la production pour laquelle on est alors moins disponible. Cela peut aller de quelques jours par mois dédiés à cette diversification à plusieurs par semaine. Parfois, il faut même s'absenter de la ferme lorsqu'on vend sur les marchés, dans des magasins de producteurs, à des revendeurs, et/ou que l'outil de tranformation est collectif ou en location, ce qui multiplie les allées et venues. Pour les limiter, il faut peut-être revoir la fréquence de livraison et le nombre de lieux de vente pour, peut-être, abandonner les plus éloignés ou isolés. Pourquoi pas envisager de livrer à tour de rôle avec d'autres producteurs ?

Trouver des solutions pour pallier aux absences.

Il faut prévoir des solutions pour pallier aux absences – réorganiser et simplifier le travail, en tenant compte des autres contraintes de la transformation et commercialisation, s'équiper, déléguer, embaucher, renforcer certaines compétences au sein de l'équipe, anticiper les tâches qui peuvent l'être... – et veiller au passage de relais et d'informations. Les questionnements sous-jacents auxquels réfléchir pour adapter les choses si besoin : « Ai-je des réticentes et des craintes à laisser la ferme ? Sortir de l'exploitation, rencontrer divers intervenants, sont-ils vraiment source de satisfaction ? », met en avant le projet Trac, qui s'intéresse à l'organisation du travail en circuits courts.

Comptabilité et administratif décuplés

N'oublions pas, non plus, la comptabilité et l'administratif qui prennent déjà beaucoup de temps dans le quotidien d'un agriculteur, un temps « démultiplié avec les contraintes réglementaires inhérentes à la transformation et la commercialisation qui évoluent sans cesse, et obligent les producteurs à s'y connaître un minimum et à être constamment en veille », pointe Jocelyn Fagon. Viennent encore se greffer les contrôles au laboratoire et sur les points de vente : paquet hygiène pour le sanitaire, vérification du matériel froid, de l'étiquetage, des balances, etc.

Par ailleurs, ces législations, généralement définies pour le secteur agroalimentaire, « sont difficiles à appliquer telles quelles par les petites unités de transformation à la ferme », met en avant le projet Trac. Ne pas avoir une gamme trop large peut permettre d'éviter les surperpositions de normes. Les exploitants ont « l’impression de ne jamais être en règle », ce qui accroît la charge mentale, en amont et pendant les contrôles en particulier. « Sous la pression, ils n’arrivent pas toujours à expliquer clairement leurs pratiques. »

Se préparer aux contrôles

Pour réduire la charge mentale, Trac conseille, au lieu de « les subir », de les voir comme un levier d'amélioration. Et de bien se préparer en identifiant les points d'appréhension et/ou qui peuvent poser problème, en anticipant les questions et en listant les arguments et justifications pour y répondre, et en apprenant à gérer son stress. Quelques questions à se poser au préalable : ai-je un plan de maîtrise sanitaire écrit dans l'atelier, comment est gérée la traçabilité, etc.

À noter : les guides des contrôleurs sanitaires, consultables par famille de produits sur le site internet du ministère de l'agriculture, peuvent vous aider à « mieux comprendre les attendus de l'administration ». De même que suivre des formations sur les réglementations et la gestion des risques sanitaires. Sachez que vous pouvez « être accompagné d'une tierce personne : un conseiller ou un autre agriculteur » par exemple.

Et faire appel à des organismes extérieurs pour être averti des évolutions réglementaires (chambre d'agriculture, associations), réaliser les déclarations et autorisations, les auto-contrôles, le suivi qualité... Les retours clients sur la qualité justement, le prix de vente, et plus largement la perception du métier (image et critiques de la société), s'ils sont bénéfiques – car ils apportent de la satisfaction et des pistes de progression possibles –, peuvent-être également déstabilisants. « Il faut être armé pour les encaisser et argumenter ensuite, ce qui n'est pas toujours évident », alerte Jocelyn Fagon.

Plus de risques et d'aléas

« Les aléas techniques, économiques, sanitaires, liés à la main-d'œuvre, au climat, aux marchés, etc. sont également décuplés en circuits courts », reprend-il. C'est pourquoi il faut s'interroger sur son rapport au risque et sa propension à en prendre. Les trois métiers – production, transformation, commercialisation –sont en outre sans cesse en interaction, dans l'espace et le temps, et connaissent des évolutions au fil des années. « Le système de production, la composition du collectif de travail, la situation économique de l'exploitation ont un impact eux aussi », complète le spécialiste.

De même que l'âge des exploitants qui peuvent ressentir à la longue une certaine pénibilité physique et mentale. Les marchés de plein air, en autres, sont contraignants : horaires, amplitude des journées, rythme (peu de pauses), posture débout... Autre cause de stress : les équipements qui tombent en panne. « En circuits courts, la moindre défaillance peut désorganiser le travail et faire perdre du temps avec des répercussions sanitaires et économiques quasi systématiques et des conséquences sur toute l'équipe. »

Anticiper les pannes, planifier la maintenance.

Cela amène parfois à revoir l’offre produit, replanifier les livraisons... La maintenance du matériel en circuits courts exige des compétences que n'ont pas forcément les agriculteurs et ils doivent faire appel, comme pour les réparations, à des entreprises extérieures pas toujours réactives. Planifier les opérations de maintenance est donc essentiel, de même que d'anticiper les pannes (pièces de rechange, notices de montage-démontage, liste de contacts de fournisseurs, recensement des soucis rencontrés et des actions préventives/correctifs mis en œuvre...), et d'entretenir régulièrement les machines et outils (nettoyage approfondi, lubrification).

Un équilibre à construire

« Le bien-être au travail, pas seulement en circuits courts, est une question d'équilibre entre les contributions exigées – temps de travail, amplitude horaire, intensité physique, pénibilité mentale, remplaçabilité – et les rétributions espérées – situation économique, revenu notamment, congés, qualité de vie, autonomie d'organisation et de décision, reconnaissance de la société voire de ses pairs, sens du métier, les trois dernières étant encore plus importantes dans ce mode de commercialisation –, détaille le spécialiste de ces questions. À chacun le sien. Il se construit en permanence et se remet en question régulièrement, selon les exigences techniques, les objectifs de chacun et ceux du collectif de travail, et conduit à des adaptations. »

Jocelyn Fagon invite à mettre en avant les facteurs de satisfaction d'être en circuits courts pour les agriculteurs – qui expliquent d'ailleurs leur développement – sans omettre les difficultés pour pouvoir proposer, entre autres, un accompagnement adapté aux producteurs. Le projet Trac a analysé les ressentis et situations réelles de plusieurs d'entre eux. Les premiers résultats montrent que les trajectoires de chacun sont assez différentes et évolutives. Ces changements ont-ils été subis ou anticipés, sont-ils stabilisés ou à l'inverse toujours des freins ? Autant de questions qui ont été creusées avec eux.

Investir dans la main-d'œuvre

« En circuits courts, le rythme de croisière est atteint au bout de 5 à 10 ans. Les phases de développement peuvent fragiliser l'exploitation et l'équipe qui bouge souvent beaucoup les cinq premières années et tend à s'agrandir à terme. Deux tendances dont il faut avoir conscience et qu'il faut être prêt à suivre. » Il s'agit d'anticiper les besoins en compétences, puis en recrutement et formation derrrière pour soi (management, communication, etc.), ses associés et salariés. D'autant qu'il est compliqué de recruter en agriculture. Et que seuls des salariés suffisamment autonomes et capables d'endosser des responsabilités pourront vous soulager réellement. 

Des salariés autonomes pour soulager réellement.

« Toutes ces casquettes sont épuisantes. Il faut garder le plaisir de travailler. Nous avons compris qu'il est important d'investir dans de la main-d'œuvre pour se libérer la tête, il faut mécaniser mais pas que », souligne Bertrand Derly, agriculteur à Aubvillers dans la Somme, qui a participé au projet Trac. Il faut réfléchir aux missions que vous allez confier : transformation, vente, communication, innovation et mise en valeur des produits (attractivité de l'offre, évolution de gamme), etc. Et pendant l'entretien, essayez de mesurer l'intérêt des candidats pour la qualité des produits, leurs appétences éventuelles pour la vente, le marketing... 

Il importe de se former un minimum aux tâches que l'on fera faire pour pouvoir accompagner, vérifier, échanger. Attention surtout à bien communiquer ! Faire des retours sur le résultat des ventes, la satisfaction client, etc. est motivant pour vos salariés. « Pour plus d’efficacité, il y a souvent une spécialisation des postes en transformation et vente en circuits courts, avec moins de proximité physique au sein de l’équipe de travail, ce qui peut entraver la communication, qui doit aussi permettre la réactivité nécessaire aux demandes de la clientèle », détaille le projet Trac.

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