Handicap et agriculture : quels accompagnements financiers et humains ?

Handicap en agriculture
La journée internationale des personnes handicapées : l'occasion de parler du handicap en agriculture. (©Stéphane Leitenberger, Adobe Stock)

Avec près de 50 000 accidents du travail par an (47 000 selon le dernier chiffre de 2021), soit 15 % du total enregistré tous secteurs confondus, l’agriculture est donc également l’un des domaines d’activité où le handicap est le plus prégnant. Lorsqu’il survient, de façon souvent soudaine (même s’il peut être de naissance, lié à une maladie ou avoir une cause non professionnelle), les agriculteurs, mais aussi les salariés agricoles, peuvent se sentir seuls et démunis.

Plusieurs aides et acteurs

Pourtant, des dispositifs sont là pour les aider, humainement et financièrement, à continuer de travailler sur leur ferme pour les uns, en exploitation pour les autres, en aménageant les tâches, l’organisation, les équipements, voire à se reconvertir si ce n’est vraiment pas possible. Mais ils sont peu connus, et le nombre d’aides et d’acteurs ne les rend pas toujours facile à appréhender. Ce 3 décembre, journée internationale des personnes handicapées, donne l’occasion de les présenter.

Commencer par contacter la MSA

Nous ne vous le souhaitons pas, bien évidemment, mais si vous êtes concernés, quel que soit le handicap, physique (visuel, auditif, moteur…), mental, visible, invisible, et son origine (de naissance, maladie, accident), vous pouvez contacter en premier lieu la Mutualité sociale agricole (médecin du travail, conseiller prévention des risques, travailleur social), ou d’autres organismes comme Cap Emploi, qui œuvre pour l’accès, le maintien et le retour à l’emploi des personnes handicapées. Sachant que la première démarche sera d'engager les démarches de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, et qu’elle nécessite au préalable l’intervention d’un médecin du travail de la MSA.

Se faire reconnaître travailleur handicapé

« Contrairement aux salariés, les exploitants agricoles n’ont pas de visites médicales régulières. Nous ne pouvons pas effectuer de dépistage, c’est à eux de nous solliciter », explique le Dr Amandine Guervin, qui exerce sur le site des Portes de Bretagne à Vannes. À l’issue de ce rendez-vous, « qui fait le point médicalement sur ce que l’agriculteur peut faire ou pas », et donne lieu à un certificat médical, une demande dereconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) peut être déposée à la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Elle ouvre l’accès à un ensemble de mesures favorisant l’insertion professionnelle ou le maintien dans l’emploi.

Une étude ergonomique à la ferme

« Ensuite, nous nous rendons sur la ferme avec d’autres professionnels, conseillers MSA en prévention des risques, Cap Emploi, prestataire études ergonomiques (Agefiph), pour observer son fonctionnement, la main-d’œuvre (exploitation individuelle, avec des associés, des salariés), l’organisation du travail, les équipements, afin d’identifier les difficultés rencontrées suite au handicap et de suggérer des aménagements de postes, de missions, organisationnelles (ordre/répartition des tâches, recours aux Cuma, ETA, salariat, tutorat, auxiliariat) et/ou matérielles », détaille Amandine Guervin.

« Nous formons un bon trinôme. J’apporte mon expertise médicale, les conseillers prévention des risques et Cap Emploi, eux, sont plus des opérateurs terrain, ils connaissent bien les solutions techniques et les ressources externes possibles. » Au besoin, une étude ergonomique Agefiph(Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, financeur notamment de Cap Emploi) pourra être mobilisée.

Un travail partenarial

Claire Cloarec, conseillère en prévention des risques à la MSA d’Armorique, insiste aussi sur cette complémentarité et l’action partenariale menée entre les diverses structures. « Chacun apporte sa pierre à l’édifice, illustre-t-elle, ajoutant : « Nous sommes tous en lien les uns avec les autres. » La Mutualité sociale agricole pouvant jouer un rôle d’intermédiaire dans la mise en relation. « Grâce à nos interventions préventives, nous pouvons être au courant des problématiques en amont, avant que les démarches ne soient engagées », met en avant la conseillère. L’objectif étant « de toucher aussi les gens valides, qui n’ont pas eu d’accident, pour sensibiliser sur les risques au maximum », rappelle-t-elle.

Des propositions d’aménagement

Une fois « les limitations fonctionnelles » de la personne spécifiées par le médecin du travail, et après que « son observation sur la ferme ait mis en évidence des contraintes en découlant (physiques, perte de temps) », « nous proposons des adaptations dont nous discutons ensemble, entre partenaires, et avec l’intéressé bien sûr ». En bovins lait, l’une des principales productions bretonnes, la traite entraîne fréquemment des soucis au niveau des membres supérieurs (épaules, coudes, poignets, etc.). Des griffes plus légères, le décrochage automatique, des barrières d’entrée et de sortie de quais automatisées peuvent alors être envisagés. Un taxi-lait peut également soulager les déplacements et le port de charges pour l’alimentation des veaux.

« Ces évolutions bénéficient à tout le monde et peuvent améliorer l’attractivité de la filière », fait remarquer Claire Cloarec, pour qui il importe d’intégrer cette dimension santé et sécurité au travail dans les projets bâtiments en particulier et dès l’installation des agriculteurs. Les propositions validées par le travailleur handicapé et le chef d’exploitation, c’est à ce dernier de prendre contact avec des entreprises et de demander des devis. Pour le financement toutefois, au-delà des aides à l’investissement de droit commun (Agri Invest EX PCAEA, AFSA et AFSE de la MSA), des aides complémentaires de l’Agefiph sont disponibles.

Les aides aux personnes et aux entreprises

« Notre offre de services s’adresse aux entreprises, aux personnes en situation de handicap mais également aux organismes de formation afin de favoriser l’inclusion », met en avant Delphine Rami, chargée d’étude et de développement à la délégation régionale de Bretagne. « Nous accompagnons également les entreprises à la mise en œuvre d'une politique d'emploi des personnes handicapées. Il s'agit ici de sensibiliser un collectif, travailler sur les modalités de recrutement, aider à la mobilisation du maintien dans l'emploi…. L'Agefiph aide à l'élaboration d'un diagnostic de la situation dans l'entreprise et l'accompagne à la mise en place d'actions. »

À titre d’exemple, les entreprises qui embauchent une personne en situation de handicap dans le cadre d’un contrat en alternance peuvent bénéficier d’une aide financière de l’Agefiph en complément de celle versée par l’État. Autre exemple : l’installation en agriculture d’une personne en situation de handicap peut permettre l’attribution d’une subvention à la création d’entreprise d’un montant de 6 500 €. L’Agefiph propose également un ensemble de prestations telles que des études ergonomiques ou des prestations expertes par type de handicap (handicaps visuels, auditifs, moteurs, psychiques, mentaux et troubles cognitifs) qui permettent d’identifier précisément les solutions de compensation nécessaires à l’intégration ou au maintien dans l’emploi d’une personne en situation de handicap.

Exemples d’équipements éligibles

Une fois les solutions de compensation identifiées et en complément des financeurs de droit commun (Agri Invest EX PCAEA, AFSA et AFSE de la MSA, aides du conseil régional…), l’Agefiph peut intervenir financièrement, partiellement et totalement, au titre de l’aide à l’adaptation de la situation de travail. « Les préconisations et la prise en charge dépendent de chaque cas », indique Delphine Rami qui, revenant à l’élevage laitier, cite pour adapter l’environnement de travail, en plus de ce qui a été déjà mentionné : la robotisation de l’alimentation, les lames repousse-fourrage, les chiens électriques, les balayeuses, les tapis anti-fatigue au fond de la salle de traite, l’automatisation des barrières et parcs de contention, etc. Pour les tracteurs : les nacelles, marchepieds et sièges adaptés, les boules au volant, les pédales inversées, les interrupteurs à main.

Les engins d’aide au déplacement, comme les quads, les bottes moulées et même la bureautique (siège ergonomique, logiciel de dictée vocale) peuvent prétendre à un financement. « La liste est longue et évolue en fonction des progrès technologiques, lesquels d’ailleurs, nombreux dans le secteur agricole, facilitent l’insertion des personnes handicapées dans ce milieu professionnel. Les innovations y sont intégrées et ce qui se standardise, tels les caméras de recul ou les robots de traite dont sont équipés de plus en plus d’agriculteurs, est de moins en moins subventionnés », pointe la chargée de mission et de développement qui précise bien : « Peut être pris en charge en totalité ce qui relève de la stricte compensation du handicap, comme une boule au volant mais pas un quad, qui peut servir à quelqu’un de valide. »

Possibilité d’un soutien complémentaire

Pour l’étude ergonomique (observation, échanges entre les divers acteurs, propositions, devis, tests des équipements), il faut généralement compter 4-5 mois. Par la suite, si des difficultés résiduelles demeurent, ou si des pertes de productivité ou des charges supplémentaires sont encore constatées, amenant à envisager par exemple de recourir aux Cuma, ETA, salariat, il est possible de solliciter la reconnaissance de la lourdeur du handicap (RLH) auprès de l'Agefiph. Pérenne au-delà de 50 ans, elle doit être redemandée tous les trois ans avant cet âge avec apport de justificatifs (factures, etc.).  Pour les entreprises, elle ouvre droit à l’attribution d’une aide financière (AETH, aide à l’emploi des travailleurs handicapés) afin de compenser financièrement les charges durables supportées, liées aux conséquences du handicap d’un salarié sur la tenue de son poste, après mise en place de l’aménagement optimal de la situation de travail.

Un appui du service social

« Par ailleurs, à la demande de l’assuré ou d’un des partenaires précédents, le service social de la MSA peut intervenir sur plusieurs plans : administratif, pour l’ouverture de droits spécifiques liés au handicap (Aide aux adultes handicapés entre autres) ; financier à travers des aides extralégales en cas d’impact sur les finances du foyer ; psychologique via la prise en charge de séances avec un psychologue », complète Adeline Grandjanin, responsable adjointe du service des interventions sociales à la MSA d’Armorique pour le Finistère. Une fois par mois, une cellule pluridisciplinaire de maintien en emploi se réunit. Il s’agit d’une instance de concertation des différents professionnels (service de santé/sécurité au travail, contrôle médical et service des interventions sociales) autour des situations avec un risque de désinsertion professionnelle suite à des problèmes de santé ou à un handicap.

Des actions collectives sont également menées pour informer sur les droits, les démarches, les aides. Des stages sont aussi proposés, dans le cadre du dispositif Arpij(Action de remobilisation des personnes sous indemnités journalières, financement MSA et Agefiph), pour accompagner l’orientation, ou la reconversion professionnelle sachant qu’en général, les agriculteurs ne l’envisagent qu’en dernier recours en raison de l’attachement qu’ils portent à leur métier et à leur ferme, dans laquelle ils s’investissent beaucoup sur le plan personnel et financier, et consacre tant de temps.

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