Ils sont treize. Certains sont déjà agriculteurs/agricultrices, depuis peu ou plus longtemps, voire en fin de carrière ; d’autres sont en pleine installation agricole, parfois en reconversion professionnelle, ou envisagent de se lancer plus tard. Quelques-un(e) s sont salariés ou étudiants en agriculture… De tout âge – 17 à 57 ans –, ils viennent tous de l’est de notre territoire, du Loiret à la Meuse, et exploitent des zones intermédiaires, des terres à cailloux sensibles au stress hydrique.
Et de plus en plus exposées aux aléas du climat : sécheresse, chaleurs intenses, mais également grêle, gel. Donc à la baisse des rendements des cultures, « de moins en moins rentables ». « Pas une année sans déclencher les assurances climatiques, dont le tarif augmente mécaniquement d’une saison à l’autre », font-ils remarquer dans un communiqué de GLHD (Green Lighthouse Développement). Alors, pour sortir de ce « cercle vicieux », ils se tournent vers l’agrivoltaïsme.
S’adapter au réchauffement climatique
Dans les champs, « les panneaux photovoltaïques agissent comme des abris naturels » pour les plantes, met en avant Antoine, ouvrier agricole dans l’Yonne et qui projette de rejoindre la ferme familiale. Les animaux aussi peuvent s’abriter à l’ombre ou dessous en cas de températures élevées ou de fort ensoleillement. Un avantage en matière de bien-être animal mentionné par Nicolas, berger itinérant dans le même département.
« Grâce à cet ombrage, la production d’herbe sera plus linéaire sur l’année, elle séchera moins vite », ajoute Julien, installé depuis 2006 en Haute-Marne. En outre, les bêtes peuvent « se protéger du vent et des intempéries ». Sans oublier les économies d’eau. Nicolas en donne trois fois moins sous les panneaux solaires.
Protéger animaux et cultures des aléas.
Leur motivation n’est pas seulement de faire face au réchauffement climatique: ces producteurs veulent « contribuer à la transition agricole, écologique, énergétique ». Samuel, ancien salarié de Cuma et éleveur dans le Loiret, évoque « la synergie intéressante » entre « la production d’énergie renouvelable » et « le métier d’agriculteur », que l’on peut pratiquer comme on le souhaite sous les panneaux. « L’agrivoltaïsme est une très bonne chose pour l’agriculture en France », résume-t-il.
Diversifier et conforter exploitations et revenus
L’objectif est aussi de « diversifier » l’activité agricole pour conforter et sécuriser les exploitations et les revenus. « L’agrivoltaïsme permet de répondre aux deux problématiques du moment : le dérèglement climatique et la vulnérabilité économique de nos fermes, soumises à une augmentation durable des charges », explique Alban, qui a pris la suite de son grand-père dans la Meuse en 2009 et produit des céréales.
L’agrivoltaïsme va apporter de la sérénité.
« Pour s’en sortir aujourd’hui, il faut des alternatives, des leviers de développement pour l’avenir », confirment Rémy et Lubin, âgés de 17 et 18 ans respectivement. Le premier vient d’obtenir son Capa « métiers de l’agriculture ». Après un bac STAV, le second poursuit ses études en école d’ingénieur agricole. En tant que membres de l’association EHPY (collectif d’agriculteurs du secteur des Hauts plateaux de l’Yonne, porteurs de projets agrivoltaïques avec la société GLHD), les deux jeunes suivent de près la mise en place d’un parc dans leur département.
Mattéo, pour le moment salarié agricole et dont l’installation en élevage est à l’étude pour 2024 à la chambre d’agriculture, espère effectivement développer sa structure en termes de surface et de production. Sur le plan climatique comme économique, « on ne peut pas continuer comme on faisait avant. De même que les autres métiers qui doivent s’adapter, il fallait trouver une solution. L’agrivoltaïsme va amener de la sérénité dans nos exploitations », appuie Julien.
Favoriser l’installation agricole
Lilian et Nicolas pensent, de plus, qu’il peut « faciliter l’installation des jeunes agriculteurs ». L’un, exploitant dans l’Yonne et l’autre salarié d’un Gaec sont engagés ensemble sur un projet agrivoltaïque. À terme, ils se verraient bien associés sur la même exploitation. D’ici une dizaine d’années, Lubin aimerait, de même, pouvoir reprendre la structure familiale et la faire évoluer via cette diversification agrivoltaïque. « L’agrivoltaïsme est une opportunité quand on voit les difficultés d’accès au foncier agricole », juge également Matthieu, polyculteur-éleveur dans l’Yonne. « C’est un plus pour reprendre des terres. Sans cela, ce n’est pas facile », acquiesce Mattéo.
Sans cette diversification, s’installer aurait été plus difficile.
Après une reconversion professionnelle mûrement réfléchie, Delphine, dans l’Yonne, va devenir éleveuse assouvissant enfin « cette passion héritée de son père ». Sans foncier au départ, elle a obtenu les terres dont elle avait besoin via l’association Les champs ensoleillés du Beugnon et à l’unité agrivoltaïque associée, constituée avec son mari agriculteur et cinq autres exploitants.
Moi, je n’aurais pas pu.
« Bien-être animal, sobriété…, reprend un autre Nicolas. Cela me semble pertinent pour les nouvelles générations. » « Sans l’agrivoltaïsme, mon installation sur l’exploitation aurait été impossible », reconnaît-il, espérant que les projets en place permettront à d’autres jeunes de s’installer dans le secteur.
« Lien, entraide et envie d’avancer ensemble »
Ces projets agrivoltaïques collectifs, souvent entre voisins de parcelles, ont en plus « recréé des liens forts entre nous, de la solidarité, l’envie de réfléchir, entreprendre et se serrer les coudes à plusieurs », mettent en avant d’une même voix ces producteurs.
Étude d’impacts, dossier… Être patient, c’est un projet long à bien ficeler.
Jérémy, éleveur double actif en Haute-Marne, préfère y aller progressivement. « L’idée est d’avancer doucement en commençant à agrandir mon cheptel. Et continuer d’apprendre sur la production parce que ce n’est jamais fini. Dans quelques années, grâce à l’agrivoltaïsme, je me vois bien agriculteur à temps plein en étant parti de rien. »
Delphine, elle aussi, invite à une certaine prudence : « Il faut avoir confiance en soi, dans le collectif et dans les acteurs qui sont là pour nous aider à construire le projet, étudier les impacts, instruire le dossier… Il faut savoir être patients. C’est la recette du succès pour qu’une installation agrivoltaïque soit bien ficelée. »