Pourquoi se former tout au long de sa carrière d'agriculteur ?
« C'est essentiel pour continuer d'apprendre, développer ses connaissances et compétences, évoluer personnellement et faire évoluer l’exploitation en permanence, afin de s’adapter aux évolutions du contexte et des enjeux agricoles, met en avant Émilie Lecerf, directrice générale de Vivéa. Cela permet d’être autonome, maître de ses décisions et plus résilient. Un véritable levier de progrès ! »
D’ailleurs, selon l’enquête menée en 2024 par le fonds pour la formation des chefs d'entreprises agricoles, deux tiers des exploitants agricoles souhaitent renforcer les savoirs et savoir-faire avec comme objectif d'ailleurs, pour 70 % d'entre eux, de gagner en autonomie. « En France, ils ont la chance de pouvoir le faire facilement », insiste-t-elle.
Quelle offre de formation continue ?
Les sujets abordés sont très divers – techniques, économiques, liées à la comptabilité, la gestion, la fiscalité, la diversification des revenus, les ressources humaines, l’organisation du travail, le management, … – et couvrent toutes les facettes du métier d’agriculteur, pour répondre aux nombreux défis à relever. « On peut les regrouper en deux grandes familles de formations : celles dites techniques et celles stratégiques », précise Émilie Lecerf.
Les formations stratégiques, plus exigeantes, attirent moins.
Les formations techniques ont la cote : toujours d’après l’enquête Vivéa, 85 % des céréaliers sont désireux de monter en compétence dans ce domaine. Pour 40 % d’entre eux toutefois, leur dernière formation était d’ordre réglementaire. En nombre d’heures stagiaires sur l’année 2024, elles arrivent largement en tête avec près de 600 000 h contre 400 000 h pour les thématiques en lien avec l’environnement, le climat, le bien-être animal classées juste derrière. La gestion d’entreprise attire seulement 55 % des enquêtés en productions végétales. « Les formations stratégiques sont plus exigeantes donc sans doute moins attractives », analyse la directrice de Vivéa.

Quant aux organismes de formation, ils sont très nombreux : chambres d’agriculture, CER, MSA, coopératives, Cuma, instituts techniques, Civam, CFPPA... Des partenaires proches des agriculteurs, qu'ils peuvent « solliciter facilement s'ils ressentent le besoin de se former dans tel ou tel domaine », détaille-t-elle. « Souvent, ces structures viennent vers eux pour leur proposer une formation en particulier ou leur présenter l'ensemble de leur catalogue. Il est aussi possible de faire une recherche sur le site internet de Vivéa, en fonction de la thématique souhaitée, du lieu géographique, etc. »
Quel financement ?
« Les exploitants français bénéficient d’un système de financement inédit comparé aux autres pays », argue Émilie Lecerf. Créé en 2001 (en remplacement du Fafsea) et habilité pat le ministère de l'agriculture, Vivéa est en effet un fonds d’assurance formation mutualisé pour les actifs non-salariés agricoles : chefs d’entreprises agricoles, conjoints collaborateurs, aides familiaux, cotisants solidaires. Sa mission principale : informer et financer la formation continue pour les agriculteurs. Tous les ans, ces derniers cotisent pour l’abonder et obtenir en retour une enveloppe financière pour se former.
« Beaucoup ne le savent pas, puisque ce prélèvement fait partie des cotisations MSA : seulement 23 % des ressortissants nous sollicitent. En 2024, c’est quand même 3 000 € qui ont été alloués par agriculteur pour une contribution moyenne de 124 € ! », fait valoir la directrice générale de l’organisme. Le niveau de prise en charge est fixé chaque année, en fonction du revenu agricole et du plafond de la sécurité sociale, par le Conseil d'administration composé de chefs d'entreprise agricole, élus d'organisations professionnelles agricoles syndicales représentatives et à vocation générale (Chambre d'agriculture France et la CNMCCA).
« Les priorités, définies dans une feuille de route à six ans, sont elles aussi revues annuellement en fonction des besoins émanant du terrain. En termes de thématiques, elles sont actuellement axées sur la transition agroécologie, le changement climatique, la stratégie d'entreprise, le bien-être animal, le pâturage... » Sont finançables les formations courtes comme qualifiantes, en présentiel comme à distance.
À savoir : depuis cette année, il est possible d'abonder les CPF (compte personnel de formation), dont le montant est souvent insuffisant, jusqu'à 3 000 € pour 2025 (montant couvrant en général le reste à charge), donc de « participer au financement des formations du PPP (plan de professionnalisation personnalisé) des porteurs de projets en agriculture qui, par essence, ne sont pas des ressortissants Vivéa puisqu'ils ne sont pas encore installés donc affiliés à la MSA ». 6 M€ ont été consacrés à cette mesure qui a du succès. Depuis juillet, 400 dossiers ont été déposés pour un montant total de 500 000 €. « Se former est peut-être encore plus important pour les futurs agriculteurs, pour que leurs projets soient viables et vivables », martèle Émilie Lecerf.
Une situation inédite pour la fin d'année 2025
Le 14 octobre dernier, Vivéa a reçu, de la part de la MSA, « une actualisation tardive et significative des prévisions de collecte 2025 » contraignant l'organisme à « procéder à un ajustement budgétaire temporaire de ses financements de formation ». « Jusqu’à cette date, le niveau de recettes prévu pour 2025, confirmé à plusieurs reprises, nous permettait de maintenir l’ensemble des engagements pris auprès des organismes de formation et des stagiaires. L’annonce tardive d’une baisse importante de la collecte nous a placés face à une contrainte inédite : assurer l’équilibre financier du dispositif tout en maintenant l’accompagnement du plus grand nombre d’agriculteurs », déplore Émilie Lecerf.
« Les formations ont donc été priorisées jusqu’à épuisement des crédits disponibles, selon des critères objectifs, identiques sur tous les territoires, explique-t-elle. Ainsi la priorité a été donnée aux formations collectives pour permettre le départ de plus d’agriculteurs, aux formations à caractère obligatoire pour soutenir la continuité d’activité sur les exploitations, aux formations spécifiquement adaptées et conçues par nos élus pour répondre aux besoins des territoires. »
La directrice générale de Vivéa précise : « Tous les engagements financiers pris antérieurement seront intégralement honorés. Les mesures d’ajustement décidées sont strictement temporaires et circonscrites à l’exercice 2025. Les conditions habituelles de financement seront rétablies dès la première session de financement 2026. Les équipes sont mobilisées pour examiner individuellement les situations les plus critiques. »
« Des travaux de sécurisation budgétaire sont engagés pour 2026 afin qu’une telle situation ne puisse se reproduire. Cette régulation intervient paradoxalement dans un contexte de forte mobilisation des agriculteurs pour se former, signe de vitalité du dispositif (voir plus bas). Tout sera mis en œuvre pour retrouver un rythme normal dès 2026 et continuer à faire de la formation un levier essentiel de l’évolution du monde agricole », fait-elle valoir.
Quelles démarches ?
Comme évoqué plus haut, les exploitants sont souvent informés des sessions pouvant les intéresser par leurs partenaires. S'ils consultent directement le site internet de Vivéa, il leur suffit de cliquer sur l’onglet formation et d'effectuer une recherche par thème, lieu, date… Une série de propositions apparaît. Il n’y a plus qu’à choisir et s’inscrire auprès du centre de formation.
Vous n'avez presque rien à faire.
Dans les deux cas, vous n’avez rien de plus à faire, ce dernier s’occupe des démarches administratives, de la demande de financement Vivéa et reçoit directement le paiement de la formation. Vous pouvez aussi demander conseil et être guidé par des conseillers du fonds de formation, par téléphone ou en direct. Ils sont présents partout en France et sont en relation avec les différents acteurs du secteur agricole.

Combien de bénéficiaires ?
Chaque année, près de 130 000 exploitants agricoles bénéficient d’une prise en charge via ce fonds, soit 23 % seulement des agriculteurs. 21 % se forment une fois par an, 17 % plusieurs fois par an, 20 % tous les trois ans et 22 % tous les huit ans voire plus, révèle de son côté l’enquête conduite par Vivéa. Comment expliquer ce paradoxe puisqu’ils semblent demandeurs ? « Depuis début 2025, le nombre de stagiaires a augmenté de 13 % même si la loi d'orientation agricole a nettement diminué le crédit d'impôt pour se faire remplacer sur son exploitation », constate d'ailleurs l'organisme.
+ 13 % de stagiaires depuis début 2025.
Les producteurs interrogés ont identifié plusieurs freins. 60 % considèrent ne pas être assez informés sur l’offre et les financements disponibles, 40 % manquent de temps, 30 % mettent en cause les modalités pratiques (période, durée, localisation, organisation,), 20 % jugent le coût élevé, preuve de la méconnaissance du dispositif de financement.
Comment inciter les exploitants à se former davantage ?
Pour lever ces difficultés et améliorer sa visibilité, Vivéa mise sur la communication en organisant des campagnes de promotion, des permanences dans les OPA, des événements spécifiques, etc. « Il faut aller au contact des agriculteurs pour qu'ils connaissent mieux leurs droits. Nous devons démystifier les croyances limitantes sur la formation continue pour aider les exploitants, qui ne se forment jamais ou rarement, à franchir ce premier pas qui les bloque », appuie Émilie Lecerf.
Démystifier les croyances limitantes sur la formation continue.
« Nous travaillons actuellement à adapter les modalités de prise en charge et notre offre de services via notamment la possibilité de moduler davantage les parcours de formation et de nouveaux formats, plus courts – en 2024, nous avons supprimé la durée minimale de formation de 7 h –, agiles, concrets, opérationnels, sur des compétences ciblées et adaptés à la volatilité de notre public », ajoute-t-elle. Une refonte et modernisation du site internet est également prévue pour 2026.