Etudes
Les néonicotinoïdes, des produits qui attirent les abeilles

« Les grandes cultures en fleurs sont des sources de nourriture importantes pour les abeilles sauvages, mais elles peuvent se transformer en pièges écologiques si les butineuses sont exposées à des pesticides tels que les néonicotinoïdes », relèvent les auteurs d'une étude menée en Suède, issus de l'université de Lund.

Les chercheurs ont étudié 16 champs de colza, dont la moitié aux semences traitées au clothianidine, et analysé les collectes de pollen et le comportement des insectes. « Le résultat le plus spectaculaire est que les colonies de bourdons n'ont quasiment pas grossi dans les sites traités », explique Maj Rundlof. A la fin de l'expérience, on y dénombrait moins de cocons que dans les pièces non traitées. Autre découverte, les abeilles solitaires ne sont pas retournées dans les nids placés aux abords des champs traités. Elles ont en revanche regagné, dans six cas sur huit, ceux disposés près des parcelles non traitées, commençant à édifier des cellules de couvain. Pourquoi ? « Ca reste à éclaircir, mais une capacité réduite à naviguer est une explication possible ».

Des études précédentes ont montré que des abeilles exposées aux néonicotinoïdes avaient du mal à reconnaître les caractéristiques des fleurs, à s'orienter, à butiner, ce qui conduisait à la disparition de colonies entières. En revanche les chercheurs suédois n'ont, dans leur étude, pas constaté d'impact sur les colonies d'abeilles à miel domestiques. « Cependant le manque d'effets à court terme n'exclut pas l'existence d'effets à long terme », soulignent les chercheurs, qui s'attellent désormais à l'étude de ces impacts sur un avenir plus lointain.

Le débat sur ces produits fait rage entre scientifiques, environnementalistes, apiculteurs, et fabricants de pesticides. Pour David Goulson, biologiste à l'université du Sussex, cette étude est « une avancée majeure dans la clarification du débat ». Notamment parce que c'est « le premier essai » en conditions réelles, a-t-il dit au Science Media Centre de Londres.

Comme la nicotine

Ce rapport trouve une résonance particulière avec la publication d'une autre étude. Selon celle-ci, non seulement les abeilles ne peuvent éviter les fleurs traitées aux néonicotinoïdes, mais il se pourrait bien qu'elles les préfèrent. Certains ont en effet suggéré que soient plantées, à côté des parcelles traitées, d'autres non traitées pour les abeilles. Or ce rapport montre qu'elles n'ont pas vraiment le choix : quand on leur propose une solution de sucrose à côté d'une autre de sucrose associé à un néonicotinoïde, les abeilles mellifères comme les bourdons non seulement ne sont pas repoussés par le second nectar, mais préfèrent se tourner vers lui. « Nous avons une preuve que les abeilles préfèrent manger la nourriture contaminée par des pesticides » souligne Geraldine Wright, de l'université de Newcastle.

Les chercheurs ont utilisé des centaines de bourdons et des milliers d'abeilles à miel qui, en laboratoire, ont pu aller librement sur les deux types de solutions. « Les abeilles n'ont évité aucune des concentrations des trois néonicotinoïdes » proposés, souligne Mme Wright. « Au contraire, elles ont choisi les tubes contenant l'imidaclopride ou le thiamethoxam ». Les abeilles sont également allées vers le clothianidine, même si elles n'ont pas montré de préférence particulière pour lui. Ce n'est pas une question de sensation. Mais, comme la nicotine, « il se peut que les néonicotinoïdes agissent comme une drogue, rendant la nourriture plus gratifiante ». « Je crois que cette expérience montre que ces composants ont un effet pharmacologique sur le cerveau de l'abeille » pointe Mme Wright.

Les abeilles sont frappées depuis des années, notamment en Europe et en Amérique du Nord, par un effondrement de leurs colonies, attribué aux pesticides, mais aussi un virus, ou des champignons, ou un ensemble de facteurs. Formant 80 % des insectes pollinisateurs, elles sont essentielles à la sécurité alimentaire mondiale. En décembre 2013, l'Union européenne a imposé pour deux ans un moratoire partiel sur trois types de néonicotinoïdes.

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