La Commission va demander « de prolonger l'autorisation actuelle jusqu'à l'avis de l'ECHA », l'Agence européenne des produits chimiques qui doit publier une étude sur le glyphosate en 2017, a expliqué lors d'une conférence de presse à Bruxelles le commissaire en charge de la Santé et de la Sécurité alimentaire, Vytenis Andriukaitis.
Cette proposition sera faite aux Etats membres lors d'une réunion à Bruxelles le 6 juin, alors que l'autorisation actuelle de la substance expire à la fin du mois de juin.
Une controverse est née sur les effets du glyphosate sur la santé et son caractère cancérogène, sur la base de différentes études scientifiques, animant un débat qui dure depuis plusieurs semaines.
La Commission proposait jusqu'à présent de renouveler pour 9 ans l'autorisation du glyphosate, une décision qui doit être votée au sein d'un comité technique phytosanitaire composé d'experts et de représentants des Etats membres. L'exécutif européen tablait sur l'obtention d'une majorité qualifiée mais deux réunions, en mars puis mi-mai, ont montré l'absence de consensus sur la question.
« Les Etats membres n'ont pas besoin de se cacher derrière une décision de la Commission », a lancé mercredi le commissaire Andriukaitis, rappelant que si le glyphosate était autorisé au niveau de l'UE, la décision de commercialisation des produits finaux sur chaque territoire national, c'est à dire des pesticides contenant ce principe actif, restait en revanche entre les mains des 28.
Limiter l'utilisation du glyphosate dans les lieux publics
Le glyphosate se retrouve dans les pesticides les plus courants, comme le Round-Up de Monsanto, ou encore chez les concurrents Syngenta, BASF, Bayer, Dupont, ou Dow Agrosciences. La Commission a par ailleurs précisé préparer une deuxième proposition visant à « minimiser » l'utilisation du glyphosate dans les jardins, parcs et aires de jeux publics ainsi que dans les champs dans la période qui précède la récolte. Ces limitations étaient réclamées non seulement par le Parlement européen mais aussi par Greenpeace UE. C'est « la moindre des choses : des restrictions strictes pour limiter l'exposition de l'homme », a expliqué Franziska Achterberg, chargée des questions alimentaires dans l'ONG.
Les nouvelles propositions n'ont pas fait changer d'avis la France, un des 8 pays qui n'avait pas donné son accord il y a quinze jours, a d'ores et déjà prévenu la ministre de l'Environnement, Ségolène Royal, sur Twitter. Paris « ne votera pas la proposition de Bruxelles », a-t-elle indiqué.
L'industrie phytosanitaire s'est aussi montrée aussi insatisfaite après ce changement bruxellois, estimant que l'idée de prolongation « établit un précédent disproportionné dans le contexte des règles et procédures en matière d'autorisation de substances actives », selon un communiqué du Glyphosate Task Force, un consortium emmené par l'américain Monsanto.
Bruxelles a également réitéré son intention d'interdire un coformulant, le POE-tallowamine, qui entre dans la composition de certains produits herbicides basés sur le glyphosate, et dont le caractère toxique a été soulevé. « Si les gouvernements ne sont pas certains que le glyphosate est sans danger, les Européens ne devraient pas y être exposés », a réagi Bert Wander, directeur de campagne d'Avaaz, un collectif qui a recueilli 1,4 million de signatures contre l'utilisation du glyphosate.
Le principal syndicat agricole européen, le Copa-Cogeca, a de son côté appelé à renouveler l'autorisation du glyphosate « en l'absence d'alternative existante ». Utilisé notamment dans les vignes et sur les cultures de fruits ou d'olives, la substance favorise selon le syndicat « les pratiques agricoles durables », notamment pour les agriculteurs qui ne labourent pas ou très peu leurs champs. Les Etats-Unis, en pleine négociation sur un accord de libre-échange avec l'UE, sont très inquiets d'une éventuelle interdiction du glyphosate, qu'ils considèrent comme le moins toxique des herbicides.